Chypre: “Il faut un plan de sauvetage socialement équitable”

© Reuters

Xavier Dupret est chercheur en économie alternative auprès du Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative (GRESEA), auteur notamment de “La Belgique endettée” (2012) et du “Krach mondial” (2009), il nous donne son avis sur la situation chypriote.

Ce plan de sauvetage est-il, pour vous, la bonne solution ?

“J’ai pourtant la réputation d’être très critique à l’égard des propositions de l’Europe dans ce genre de situation, mais je trouve ici qu’il s’agit d’une bonne idée d’aller chercher les liquidités là où elles sont. Evidemment, je comprends la réaction de la population. Il faut que ce plan de sauvetage réponde à certaines mesures d’équité sociale et respecte la garantie bancaire légale de 100.000 euros, les petits épargnants ne doivent pas y perdre leurs économies. Mais malgré cet effort solidaire, Chypre n’échappera pas à un plan d’austérité.”

Quelles seraient les autres alternatives ?

“On se trouve dans une situation de bras de fer entre Chypre et l’Europe. Si le plan de sauvetage proposé par l’EU est à nouveau refusé par les Chypriotes, c’est qu’ils souhaitent un mécanisme d’aide et de restructuration de la dette qui implique la BCE comme cela a déjà été le cas pour la Grèce.

Autre solution envisagée par le gouvernement chypriote: demander aux Russes de donner à Chypre du “bois de rallonge” car, pour le moment, le gouvernement russe ne propose qu’une aide de 2,5 milliards d’euros, ce qui est très peu comparé aux 17 milliards dont l’île a besoin.

Autre piste: la dette publique pourrait être prise en charge par Gazprom en échange d’une exclusivité sur les ressources gazières de l’île évaluées entre 18,5 et 29 milliards d’euros. Cette solution donnerait lieu à un pillage de l’île par Gazprom, elle se heurterait aussi à des conflits sur les eaux territoriales à cause de la situation géopolitique compliquée de l’île partagée entre la Grèce et la Turquie. Autres bémols : l’exploitation des stockages de gaz ne pourra pas se faire avant 2019 et nécessitera des investissements importants de la part du gouvernement.”

Chypre met-elle vraiment en péril la zone euro ?

“Il est clair qu’un certain effet boule de neige de panique a été déclenché. Chypre est vu comme le maillon faible de l’Europe avec une économie qui représente à peine 0,2% du PIB de la zone euro et pourtant l’avenir de la zone euro se joue sur ce maillon. Il ne faudrait pas qu’il se passe la même chose en Italie ou en Espagne, deux pays qui pèsent beaucoup plus sur l’échiquier européen. Chypre est une partie du monde considérée comme explosive, et en se spécialisant dans les capitaux douteux – on dit parfois que Chypre est à la mafia russe ce que Cuba fut à la mafia américaine – on peut se demander si, finalement, l’île n’est pas victime de ses pratiques.”

Propos recueillis par Ca.L

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