Éric Lombard: “Sans réduction de la dette, nous perdrons notre souveraineté”

Eric Lombard © Belga
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Le nouveau ministre de l’Economie et des Finances français attend avec impatience que son pays se dote d’un budget.

Ancien patron de la Caisse des Dépôts, le bras armé de l’Etat français, Éric Lombard est depuis un mois le nouveau ministre français de l’Economie et des Finances, avec la lourde tâche de réduire le déficit et de faire redémarrer l’économie d’un pays qui devrait afficher, selon les projections officielles, une croissance de 0,9% cette année.

Principale contrainte

L’objectif est de ramener le déficit public à 5,4% du PIB cette année, mais pour cela encore faut-il que la France ait un budget. C’est loin d’être évident alors que le gouvernement piloté par François Bayrou n’a pas de majorité parlementaire. Des tractations informelles devraient avoir lieu cette semaine au sein d’une commission mixte paritaire et  pourraient déboucher sur un accord entre députés et sénateurs. Certains se veulent modérément optimistes.

En présentant ses vœux ce mardi à la presse économique, Éric Lombard n’a pas caché que la situation était grave. « L’évolution de nos finances publiques devient une des principales contraintes de notre pays. Nous devons nous mettre dans une trajectoire de réduction des déficits, non seulement parce que c’est une contrainte européenne, mais aussi parce que c’est une nécessité, un impératif pour notre pays. Le niveau de la dette dépasse les 3.000 milliards d’euros, le montant des intérêts que nous versons chaque année à nos créanciers représentera cette année plus de 50 milliards. Si nous n’inversons pas cette tendance, nous allons perdre notre indépendance et notre souveraineté. Plus de 50 milliards d’euros de service de la dette, c’est le deuxième budget de l’État. Imaginez ce qu’on pourrait faire si on avait le taux d’endettement de l’Allemagne, ajoute-t-il, en ajoutant que l’on voyait « les inconvénients de ne pas avoir de budget ».

Un pays paralysé

Éric Lombard impute en effet une partie de la hausse du chômage, qui a augmenté sensiblement en France au cours des derniers mois de l’an dernier et qui devrait atteindre 7,6 à 8% cette année, à la paralysie du pays. « La hausse du chômage est le fruit à la fois d’une conjoncture internationale qui s’assombrit un peu, et d’un pays dont il faut bien admettre que, depuis le vote de la motion de censure (qui a fait tomber le gouvernement de Michel Barnier au début du mois de décembre, NDLR), il a largement ralenti :  les entreprises attendent de voir quel sera l’environnement budgétaire avant de savoir si elles doivent investir ou recruter. Les ménages sentent bien une inquiétude. Et l’Etat investit moins qu’il ne le fait d’habitude. »

Éric Lombard souligne aussi le fait qu’il faut préserver l’attractivité de l’économie française.

« L’agenda d’attractivité reste tout à fait central, raison pour laquelle nous souhaitons limiter, autant que faire se peut, les charges des entreprises, la taxation des plus-values ou des dividendes. Nous souhaitons que les entrepreneurs investissent et que les investisseurs étrangers viennent chez nous.

Un gouvernement divers

Et puis Éric Lombard, catalogué socialiste,  est revenu sur le différend qu’il a eu avec Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur qui représente l’aile droite du gouvernement. Ce dernier avait indiqué, après un tragique fait divers qui a coûté la vie à un adolescent tué parce qu’on voulait lui dérober son téléphone, que l’immigration « n’était pas une chance pour la France ». Éric Lombard avait rétorqué que le pays avait au contraire besoin d’une immigration de travail,, et que la France devait  “bien sûr” rester un pays d’immigration sur le plan économique.

Serait-ce une première fracture dans le gouvernement ? « J’ai compris que le Premier ministre avait dit que nous avions tous les deux raison,  Bruno Retailleau et moi-même », dit-il.  

« Ma position est très, très simple, ajoute le grand Argentier. En trois points : nous avons besoin d’une immigration économique (ce ministère est celui des entreprises et les entreprises, mais aussi les hôpitaux, le demandent). Nous sommes aussi une terre d’asile pour les personnes qui sont persécutées ou en danger dans leur pays, et cette tradition d’asile doit se poursuivre.  Enfin, je veux dire que l’immigration est aussi effectivement une chance parce que c’est un enrichissement culturel et que j’ai toujours pensé que la diversité est une bonne chose ». Éric Lombard poursuit : «  Alors, il ne faut pas être naïf. Il y a des situations où cela peut être porteur de déséquilibres sociaux dans certains endroits. Et nous pouvons piloter l’immigration irrégulière , qui produit des situations illégales ». Il ajoute que Bruno Retailleau est « tout à fait dans son rôle en reconduisant aux frontières des personnes en situation irrégulière ». Il conclut : « Nous sommes dans un gouvernement qui est divers et qui doit l’assumer ». Le spectre politique que couvre le gouvernement est large, ajoute encore Éric Lombard. « Il va d’un dialogue que nous souhaitons et que le Premier ministre souhaite, avec les partis de gauche, jusqu’à des partis qui sont plus à droite. Et chacun a sa tradition.».

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