Lire la chronique de Thierry Afschrift
Contre un registre mondial des actifs
La proposition de Piketty et consorts, de créer un “registre des actifs” au niveau mondial, renforcerait tous les Etats et notamment les régimes illibéraux, comme la Chine, la Turquie ou la Russie de Poutine.
L’idée vient d’une commission dite indépendante pour la réforme de la fiscalité internationale des entreprises (ICRICT), un groupe de réflexion où l’on retrouve des économistes très renommés mais qui, à l’image de Thomas Piketty et Gabriel Zucman, représentent surtout l’élite de ce qu’il faut bien appeler l’école néomarxiste d’économie. Ils veulent qu’on crée un “registre des actifs”, mais au niveau mondial.
A l’appui de leurs propositions, ils invoquent les difficultés qu’ont les Etats à cibler les actifs saisissables des oligarques russes. Tout serait plus facile, selon ces économistes, si l’on disposait d’un registre regroupant tous les actifs des milliardaires. Ou plus exactement d’un certain nombre de personnes, liste qui pourrait être étendue en réalité à l’infini. Et viser les actifs, sinon de toute la population mondiale, du moins de tous ceux qui possèdent une certaine somme. Un bel outil, bien sûr, pour tous les Etats et leurs administrations fiscales, qui viendrait s’ajouter aux registres des bénéficiaires économiques et aux informations communiquées dans le cadre de l’échange de données sur les comptes bancaires et autres comptes financiers.
Il est toutefois étrange que l’on choisisse, sans doute pour faire davantage parler de la proposition, le cas des oligarques russes. Il est vrai que les Etats ont parfois du mal à déterminer ce qui appartient à ces oligarques ou ce qu’ils contrôlent, mais il faut aussi préciser qu’à la différence, par exemple, de fraudeurs fiscaux condamnés, ces personnes sont toutes présumées innocentes. Tous ceux qui font l’objet de sanctions dans le cadre de celles décidées contre la Russie ont simplement été désignés par des organes administratifs et politiques de certains pays, sans avoir la moindre possibilité de se défendre, sans savoir de quoi ils sont accusés, et sur la base de critères comme la nationalité, donc parfaitement discriminatoires.
On sait que personne ne pleurera sur leur sort parce que plusieurs d’entre eux ont bénéficié de la complicité de l’Etat russe lors de l’acquisition de leur fortune. Mais cela n’en fait pas des coupables et il y aurait sans doute de meilleurs exemples de personnes pour lesquelles les Etats devraient avoir, légitimement, des informations sur leur patrimoine.
Surtout, il faut se rendre compte que la proposition de Piketty et consorts revient à donner un instrument de plus aux Etats, contre leur population, et notamment contre leurs opposants. Il ne faut pas oublier que la guerre d’Ukraine, comme toutes les guerres, est une violence voulue par les Etats et financée par les impôts que ceux-ci prélèvent par la force. Et que plus on leur donne des pouvoirs, plus on leur permet de nuire alors que de tout temps, les pires crimes ont été les oeuvres d’Etats et non de gens qui se sont simplement enrichis… Et même des oligarques ont été les victimes de Poutine, comme Mikhaïl Khodorkovski.
La proposition de Piketty et consorts, comme la plupart de leurs idées d’ailleurs, vise simplement à renforcer les Etats. Etats que, comme tout étatiste, ils adorent visiblement. Cette proposition renforcerait donc tous les Etats qui auraient évidemment accès au fameux registre mondial des avoirs, y compris les pires d’entre eux, et notamment tous les régimes illibéraux comme la Chine, la Turquie ou la Russie de Poutine. On ne doute pas que celui-ci serait ravi de voir appliquer les idées de cette commission. Tout comme, d’ailleurs, les dirigeants du parti communiste chinois dont l’idéologie de base n’est sans doute pas très lointaine de celle des membres de cette commission “indépendante” qu’est l’ICRICT.
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