Débat des présidents: Nollet juge Bouchez “contournable”, Magnette traite Hedebouw de “bulle” 

Notre débat réunissant les six présidents de partis francophones a donné lieu à des joutes mémorables, ce mercredi soir. La rupture entre bleus et verts semble consommée. Le PS s’en prend au PTB et au MR. Mais les Engagés s’imposent en rassembleurs et… ne sont pas si loin du MR. Aperçu d’échanges à couteaux tirés. En sachant… que tous devront peut-être collaborer. 

Un Jean-Marc Nollet, coprésident d’Ecolo, remonté contre les libéraux, a asséné une phrase qui ressemble à une rupture définitive, lors de notre grand débat des présidents de partis, diffusé ce mercredi soir sur le site de Trends-Tendances. A l’issue d’un échange fiscal, Jean-Marc Nollet a soudain asséné: “Votre débat me rassure. Plusieurs tours de table montrent que M. Bouchez est contournable. Il y a moyen de créer un autre projet, certes pas 100% écologiste, mais différent de celui que l’on n’a pas réussi à construire durant cette législature.” Or, la fiscalité est un des enjeux majeurs mis en avant par les six partis et le dossier énergétique sépare également verts et bleus. 

Les écologistes et les libéraux étaient à l’origine de la Vivaldi fédérale, qui a gouverné cette législature. Mais le climat est devenu glacial entre les présidents. Outre le blocage sur la réforme fiscale que le MR “assume” parce qu’il souhaite une diminution de la charge fiscale et pas un glissement fiscal, le bras de fer énergétique sur le nucléaire a démontré, sans surprise, un fossé entre les écologistes estimant que le 100% renouvelable est “possible” et des libéraux qui plaident en faveur d’un mix incluant le nucléaire (comme les Engagés et DéFi). 

Au cours du débat, Jean-Marc Nollet a également réclamé le retrait du décret “Paysage” de l’enseignement supérieur, qui avait été porté par la ministre libérale Valérie Glatigny. Le PS l’a suivi dans la foulée. Pour la gauche, contourner le MR semble être devenu le leitmotiv. 

Le PS charge le PTB: “Vous êtes une bulle!” 

Le PS cherche, lui, à récupérer les parts perdues sur le PTB et charge la gauche radicale depuis plusieurs semaines. Ce fut le cas encore en matière de travail ou de fiscalité durant notre débat. Avec des saillies très fortes du président socialiste Paul Magnette. Ce dernier a défendu sa proposition d’une semaine de 32 heures sans perte de salaire, surtout en fin de carrière. Une mesure critiquée sans surprise par les Engagés, pour qui ce serait “un mauvais signal”, et le MR pour qui “cela n’a aucun sens parce que l’on a besoin de plus de travail”. “C’est joli sur papier, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions, ajoute Bouchez. En Wallonie, 80% des entreprises sont des PME, elles ne pourront pas engager une personne en plus”. 

Mais le PTB, lui, s’en prend au PS: “Mon problème, c’est qu’entre les paroles de Monsieur Magnette et la pratique politique, il y a un gouffre. La Vivaldi n’a rien fait sur les fins de carrière. Le PS avait dit: condition pour monter au gouvernement, le retour à la pension de 65 ans, cela n’a jamais été discuté. La Vivaldi n’a rien fait pour les fins de carrière. Les 32 heures, je suis pour, Monsieur Magnette a raison, c’est le sens de l’histoire, mais là, à nouveau, il y a une différence entre les mots et les actes: le PS a validé les heures supplémentaires défiscalisées.” 

Jean-Marc Nollet (Ecolo) défend: “C’est faux de dire que l’on n’a rien fait.” Mais Paul Magnette, en guise de réplique, s’emporte: “Dans tous les débats, Monsieur Hedebouw attaque le Parti socialiste, il n’attaque pas la droite. Chaque fois, Monsieur Bouchez fait un grand sourire quand il parle. Le but de Monsieur Hedebouw, c’est de diviser la gauche et je le regrette.” Il défend que les socialistes ont été à la source de toutes les réductions du temps de travail. “Vous dites souvent que les politiciens de droite vivent dans leur bulle, mais vous, vous êtes une bulle!” 

