Eric Lauwers (Arvesta) : “La sécheresse réduira encore plus les rendements”
La sécheresse persistante est un coup dur supplémentaire pour l’agriculture belge qui a déjà encaissé la forte hausse des prix des engrais et la guerre en Ukraine (la Russie et l’Ukraine fournissent 29 % des céréales). Eric Lauwers, CEO d’Arvesta, le plus grand partenaire belge de services complets délivrés aux agriculteurs et horticulteurs, dresse un premier bilan.
La sécheresse actuelle est-elle un motif d’inquiétude pour la Belgique et l’Europe occidentale ?
ERIC LAUWERS. “Nous craignons que la sécheresse ait un impact sur les récoltes et c’est également ce que prévoit l’USDA (United States Department of Agriculture). Le département américain de l’agriculture fait régulièrement des estimations quant aux récoltes.”
Les rendements des récoltes avaient déjà été affectés par le manque d’engrais.
LAUWERS. “Il y a suffisamment d’engrais, mais ils sont tout simplement trop chers. L’agriculteur achètera de toute façon moins d’engrais, vu le prix. Cela signifierait jusqu’à 40 % de rendement en moins. Mais maintenant, l’impact est double, en raison de l’arrivée de la sécheresse dans cette équation, cela signifie que les engrais seront moins efficaces. En effet, l’efficacité des engrais n’est optimale que s’ils sont utilisés en combinaison avec une quantité d’eau suffisante…”
Les marchés tiennent-ils déjà compte d’une plus longue période de sécheresse?
LAUWERS. “Les prix du maïs et du blé ont à nouveau fortement augmenté sur le Matif (le marché à terme international de France, un marché financier, spécialisé dans les produits dérivés, ndlr), ce qui renforce les craintes de pénurie. Rien que lundi dernier, le 16 mai, le prix du blé a augmenté de plus de 5 %. L’Inde avait également annoncé qu’elle interdisait les exportations de ses céréales le week-end dernier. Or, cela représente environ plusieurs millions de tonnes”.
Le G7, le sommet des plus grands pays industrialisés occidentaux, a tiré la sonnette d’alarme au sujet de l’Ukraine le week-end passé. Le maïs et le blé des précédentes récoltes ne peuvent tout simplement pas sortir du pays.
LAUWERS. “Les céréales restent bloquées dans les silos. Vingt des 35 millions de tonnes de céréales produites sont encore bloquées. Ces cargaisons ne sortent qu’au compte-gouttes, par camions et bateaux. Une autre question est de savoir si les agriculteurs ukrainiens seront en mesure de semer suffisamment pour pouvoir récolter suffisamment l’année prochaine. Les semailles sont en cours. Mais selon les estimations du ministère américain de l’agriculture, on a semé 30 % de blé et 50 % de maïs en moins.”
Les scénarios de famine sont donc plus réels que jamais ?
LAUWERS. “Pas en Europe. Nous pouvons obtenir les alternatives aux exportations de blé en France, en Hongrie et en Allemagne. Nous pouvons récolter suffisamment de blé nous-mêmes en Europe. On peut obtenir du maïs du Brésil, mais il faut alors vérifier quelles variétés sont autorisées. Certaines variétés provenant de ce pays sont des organismes génétiquement modifiées. Nous ne pourrons pas remplacer tout le maïs, que nous ne pouvons pas obtenir d’Ukraine, par du maïs brésilien. Les alternatives possibles sont le manioc ou encore d’autres céréales. Il doit avoir la même valeur nutritionnelle et un prix semblable et correct. Malgré le fait que les consommateurs paieront de toute façon un prix plus élevé pour les denrées alimentaires.”
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