Carsten Brzeski (ING Allemagne): “Ce que vous voyez aujourd’hui n’est que le signe avant-coureur de l’augmentation des prix du gaz”
Tandis que le ministre fédéral allemand de l’économie Robert Habeck (Alliance 90/Les Verts) s’attend à une fermeture définitive du gazoduc Nord Stream 1 par la Russie, Carsten Brzeski, économiste en chef d’ING Allemagne, s’attend à une récession dans le pays.
Quelles sont les prévisions?
CARSTEN BRZESKI. “Bien sûr, cela reste une question de conjecture. Mais selon nos prévisions, l’économie allemande se contracterait de 0,6% au troisième trimestre et de 0,7% au quatrième trimestre. Au premier trimestre de 2023, la décroissance serait alors de 0,8% du produit intérieur brut (PIB). Pour l’ensemble de l’année 2023, nous prévoyons une contraction de l’économie allemande de 1,1 à 1,2%. Ce n’est pas aussi grave que cela l’a été pendant la pandémie. Pour l’instant, je ne m’attends pas en Allemagne à des scénarios extrêmes avec une baisse de l’activité économique allant jusqu’à 10%. La pandémie nous a appris qu’il peut y avoir une récession sans pour cela qu’il y ait des conséquences graves pour le marché du travail. Les travailleurs ont trouvé refuge dans le système du chômage temporaire.”
La bonne nouvelle est que les réservoirs de gaz allemands se remplissent plus rapidement que prévu : plus de 86 % le mardi 6 septembre au matin.
BRZESKI. “Mais le revers de la médaille, c’est le prix élevé du gaz. Ce que vous voyez aujourd’hui n’est que le signe avant-coureur de l’augmentation de ces prix. Un certain nombre d’entreprises ont déjà dû arrêter leurs activités. Mais nous sommes dans la période de calme avant la tempête. De nombreuses factures de gaz sont encore basées sur d’anciens contrats. À partir d’octobre, les factures les plus coûteuses seront répercutées intégralement. Ce n’est qu’alors que vous ressentirez réellement l’impact sur l’économie. Le consommateur économise déjà autant qu’il le peut.”
Le gouvernement allemand soutient l’économie avec un plan d’aide supplémentaire de 65 milliards d’euros.
BRZESKI. “On ne sait pas encore très bien d’où viendra cet argent. Près de la moitié proviendrait des bénéfices excédentaires des entreprises énergétiques, mais cela n’a pas encore été défini. Avant que cette question ne soit entièrement réglée, il sera peut-être trop tard pour l’hiver prochain. En outre, 65 milliards d’euros représentent moins de 2 % du PIB. Il y a maintenant trois mesures de soutien, pour un montant de 95 milliards d’euros. Cela représente 3 % du PIB. Ce n’est pas rien. Mais pendant la pandémie, les autorités allemandes ont soutenu l’économie à hauteur de 15 % du PIB. Il est donc encore possible de faire plus. Il existe quelques aides supplémentaires pour les revenus les plus faibles, mais aucune compensation pour la classe moyenne. Il n’existe pas non plus de véritable mesure de soutien pour les PME. Prenez le boulanger. Il ne peut plus se contenter de répercuter l’augmentation des coûts de la facture énergétique sur le client.
Combien de temps les prix de l’essence vont-ils rester à ce niveau élevé ?
BRZESKI. “Tant que la guerre en Ukraine se poursuivra, les prix du gaz resteront élevés. Le gazoduc Nord Stream 1 est fermé. Nous passerons peut-être cet hiver, mais qu’en sera-t-il de l’hiver 2023-2024 ? Dès le printemps prochain, les réservoirs de gaz devront être remplis à nouveau. Les prix de l’énergie ne baisseront réellement qu’une fois que sera effectuée la transition vers les énergies renouvelables. De plus, les consommateurs et les entreprises ne ressentiront la baisse des prix de l’énergie qu’avec un certain retard, car leurs contrats énergétiques ne seront pas ajustés immédiatement. C’est la différence entre la crise sanitaire et cette crise énergétique. Après un blocage, l’économie générale a fortement rebondi, à l’exception des secteurs de la culture et de l’hôtellerie. Avec la crise actuelle, cette reprise sera beaucoup plus lente.”
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