Typhanie Afschrift
“Ceux qui défendent les libertés tolèrent l’expression de toutes les opinions, y compris de ceux qui prêchent l’intolérance”
Il est difficile d’encore parler de “cohésion sociale” s’il n’existe plus la moindre cohésion culturelle consistant, au moins, à accepter sans violence l’expression des idées d’autrui.
On peut s’inquiéter, suite à des déclarations récentes d’Hélène Carrère d’Encausse. L’illustre écrivaine ne s’est pas exprimée sur le sujet dont elle est l’incontestable spécialiste, l’univers russe, mais bien sur des actes d’intolérance qui ont été commis beaucoup plus près, à Paris. Hélène Carrère d’Encausse parlait en effet en tant que secrétaire perpétuelle de l’Académie française, et ce pour prendre la défense d’un sociétaire, décédé depuis longtemps, de cette même Académie.
Il s’agit de Voltaire, dont la statue a été vandalisée il y deux ans par des adeptes du mouvement woke. Parce qu’il existe des personnes, non seulement pour réprouver les idées de l’illustre philosophe (ce qui est normal) mais aussi pour se passer de tout débat et détruire non seulement la propriété d’autrui mais aussi un symbole de la tolérance.
On pourra rappeler aux auteurs de cet acte de vandalisme qu’une des grandes oeuvres de Voltaire, c’était précisément le Traité sur la tolérance. Ses idées l’auraient certainement amené, s’il était encore vivant, à respecter les opinions de ceux qui ont détruit sa statue et y ont arboré des tags particulièrement vulgaires, en lien avec la médiocrité morale des agresseurs.
En s’attaquant à Voltaire, c’est en réalité aux Lumières qu’ils s’en prenaient, à ce corps d’idées qui reconnaissent l’individu, tous les individus, des droits personnels que même les autorités doivent respecter. L’éminent philosophe était accusé, rien de moins, que de “colonialisme” et de “racisme” et surtout, il était le prototype du “philosophe mâle blanc”. Lui reprocher cette dernière qualité, n’est-ce pas précisément faire preuve, notamment, de racisme? Hélène Carrère d’Encausse rappelait en outre que lui reprocher de ne pas avoir été suffisamment proche de l’islam était une aberration dès lors que pratiquement personne en Occident ne l’était à cette époque. Il faut alors se demander quelle statue de personnage du 18e siècle pourrait encore rester debout. Et on est aussi en droit de rappeler que la liberté de religion comporte aussi le droit de critique à leur égard, qu’il s’agisse de la religion musulmane ou des autres…
A cela s’ajoute, selon la secrétaire perpétuelle de l’Académie française, le fait que la ville de Paris ne semble guère pressée de trouver un nouvel emplacement pour la statue, ou alors qu’elle tenterait de la placer en un lieu où elle risque de passer à peu près inaperçue, accordant ainsi implicitement un crédit aux vandales. Alors qu’il serait tellement logique de la remettre en face de l’Académie française, ou de lui trouver une place au … quai Voltaire!
Qu’il existe un débat est toujours positif. Mais que celui-ci aboutisse à nier tout ce qu’a apporté à la culture et à la France un des plus grands philosophes de l’Histoire, celui qui a systématiquement défendu la liberté et la tolérance, c’est assurément inquiétant. Il est difficile d’encore parler de “cohésion sociale” s’il n’existe plus la moindre cohésion culturelle consistant, au moins, à accepter sans violence l’expression des idées d’autrui. Il semble que c’est cela que le mouvement woke ne veut pas comprendre.
Pour lui répondre, il n’y a pourtant qu’une seule solution: le laisser s’exprimer pacifiquement, pour clairement montrer que ceux qui défendent les libertés – et Voltaire -, tolèrent l’expression de toutes les opinions, y compris de ceux qui prêchent l’intolérance.
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