Blanchiment d’argent: comment les époux Reynders sont apparus sur les radars
Les déclarations de soupçons de la Loterie Nationale et d’une banque à l’encontre de Didier Reynders et son épouse prouvent au moins que notre système d’alerte fonctionne.
Finalement, ce sont deux sources qui, par des canaux différents, ont signalé au parquet le comportement jugé suspect de Didier Reynders et son épouse. En 2023, selon De Standaard, une banque a alerté la CTIF suite à une provenance suspecte de 800.000 euros sur le compte de l’ancien ministre des Finances. Mais un an plus tôt déjà, la Loterie Nationale avait saisi le parquet en décelant un “comportement de jeu anormal qui pourrait indiquer des activités de blanchiment d’argent”.
Étonnement
Pour la Loterie, tout est parti d’un étonnement, à la suite d’une “enquête de routine” sur la vente des e-tickets, ces tickets d’un montant maximum de 200 euros que l’on achète chez un marchand de journaux pour recharger son compte joueur. Un point de vente explosait les records. Et bien vite, il est apparu que la performance était imputable au couple Reynders. Cela ne suffisait pas pour qu’il y ait suspicion de blanchiment.
Mais il est apparu que les époux Reynders cochaient beaucoup de cases : ils atteignaient les limites de 500 euros déposés par semaine, l’un des deux était un accro aux e-tickets, les montants déposés étaient exceptionnels (au regard de la moyenne des joueurs), ils jouaient avec les jeux ayant le taux de remboursement le plus élevé et ils transféraient systématiquement leurs gains vers leurs comptes bancaires.
Enfin, ils réapprovisionnaient leur compte joueur avec de l’argent frais. Un joueur ne peut en effet pas transférer l’argent qu’il a déposé sur son compte de la Loterie vers son compte bancaire. Il ne peut transférer que ses gains. Un joueur compulsif, donc, aura tendance à conserver ses gains sur son compte joueur pour les miser à nouveau. Mais ce n’était pas le cas de Bernadette et Didier Reynders.
Trois fois exceptionnel
La Loterie a donc isolé les comptes qui avaient des comportements atypiques, que ce soit dans l’approvisionnement des comptes ou dans les gains transférés. Ella a croisé ces différents ensembles et les comptes des époux Reynders. Et eux seuls, se distinguaient sensiblement.
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Ils étaient atypiques en raison des montants exceptionnels déposés par les deux joueurs. En 2023, par exemple, seuls 39 comptes (sur plus d’un million) avaient été approvisionnés à hauteur de plus de 20.000 euros, seuil déclenchant une alarme. Les deux comptes des époux Reynders avaient été approvisionnés chacun de 25.000 euros environ.
Atypiques aussi parce que seuls cinq joueurs avaient rechargé l’an dernier leur compte pour plus de 10.000 euros, via des e-tickets. Et le couple Reynders faisait partie du lot.
Atypiques enfin par le montant des gains transférés vers les comptes bancaires. Là, très clairement, Didier Reynders et son épouse étaient les champions, ayant transféré chacun pour plus de 15.000 euros en 2023.
“En combinant tous les éléments de risque, souligne la Loterie Nationale, deux comptes de joueurs se distinguaient tellement des autres” qu’elle ne pouvait pas faire autrement que signaler ces comptes au parquet.
À l’enquête de démontrer désormais si ces indices sont probants ou non. “Il y a une enquête et il y a une présomption d’innocence. On est coupable parce que l’on a été reconnu coupable, parce que les faits sont établis, et non parce ‘qu’il n’y a pas de fumée sans feu’. Mais pour le reste, ces deux déclarations prouvent que le système fonctionne bien”, souligne l’avocate fiscaliste Sabrina Scarna.
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