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Comment faire passer les émissions de CO2 de 51 milliards de tonnes à zéro
II s’agit de remodeler, en 30 ans, toute l’économie, de s’attaquer à chaque activité émettrice de carbone: le transport, mais aussi l’industrie et cela partout dans le monde et sans tabou.
On devra sans doute se pencher un jour sur les raisons qui ont poussé une vaste conjuration d’imbéciles à attaquer le fondateur de Microsoft, Bill Gates, en le présentant entre autres comme l’instigateur du coronavirus, comme un nouveau Malthus qui oeuvrerait en coulisse à réduire la population mondiale. Est-ce parce qu’ils estiment que si une des principales fortunes du monde a créé une fondation caritative, c’est parce qu’elle doit nécessairement avoir un agenda caché? Est-ce parce que leur schéma mental ne résiste pas à l’exemple d’un milliardaire empathique qui oeuvre pour le bien de la planète?
On ne convaincra donc pas les imbéciles de lire Comment éviter un désastre climatique (Flammarion), le dernier livre de Bill Gates. Mais on conseille cet ouvrage aux autres. Il est limpide et tranchant comme le cristal. Il est le fruit d’un travail entamé voici une quinzaine d’années. Pourtant, Bill Gates l’avoue: “Je suis loin d’être le porte-parole idéal sur la question du changement climatique. Le monde ne manque pas d’hommes riches qui ont de grandes idées sur ce que les autres devraient faire, ou qui sont persuadés que la technologie pourra régler tous nos problèmes. Je possède de grandes maisons, je me déplace en jet privé…”.
Mais l’homme a été happé par le problème. En travaillant pour sa fondation, il a été placé devant un quasi-dilemme. D’une part, l’évidence que pour sortir les gens de la pauvreté, il faut leur offrir une énergie bon marché. Comment étudier dans une chambre sans électricité? Comment soigner dans un dispensaire sans frigo? Mais d’autre part, au fil de ses conversations, il s’est convaincu que pour résoudre le défi climatique, il ne s’agissait pas de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Il faut les supprimer. Depuis le 18e siècle, nous émettons davantage de CO2 que ce que la Terre peut absorber. Un cinquième du CO2 émis aujourd’hui sera encore là dans 10.000 ans. Réduire sa quantité ne sert donc qu’à retarder l’échéance. Ce serait comme laisser couler ne fût-ce qu’un filet d’eau dans une baignoire: elle finira de toute façon par déborder un jour.
Nous n’avons pas le choix: il faut travailler immédiatement à faire passer les émissions de CO2 de 51 milliards de tonnes (ce qu’elles sont aujourd’hui) à zéro en 2050. Bill Gates ajoute cependant que “nous disposons déjà de deux des trois choses nécessaires à cette entreprise d’envergure. Tout d’abord, nous en avons l’ambition, grâce à la passion d’un mouvement planétaire grandissant, porté par une jeunesse qui s’inquiète sérieusement du changement climatique. Ensuite, nous nous sommes fixé des objectifs considérables pour résoudre le problème, pendant que de plus en plus de responsables s’engagent à faire leur part, tant au niveau national que local, et ce dans le monde entier”.
Ce qu’il nous faut à présent c’est un plan général. Or nous ne l’avons pas. Bill Gates en ébauche un, qui nécessite une motivation sans faille des Etats et le décuplement des efforts en recherche et développement. Car il ne s’agit pas seulement de passer à la voiture électrique ou de construire un hub en mer du Nord pour acheminer l’électricité des champs d’éoliennes offshores. Il s’agit de remodeler, en 30 ans, toute l’économie, de s’attaquer à chaque activité émettrice de carbone: le transport, mais aussi l’industrie et cela partout dans le monde et sans tabou. Pour décarboner le monde, nous ne pouvons faire l’impasse sur le nucléaire. “L’humanité n’a jamais fait une transition comme celle que nous devons faire ces 30 prochaines années”, résume Bill Gates.
Combien, face à ces considérations, la rénovation du palais de justice de Bruxelles paraît dérisoire.
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