Après l’accord budgétaire fédéral, la grève nationale veut faire “mal à l’économie” pour tenter de changer la donne, mais les dés sont jetés. Le mouvement social est amer et la polarisation de la société risque de se renforcer encore.
En ce début de semaine, à la RTBF, un délégué syndical rouge reprend les termes du président de la FGTB, Thierry Bodson: “Nous voulons faire très mal à l’économie, jusqu’à ce que le gouvernement cède“.
Comme si le gouvernement De Wever pouvait faire machine arrière sur l’accord budgétaire qui vient d’être négocié… Un rêve. Mais la concomitance des trois jours de grève et de l’accord fédéral est révélatrice.
Plus équilibré que la caricature
Les trois jours de grève à géométrie variable décidées par le front commun syndical entendaient faire pression sur l’Arizona en demandant que la coalition “mettre fin au démantèlement social”. Mot d’ordre: “Ces mesures n’ont pas encore été votées, il est donc encore temps de les ajuster!”.
Les réformes de l’été sur l’emploi et les pensions sont dans le viseur, mais il s’agissait aussi de demander une contribution des épaules les plus larges ou encore des mesures pour lutter contre les sociétés de management.
Ce qui est sur la table est un compromis, mais… il y a des éléments de ce type: doublement de la taxe sur les comptes-titres, taxe bancaire augmentée, mesures sur la niche des sociétés de management, notamment. A côté de mesures douloureuses comme l’indexation plafonnée pour deux ans ou une TVA amendée.
Somme toute, l’exercice réalisé par le gouvernement De Wever est plus équilibré que la caricature le voudrait. Et pour cause: la pression de Vooruit et des Engagés fut forte, tandis que le MR a certes des accents très libéraux, mais aussi une ligne de “droite populaire” qui vise à épargner le travail.
Ne faite pas dire ce que l’on n’écrit pas: ce nouveau tour de vis de 9,2 milliards fera mal et “touchera tous les portefeuilles”, surtout ceux de classes moyennes. Les très grosses fortunes sont relativement épargnées, mais les modalités pour les toucher reste hasardeuses au seul niveau belge.
Mais cette grève nationale se cherche tout de même une raison d’être face à un “there’s no alternative” thatchérien (repris par De Wever) qui a fini par s’imposer.
La polarisation en marche
Le risque de cette coalition qui réforme à tout va, c’est que cela polarise la société sur fond d’exclusion des chômeurs de longue durée, de contrôle des malades de longue durée ou de pouvoir d’achat affecté.
Le vice-Premier MR David Clarinval ironisait voici un mois en affirmant dans Trends Tendances que “les syndicats n’ont pas l’habitude d’un gouvernement qui réforme autant”. Un plaidoyer pro domo, mais une idée de la confrontation en cours.
Dans Le Soir de ce mercredi, jour de grève nationale, le “patron des patrons”, Pieter Timmermans, peste: “C’est déjà la 25e grève cette année! L’instrument de la grève a tellement été utilisé que ça lasse les gens. Et donc, le monde patronal se pose la question : quelle est encore la finalité, l’utilité des grèves? Tout le monde sait qu’il faut réformer.”
Il est opposé à Raoul Hedebouw, président du PTB, qui réplique: “Si la grève était inutile, on n’aurait pas le patronat qui s’énerverait à toutes les sauces en disant que ça coûte des millions d’euros. On voit que quand le monde du travail se met en grève, il n’y a pas de richesse produite, ce qui contredit la légende qui veut que le capital crée du capital. D’autant plus qu’il n’y a plus grand-chose à négocier entre syndicat et patronat puisque tout est déjà décidé par le politique.”
En réalité, les deux n’ont pas tort. Match nul, balle au centre?
Le plus marquant, c’est que le quotidien oppose FEB et PTB, tandis que la RTBF opposait en début de semaine MR et PTB.
La polarisation s’accélère. Le risque, désormais, c’est qu’un mouvement en quête de sens finisse pas se radicaliser.