Pandémie, crise énergétique, guerre en Ukraine… L’industrie allemande, tournée vers l’exportation, est à la peine dans la première économie de la zone euro, qui devrait entrer en récession l’an prochain.
Face à ces bouleversements, l’Allemagne ne doit pas renoncer à son modèle, mais plutôt “diversifier” ses relations commerciales, explique à l’AFP l’économiste Stefan Kooths, de l’Institut Kiel pour l’économie mondiale (IFW Kiel)
L’Allemagne doit-elle renoncer à son modèle industriel tourné vers l’exportation ?
“Le modèle allemand n’a pas été le fruit d’une décision politique, mais d’une division internationale du travail. L’industrie a profité, après la chute du rideau de fer, de l’externalisation de certaines productions à faible valeur ajoutée vers l’Europe de l’Est.
En échange, l’Allemagne s’est donc spécialisée dans les biens d’équipement, qui sont commercialisés au niveau mondial, et donc très dépendants des exportations. Mais la réponse de l’Allemagne ne doit pas être de se verrouiller, de ramener la production à la maison. Il faut au contraire diversifier les échanges avec les régions du monde où il y a encore des marges de manoeuvre, comme en Amérique du Sud et en Afrique. Il y de la place dans ces régions pour un pays qui produit des biens d’équipement, via de nouveaux accords commerciaux.”
Quelles conséquences va avoir la crise énergétique sur l’industrie allemande?
“Il faut s’attendre, en ce qui concerne les industries énergivores, notamment la chimie et l’acier, à des probables délocalisations. Mais je ne vois pas de désindustrialisation générale pour l’industrie allemande. Le prix du gaz devrait se stabiliser à moyen terme, même si le coût restera plus élevé qu’avant la crise. Il y aura donc un désavantage compétitif de l’Allemagne vis-à-vis de pays qui produisent eux même le gaz naturel en grandes quantités, comme les Etats-Unis, car le gaz GNL que nous importons coûte cher, en transport notamment. Par ailleurs, même si il est probable que certaines industries en Allemagne partent, ce ne sera pas du jour au lendemain.”
Le paquet de 200 milliards, annoncé par le gouvernement allemand pour imposer un bouclier tarifaire, va-t-il permettre d’aider l’industrie ?
“Ce type de programmes comporte des risques considérables, car il va maintenir un prix élevé au niveau mondial. En effet, nous ne sommes pas le seul pays dans l’Union européenne à subventionner le gaz. A nous tous, nous renforçons la demande de gaz en Europe, ce qui maintient un prix élevé sur le marché mondial. Par ailleurs, nous devons réduire la consommation de gaz d’environ 20% en Europe. Et pour cela, il faut de fortes incitations à la sobriété. Nous affaiblissons ces incitations en faussant les prix. Cela accroît le risque que le gaz disponible ne soit pas suffisant pour approvisionner tout le monde cet hiver. Naturellement, les industries se plaignent de prix de gaz trop élevés. Mais cela sera encore pire si le gaz devait être rationné par l’Etat”.