Le Premier ministre François Bayrou a proposé mardi la suppression de “deux jours fériés” en France lors de la présentation de son plan pour le budget 2026. Quel serait l’impact de cette mesure sur l’économie du pays ?
Le premier ministre Français a lancé un pavé dans la mare. “Il faut travailler plus. Je propose donc que deux jours fériés soient supprimés pour le pays”, a-t-il déclaré ce mardi 15 juillet, en annonçant les pistes retenues par le gouvernement pour réaliser “43,8 milliards d’économies” dans le budget 2026. « Cette modification du calendrier permettra d’augmenter l’activité économique des entreprises, des commerces et de la fonction publique pour que notre production en soit améliorée. Ses modalités seront soumises à la négociation des partenaires sociaux », a précisé le chef du gouvernement. La mesure pourrait rapporter « plusieurs milliards d’euros au budget de l’Etat », assure-t-il encore.
France : un jour férié = 1,5 milliard d’euros
Mais cette mesure serait-elle vraiment efficace ? Combien coûte réellement un jour férié à l’économie d’un pays? De 11 jours fériés actuellement, la France passerait ainsi à neuf, un chiffre inférieur à la moyenne européenne (voire aussi l’encadré ci-dessous).
Selon un calcul de l’Insee (mai 2024), chaque jour férié en semaine coûte environ 1,5 milliard d’euros, soit un impact de 0,06 point de PIB. Un tel jour sans travailler ralentit l’activité du bâtiment ou de l’industrie explique Mathieu Plane Directeur adjoint chargé de l’analyse et des prévisions à l’OFCE (Observatoire Français des Conjonctures Économiques) sur BFMTV. D’après l’Insee (2015), les jours fériés provoquent une baisse du chiffre d’affaires de 2 à 3 % dans la majorité des secteurs, avec des pics allant jusqu’à –10 % dans l’industrie. Ainsi, la suppression de deux jours pourrait stimuler le PIB d’environ 3 milliards euros.
Impact négatif à relativiser
Mais, cet impact négatif est rattrapé sur le reste de l’année, avance l’économiste Mathieu Plane. “Tout ça est anticipé. Ce n’est pas comme dans le cas d’une grève où vous pouvez avoir un blocage de la production qui ne serait pas anticipé. Là, les entreprises s’organisent face à cet événement qui est relativement récurrent. Donc il ne faut pas juste se focaliser sur un mois qui est très spécifique”, explique-t-il.
Ces chiffres bruts sont donc à relativiser. L’Insee a également montré qu’une année avec trois jours fériés tombant un dimanche peut stimuler la croissance de 0,11 point de PIB, en supprimant des jours non productifs. Par ailleurs, des secteurs comme le tourisme et la restauration profitent massivement des longs week-ends, ce qui génère jusqu’à 3 milliards d’euros de retombées économiques positives.
Belgique : un coût plus diffus, mais comparable
Comment cela se compare-t-il à la situation belge ? Le pays compte 10 jours fériés légaux par an, dont certains comme la Fête du Roi du 15 novembre sont largement chômés dans la fonction publique mais rarement dans le privé. Six des dix jours fériés annuels sont religieux, ce qui pousse certains à envisager leur conversion en congés légaux plus flexibles, que le travailleur pourrait prendre quand il veut tout au long de l’année. En Belgique, supprimer un jour férié n’est pas à l’ordre du jour. Certains partis et syndicats parlent, au contraire, d’ajouter un jour férié le 8 mai. Ecolo a plaidé pas plus tard que cette semaine pour une cinquième semaine de congés légaux en Belgique. La N-VA aimerait, elle, faire du 11 juillet un jour férié en Flandre.
L’Horeca gagnant
Peu d’études ont quantifié leur impact économique global, mais les estimations disponibles suggèrent une perte de productivité relativement similaire à celle observée en France. Certains secteurs perdent directement, surtout l’industrie, la construction et la logistique. D’autres, comme l’horeca, compensent largement en termes de chiffre d’affaires.
Le coût estimé d’un jour férié pour l’économie belge est d’environ 170 millions d’euros, selon RTL Info. En multipliant ce chiffre par un jour travaillé supplémentaire, on pourrait donc espérer un gain brut de l’ordre de 150 à 170 millions d’euros en production économique. La suppression d’un jour férié pourrait légèrement améliorer la compétitivité des entreprises, mais l’effet serait marginal.
L’UCM, va plus loin dans ses estimations. Si toute l’économie belge est complètement à l’arrêt pendant un jour complet sans aucune activité, il y aurait un manque à gagner de 2,5 milliards d’euros pour le pays. « Même si, dans la réalité, on sait toutefois que l’économie ne s’arrête jamais complètement », précise l’UCM. En réalité, l’effet réel d’un jour férié classique est intermédiaire à ces deux données chiffrées, car certaines activités compensent (livraison décalée, heures supplémentaires), les salariés consomment davantage (loisirs, restauration, hôtels,..).
Un effet symbolique
Sur le plan économique, les avis divergent parmi les économistes. Pour certains, supprimer un jour férié aurait un impact marginal, essentiellement symbolique, car le travail perdu serait souvent rattrapé. D’autres experts estiment que cela pourrait mécaniquement améliorer le PIB. Agoria, la fédération de l’industrie technologique, souligne régulièrement que les jours fériés tombant en semaine, combinés aux « ponts », coûtent cher à l’industrie manufacturière, en particulier lorsque les calendriers ne sont pas harmonisés entre les Régions ou avec les pays voisins. Mais comme en France, des effets positifs indirects sont à prendre en compte : tourisme local, consommation de loisirs, sans parler de la santé mentale et du bien-être au travail.
En résumé, chaque jour férié supprimé représente un potentiel de plusieurs centaines de millions d’euros pour relancer l’activité économique et améliorer les finances publiques d’un pays. Ce n’est pas un montant faramineux par rapport au budget total de l’État, mais dans un contexte de contraintes budgétaires, c’est un levier intéressant à envisager.
Top 10 des pays européens avec le plus de jours fériés
Rang | Pays | Jours fériés annuels |
1 | Croatie | 14 |
1 | Bulgarie | 14 |
1 | Finlande | 14 |
1 | Lituanie | 14 |
1 | Chypre | 14 |
6 | Espagne | 14 |
7 | Portugal | 13 |
7 | Pologne | 13 |
7 | Roumanie | 13 |
10 | Autriche | 13 |
— | France | 11 |
— | Belgique | 10 |
Sources : Eurostat