Charles Michel – Didier Reynders: deux carrières suspendues, deux orgueils à soigner

Charles Michel, Ursula Von der Leyen et Didier Reynders lors de la soirée au Bozar ouvrant la présidence belge, le 5 janvier. Une image tellement symbolique. BELGA PHOTO POOL BENOIT DOPPAGNE
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Charles Michel, président du Conseil européen, quittera son poste sans “top job” de secours. Didier Reynders, commissaire européen en partance, a raté le secrétariat général du Conseil de l’Europe. Les deux rivaux d’antan sont supendus au bon vouloir de leur président de parti.

Voilà deux ténors de la politique belge en souffrance. Deux libéraux rivaux dont la carrière est en suspens après avoir tutoyé les sommets. La faute à la malchance et aux événements, peut-être, mais aussi à un orgueil chronique qu’ils devront tous les deux soigner pour rebondir.

Leur destin est désormais entre les mains de leur président de parti, Georges-Louis Bouchez. Celui-là même que Didier Reynders avait fait grandir dans son cabinet ministériel, tandis que Charles Michel l’adoubait comme président du parti pour un intérim qui est devenu une consacration.

Deux orgeuils en souffrance

Charles Michel avait su faire preuve d’un opportunisme hors norme pour devenir Premier ministre belge en 2014, via une alliance avec la N-VA, puis président du Conseil européen cinq ans plus tard, en s’appuyant sur le couple franco-allemand Macron-Merkel. Au sommet de l’Union, il a toutefois galvaudé ses chances en suscitant des critiques et, surtout, en développant une rivalité féroce avec la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen.

Le premier révélateur de cette relation conflictuelle avait été le “Sofa Gate”, cette humilitation de l’Allemande lors d’une rencontre en Turquie, en avril 2021, Charles Michel prenant place aux côtés du président turc en laissant son homologue de côté. Depuis, les échos de leur volonté de contourner l’autre ont été légion, un interlocuteur nous confiant encore récemment la façon dont l’un avait laissé l’autre en marge lors de discussions sur l’avenir de l’Europe.

Didier Reynders, lui, est devenu, malgré lui, un “serial loser”. Doté de capacités hors du commun, il a été président de parti et vice-Premier, mais a perdu les deux en raison de la fronde des Michel. Suite à cela, il a raté le coche pour le poste de Premier ministre, mais aussi à deux reprises pour le secrétariat général du Conseil de l’Europe, un rôle plutôt honorifique. Mardi 25 juin, il a été battu à plat de couture par le socialiste suisse Alain Berset.

L’homme était conscient de ses qualités et s’enfermait parfois dans ses certitudes. Fracassé par le clan Michel, il est devenu plus humble et a poursuivi un travail de l’ombre, notamment au service des fondamentaux juridiques de l’Union européenne. En dépit d’une campagne acharnée et du soutien de certains socialistes belges, il n’a pas fait le poids pour cette nouvelle candidature au Conseil de l’Europe.

Un avenir incertain

Voilà les deux hommes bientôt au tapis, sans parachute.

Charles Michel n’a pas réussi pour l’instant à se faufiler dans la répartition des “top jobs” européens: la faute à la répartition entre forces politiques de l’Union. Commissaire européen? Difficile à imaginer après la rivalité avec Ursula Von der Leyen, qui sera reconduite à la tête de la Commission. A moins que le poste de Haut représentant pour les affaires étrangères? Ou alors, un retour au premier plan en Belgique? Pourrait-on l’imaginer revenir appuyer Georges-Louis Bouchez en tant que président intérimaire du parti, ministre fédéral des Affaires étrangères ou ministre-président wallon? Pas évident pour le Montois devenu superstar de céder une part de son pouvoir, d’autant moins que l’autre figure forte du MR, Sophie Wilmès, revendiquera aussi sa part du gâteau. Une autre “Michel woman” qui s’est émancipée.

Didier Reynders n’aj mais exclu un deuxième mandat de commissaire européen, mais les négociations fédérales lui laisseront-elles une telle possibilité? Le poste de commissaire vaut son pesant d’or lors des négociations, autant que celui de Premier ministre, et il n’est pas forcément dans l’intérêt du MR de laisser filer cette possibilité de peser sur le changement en Belgique. Lui aussi pourrait revendiquer à nouveau un poste ministériel en Belgique – pourquoi pas la Justice? Mais est-ce vraiment envisageable?

Une certitude: la nécessité de “recaser” ces deux fortes figures ne sera pas aisée, d’autant que Georges-Louis Bouchez se serait promis de marquer la rupture en désignant de nouveaux profils, jeunes et inhabituels, aux gouvernements.

Faute de destin politique doré, l’un et l’autre ne seraient-ils pas tentés… par une carrière dans le privé ou la consultance, comme l’on fait d’anciens Premier ministres, comme Jean-Luc Dehaene ou Yves Leterme?

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