Chantages et tensions dans un Parlement européen au bord de l’implosion

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La majorité au Parlement européen menacée d’implosion. L’impasse actuelle met en évidence un “jeu de pouvoir” où chaque bloc cherche à placer ses intérêts avant ceux de la cohésion européenne.

Les tensions politiques au Parlement européen atteignent des sommets après les auditions des candidats vice-présidents de la Commission Von der Leyen II, menaçant de faire imploser la majorité pro-européenne. La controverse s’est particulièrement centrée autour de la candidature de Raffaele Fitto, membre du parti d’extrême droite italien Fratelli d’Italia, soutenu par le PPE (Parti populaire européen). Son soutien par les démocrates-chrétiens suscite de vives réactions du côté des socialistes (S&D), des libéraux (Renew) et des Verts, qui estiment qu’un tel rapprochement menace la stabilité politique de la Commission et pourrait compromettre les priorités économiques et environnementales de l’UE.

Teresa Ribera au cœur d’échanges houleux

Les auditions de cette semaine devaient confirmer les six vice-présidents exécutifs de la Commission. Mais les échanges houleux autour de Teresa Ribera, candidate socialiste espagnole à la Transition écologique, ont exacerbé les divisions. Critiquée par le PPE et les partis d’extrême droite pour son absence lors d’un débat national sur les inondations de Valence, Ribera a vu son audition tourner en procès politique. Les socialistes reprochent au PPE de s’aligner sur des positions populistes, compromettant ainsi l’équilibre de la majorité européenne. En réaction, le S&D a menacé de ne pas soutenir la Commission Von der Leyen II, un geste qui mettrait en péril son approbation lors du vote attendu fin novembre.

Un blocage politique aux implications économiques

L’opposition des groupes pro-européens à Fitto ne se limite pas à des divergences idéologiques. En tant que potentiel responsable de la cohésion territoriale et d’un tiers du budget de l’Union, Fitto serait en mesure d’orienter des fonds vers des projets de développement régional dans des conditions qui inquiètent les progressistes. Son influence sur des secteurs économiques stratégiques de l’UE pourrait nuire aux priorités de la transition écologique et des politiques de cohésion que l’Union s’efforce de mettre en œuvre pour maintenir sa compétitivité et résilience économique.

Face à cette situation de blocage, le PPE a tenté de négocier le soutien à Fitto en échange de la confirmation de Ribera. Cette stratégie de « prise d’otages » des nominations n’a fait qu’intensifier les tensions, avec des appels de plusieurs députés centristes et libéraux, dont Yvan Verougstraete de Renew, exhortant le PPE à rompre son alliance avec l’extrême droite.

Des enjeux économiques et environnementaux dans la balance

La polarisation entre les partis se reflète également dans d’autres domaines législatifs. Ainsi, le vote de ce jeudi sur la réglementation contre la déforestation, que le PPE pourrait retarder en soumettant des amendements dilutifs, est devenu un levier pour faire pression sur les socialistes et libéraux. La législation anti-déforestation vise à interdire l’importation de produits contribuant à la déforestation dans l’UE et devait entrer en vigueur dès décembre pour les grandes entreprises. Un retard ou un affaiblissement de cette réglementation pourrait nuire aux ambitions climatiques de l’UE, suscitant la vive opposition des groupes sociaux-démocrates et verts.

L’évaluation reportée à une date indéterminée

L’évaluation des six vice-présidents qui devaient former la garde rapprochée de von der Leyen a pour l’instant été reportée sine die. Il se pourrait que le vote ait lieu la semaine prochaine lors de la session extraordinaire du 19 novembre consacrée aux 1.000 jours de l’invasion de l’Ukraine. Mais encore faut-il que les différentes parties se mettent d’accord. La conclusion de ce bras de fer politique devrait se dessiner dans les prochains jours et chaque bloc devra “mettre de l’eau dans son vin” pour pouvoir avancer.

La prolongation des négociations reflète néanmoins les profonds désaccords qui menacent de plus en plus la cohésion de la majorité européenne. L’issue incertaine de passe d’armes risque aussi d’affaiblir l’UE à tous niveaux. L’UE se retrouve aujourd’hui face à un dilemme politique majeur, où le maintien de la stabilité institutionnelle et l’avancée des priorités économiques sont suspendus à des négociations de dernière minute entre des partis autrefois alliés, mais aujourd’hui divisés par des questions idéologiques et stratégiques.

D’autant plus, qu’en cas d’échec, les répercussions pourraient être significatives pour la Commission elle-même, mais aussi pour la crédibilité et la stabilité économique de l’Union européenne.

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