Bruxelles: le projet (compliqué) de péage urbain dévoilé
Le projet de taxe kilométrique, anti-bouchons, pour Bruxelles, est prêt. Il devrait remplacer la taxe de circulation, et va créer des étincelles avec la Wallonie et la Flandre, car les navetteurs devraient être taxés deux fois.
C’est le retour d’un serpent de mer à Bruxelles, où cela fait plus de dix ans qu’il est question d’un péage urbain. Notre confrère L’Echo a dévoilé le projet étudié par la Région de taxe “intelligente” destinée à freiner la circulation et réduire les encombrements dans la capitale.
Elle consiste à remplacer la taxe de circulation et de mise en circulation par un dispositif complexe basé sur un cocktail de péage urbain et de taxe kilométrique pour les jours ouvrables, surtout aux heures de pointe, variable selon la puissance fiscale du véhicule.
Pas d’accord politique
Ce dispositif, qui n’a pas (encore) fait l’objet d’un accord politique à l’exécutif, a été étudié après le refus des autres Régions de discuter d’un système de péage kilométrique auto national, pour lutter contre la congestion routière, comme il en existe un pour les poids lourds. Ce nouveau système devrait rapporter 482 millions d’euros par an à Bruxelles (Région), hors frais, plus du double des recettes actuelles de la taxe de circulation et de mise en circulation.
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Selon notre confrère, une Volkswagen Golf de 7 cv roulant 200 jours par an, avec 10 km par jour, paierait 360 euros par an avec le nouveau régime, contre 198,4 euros de taxe de circulation et 123 euros de mise en circulation. Mais une Ford Focus (ou une autre voiture) de 9 cv paierait, sur la même base, 1.120 euros vs 292,38 euros de taxe de circulation annuelle et 867 euros de taxe de mise en circulation, avec 20 km par jour.
1 euro à l’heure de pointe, ou plus
Le mécanisme révélé par L’Echo prévoit une taxe journalière de 1 euro à l’heure à chaque heure pointe (de 7 à 10h, et de 15 à 19h), de 0,5 euro aux heures creuses (de 10 à 15h), zéro euro la nuit et le w-e, pour les véhicules de plus de 7 cv fiscaux. Avec un coefficient multiplicateur selon la puissance fiscale (2 fois pour les modèles de 9 à 10 cv, 3 fois pour les voitures de 11 cv, 4 fois de 12 à 15 cv). A quoi s’ajoute un tarif au km (0,18 euro aux heures de pointe, 0,09 euro en heure creuse) payé par toutes les autos, sauf la nuit et le w-e.
Smartphone obligatoire ?
Ce système serait contrôlé par les caméras qui reconnaissent les plaques, déjà utilisées pour identifier les véhicules hors des normes de la zone à basse émission de la capitale. Pour calculer la partie kilométrique de la taxation, l’option envisagée est une application que les automobilistes auraient l’obligation de mettre en action sur leur smartphone, qui éviterait l’installation d’un terminal dans le véhicule comme c’est le cas pour les camions. Une formule alternative de forfait journalier est aussi envisagée, mais elle reviendra plus cher.
Wallons et Flamands paieront deux fois
Ce projet, sans doute à affiner, devrait fluidifier la circulation, mais devrait créer des étincelles avec les autres Régions, car il revient à faire payer deux fois la taxe de circulation aux automobilistes qui font la navette sur la capitale. Un véhicule immatriculé en Flandre ou en Wallonie paiera les taxes de mise en circulation et de circulation de sa Région, et devra payer en sus la nouvelle taxe de circulation de la capitale, “intelligente”, rebaptisée Smartmove.
Le député wallon CDH André Antoine avait récemment attaqué le projet avant que son contenu n’ait fuité : “ce péage pourrait coûter plus de 2.500 euros par an à un navetteur. Cela ne va pas, tant qu’il n’existe pas d’alternatives crédibles et suffisantes à la voiture pour se rendre à Bruxelles” avait-il dit, parlant d’un “racket“. Ses chiffres étaient basés sur une hypothèse haute tirée d’une étude de la société Stratec pour le compte de la Région bruxelloise.
Le résultat d’un projet avorté
La Région flamande avait été très loin dans l’étude d’un système de péage kilométrique pour les automobiles, mais la N-VA a tué le projet dans l’oeuf avant les élections de 2019, car il dopait le Vlaams Belang, qui y était opposé. L’exécutif de la Région wallonne n’a jamais été favorable à ce dispositif, jugé trop lourd pour contrer un souci, les embouteillages, affectant avant tout Bruxelles et la Flandre, car il faut équiper les voitures de terminaux pour calculer les péages.
Les Régions étaient parvenues à mettre en place de concert un dispositif de péage kilométrique pour les poids lourds, mis en service à partir de 2016, gouverné par un organisme public, Viapass, et mis en oeuvre par un concessionnaire privé, Satellic.
Les risques politiques et économiques
Pour les automobiles, la même convergence n’a pas abouti. La Région de Bruxelles-Capitale souhaite se lancer seule. Outre un risque politique avec les autres Régions, le projet présente un risque économique, car Bruxelles réduit son attractivité pour les entreprises et augmente son coût d’accès pour les particuliers flamands et wallons qui font du shopping dans la capitale. C’est surtout un souci pour les relations entre Bruxelles et sa périphérie.
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