La gauche contre le MR sur la réforme fiscale 

En matière de fiscalité, Maxime Prévot, président des Engagés, défend la proposition de créer un “bonus bosseurs”. Un montant de 450 euros serait dégagé pour creuser l’écart entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. “Un des grands échecs de la Vivaldi, c’est l’absence de réforme fiscale pour pouvoir revaloriser le travail”, regrette-t-il, en défendant son projet “ampleur”. 

Le MR est pointé du doigt pour s’être opposé au projet de réforme du ministre Vincent Van Peteghem (CD&V). “Exact, on l’assume et on le revendique”, souligne son président, Georges-Louis Bouchez. Ce qui était sur la table, ce n’était pas une réduction de la fiscalité, c’était un transfert.”  

Sur ce sujet, les partis de gauche sont globalement en phase. Ecolo appuie une nouvelle fois sur la responsabilité des libéraux. Paul Magnette défend lui aussi baisse d’impôts sur le travail financée “effectivement par un glissement de la fiscalité et par une taxation du capital. “C’est complètement dingue, il y a des milliards de dépenses publiques dans ce pays et on n’est a pas encore assez”, rétorque Bouchez, tandis que Paul Magnette dénonce “les résultats de la politique libérale”. 

Ecolo face au MR, les Engagés et DéFi en matière énergétique 

En matière énergétique, le MR défend sa volonté de mettre en place un mix des énergies renouvelables et du nucléaire pour l’avenir du pays. “Sans le recours aux technologies, nous n’atteindrons pas nos objectifs climatiques”, dit-il. Et la réduction de la consommation qui serait nécessaire avec le 100% renouvelable nous mènerait vers la décroissance, sans l’avouer. 

Jean-Marc Nollet (Ecolo) défend son option 100% renouvelable, une énergie propre et moins chère. “Les prix et les délais du nucléaires explosent dans les pays où on le développe, clame-t-il. C’est notre intuition et on a face à nous Monsieur Bouchez qui raconte n’importe quoi. On a donc testé nos hypothèses auprès d’universitaires indépendants de l’université de Gand et comparé cela avec les 45 centrales supplémentaires qu’il veut mettre. Le résultat, c’est que nos scénarios sont faisables et cela permet de diminuer la facture des citoyens de 100 milliards d’euros.” 

“Idéaliste dogmatique”, tacle Maxime Prévot, au même titre que François De Smet (DéFi). Les deux hommes insistent sur la difficulté de développer rapidement le renouvelable et estiment que cela n’a pas de sens d’opposer deux énergies décarbonées. “Il y avait un slogan de Laurette Onkelinx (PS) qui disait dans les années 1990: tous bilingues en 2001, souligne François De Smet. Le slogan 100% renouvelable va mal vieillir de la même manière.” 

“Je suis presque fan de Monsieur Nollet!”, ironise Georges-Louis Bouchez en pointant du doigt sa “confiance voire son arrogance” alors qu’ils ont plaidé longtemps pour la fermeture totale du nucléaire, avant d’accepter la prolongation des deux réacteurs. 

 Paul Magnette, président du PS, veut “être clair’, mais il insiste simplement sur la nécessité de réduire la consommation “de façon plus ambitieuse que Monsieur Bouchez” et de continuer à soutenir le renouvelable. Point. 

Les Engagés en fédérateurs et une nécessité de collaborer 

Si le PS veut reconquérir les voix perdues au PTB, si rouges et verts semblent désireux de planter un Olivier après le 9 juin (PS-Ecolo-Engagés), notre débat a toutefois démontré que ce ne serait pas si simple. Les Engagés, qui ont le vent en poupe, se disent prêts à “retourner aux manettes”, mais avec la volonté d’être une “force pivot” et les liens avec le MR sont assez clairs. Une tripartite classique serait davantage du goût de Maxime Prévot, semble-t-il. 

Cela étant, on n’a guère parler de la Flandre lors de ce débat et les résultats au nord du pays conditionneront beaucoup de chose au fédéral. Quant à l’émiettement des voix, il pourrait imposer une coalition impliquant toutes les forces démocratiques. Alors, les ruptures et les exclusives éventuelles n’auront guère de sens.