Rudy Aernoudt

Coûts de la déclaration fiscale: l’Estonie, un élève modèle ?

Non, je ne parlerai pas ici du niveau d’imposition. Tous les lecteurs savent pertinemment que la Belgique se classe invariablement parmi les pays où les taux d’imposition sont les plus élevés, tant pour l’impôt des personnes physiques que pour celui des sociétés. Si vous avez encore des doutes à ce sujet, je vous renvoie au dernier rapport que l’OCDE a consacré à ce thème. Et à la veille des élections, il y a fort à parier que de nombreux partis vont formuler des promesses en la matière.

Vous n’êtes pas sans savoir que la fiscalité implique aussi beaucoup de paperasserie. Les mois de mai et juin sont classiquement ceux au cours desquels, dans la mesure où cela n’a pas déjà été fait, toutes les données nécessaires sont collectées afin de soumettre la déclaration à temps. Le service Tax-on-web pourrait créer l’illusion que la déclaration d’impôt est devenue un jeu d’enfant pour les entreprises. Il convient toutefois de ne pas sous- estimer son coût administratif. Encore une fois, je ne parle pas ici des taux d’imposition, mais bien du coût supporté par une entreprise afin de se mettre en règle avec la législation fiscale. La complexité du système fiscal entraîne également l’externalisation d’un grand nombre d’obligations administratives. Selon des études européennes ( Cost of tax compliance in Europe, 2018), seules 15% des entreprises belges préparent leurs déclarations fiscales entièrement en interne ; 10% externalisent entièrement, alors que pour la grande majorité, soit 75%, la déclaration fiscale est une combinaison de travail interne et d’ outsourcing. Les chiffres de la Belgique sont similaires à ceux de l’Europe. Ces moyennes masquent bien sûr les différences en fonction de la taille des entreprises. Il va de soi que ce sont les grandes entreprises, dotées de suffisamment de connaissances in house, qui n’externaliseront pas. Au niveau européen, 30% des grandes entreprises s’occupent de leurs déclarations d’impôts en interne, contre 17% des petites entreprises.

Ces moyennes contrastent fortement avec celles du pays européen de la blockchain par excellence, l’Estonie. Pas moins de 60% des entreprises estoniennes soumettent leur déclaration fiscale sans recourir à l’externalisation, et 40% d’entre elles optent pour une combinaison du travail en interne et de l’ outsourcing. L’externalisation complète n’y existe tout simplement pas. En outre, les déclarations sont 100% électroniques en Estonie, tout comme en Slovénie et, c’est à souligner, en Italie. La Belgique obtient également d’assez bons résultats dans ce domaine avec, selon les estimations, 85% des entreprises qui remplissent à la fois leur déclaration de TVA et leur déclaration d’impôts par voie électronique.

Le coût de la déclaration fiscale dépend principalement de quatre facteurs : la taille de l’entreprise, la méthode utilisée pour préparer la déclaration, le secteur (certains secteurs ont des réglementations fiscales plus complexes que d’autres) et la complexité de la déclaration. Le coût administratif annuel total pour se conformer à la législation fiscale (déclaration de TVA, déclaration fiscale annuelle et autres taxes) s’élève en moyenne à 6.500 euros en Europe pour les micro-entreprises et à 48.000 euros pour les grandes. Encore une fois, ce sont des moyennes. Par exemple, il apparaît que les coûts des entreprises qui externalisent totalement leurs démarches fiscales sont 53% plus élevés que ceux des entreprises qui organisent tout en interne. Les entreprises de l’industrie ont des coûts beaucoup plus élevés que le secteur de la vente au détail, par exemple. C’est l’industrie alimentaire qui affiche les coûts les plus élevés.

Mais les plus grandes différences résident dans la complexité du système fiscal. La Belgique, qui est un pays assez complexe, a déjà fait beaucoup de progrès, notamment grâce à Tax-on-web. Le coût moyen en Belgique est de 8.288 euros, avec une fourchette allant de 8.020 euros pour les petites entreprises à 39.300 euros pour les grandes. Cela signifie que dans notre pays, les petites entreprises doivent supporter davantage de coûts que la moyenne européenne, mais que la facture est légèrement inférieure pour les grandes entreprises.

Bien sûr, si nous comparons ces chiffres à notre référence estonienne, la Belgique est plutôt mauvaise élève. Le coût annuel moyen est de 1.028 euros en Estonie, soit huit fois moins qu’en Belgique, avec une fourchette allant de 980 euros pour les petites entreprises à 2.323 euros pour les grandes. En moyenne, ces dernières doivent débourser 17 fois moins pour remplir leurs obligations fiscales en Estonie qu’en Belgique. Voilà un bon exemple de la façon dont blockchain et bonne gouvernance peuvent améliorer la vie des entreprises et des citoyens.

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