Brouilleurs, filets, lasers : l’arsenal anti-drones belge est-il suffisant ?

Bart De Wever tient un dispositif anti-drone, lors d'une démonstration de la Zone de Police d'Anvers (Politie Zone Antwerpen PZA), après l'achèvement du cours européen 'SKYFALL', à Ranst, jeudi 14 octobre 2021. BELGA PHOTO TIJS VANDERSTAPPEN
Caroline Lallemand

Face à la multiplication des drones non identifiés au-dessus de son territoire, la Belgique autorise désormais son armée à les abattre sous certaines conditions strictes. Quel est l’arsenal disponible et les investissements prévus ? Le point.

Ces derniers jours, l’espace aérien belge connaît une recrudescence inquiétante de survols par des drones non identifiés. La Russie serait « très probablement  » derrière ces incursions selon les experts en sécurité nationale que nous avons sondés. Dans ce contexte, la Défense a autorisé l’abattage des drones détectés au-dessus des bases militaires, à condition que cela puisse se faire de manière ‘raisonnable’, a déclaré le chef d’état-major Frederik Vansina. Le Conseil national de sécurité qui a eu lieu ce jeudi matin a décidé de mettre en place une série de mesures d’urgence après les multiples incursions de drones dans l’espace aérien belge (lire l’encadré ci-dessous).

Un arsenal varié mais insuffisant

Le ministre de la Défense Theo Francken (N-VA) insiste depuis des mois sur le retard considérable de la Belgique en matière de défense aérienne. Pour y remédier, il a présenté la semaine dernière un plan ambitieux : 50 millions d’euros seront débloqués dès cette année pour acquérir des systèmes de détection, des brouilleurs et des drones intercepteurs, tandis qu’un investissement global d’un demi-milliard d’euros est prévu à long terme.

Selon De Morgen, la Belgique dispose déjà de plusieurs technologies anti-drones, mais leur efficacité reste limitée. Le quotidien flamand détaille les principales armes disponibles ou envisagées.

Huit technologies passées au crible

1. Brouilleurs électroniques

Ces systèmes de brouillage (jamming) perturbent le signal radio entre le pilote et le drone. La Belgique en possède « beaucoup trop peu » selon Francken. Leur inefficacité a été démontrée à Kleine-Brogel le week-end dernier. Problème majeur : ils ne fonctionnent pas contre les drones autonomes GPS ni contre les nouveaux modèles ukrainiens contrôlés par fibre optique. Ils peuvent aussi paralyser d’autres équipements électroniques à proximité.

2. Fusils anti-drones

L’armée belge utilise des fusils spécialisés du fabricant d’armement italien Benelli, équipés de munitions à plombs spéciales. Sur le papier, la solution paraît simple, détaille De Morgen: abattre les petits drones FPV (des drones pilotés avec un système de caméra embarquée qui transmet en direct les images au pilote) comme des pigeons d’argile. La réalité est tout autre. Avec une portée limitée à 50-100 mètres, ces fusils peinent face à des drones rapides et imprévisibles. Le fabricant Benelli lui-même qualifie son fusil d'”arme de la dernière chance”, à utiliser uniquement lorsque tous les autres moyens ont échoué. Un aveu qui confirme que ces fusils ne peuvent constituer qu’un ultime recours dans une stratégie de défense plus large.

3. Canons à tir rapide

La Belgique envisage d’acquérir des systèmes comme le Skyranger 30 (1.200 projectiles/minute jusqu’à 3 km). Elle possédait autrefois des Gepard, encore utilisés en Ukraine. Inconvénient : les munitions doivent retomber quelque part, ce qui se révèle risqué en zone habitée.

4. Missiles portables

Francken a annoncé il y a quelque temps l’achat de missiles polonais Piorun, comparables aux célèbres Stingers américains. Ces missiles portables « Manpad » (man-portable air defense – portée 6,5 km, vitesse 2.000 km/h) tirés depuis l’épaule sont principalement utilisés dans les situations de guerre pour abattre des avions et des hélicoptères ennemis, explique De Morgen. Un “surdimensionnement” face aux drones, avec des risques de débris importants au-dessus des zones habitées. Autre désavantage: le coût élevé du missile – 1,8 million d’euros pièce – par rapport au prix d’un drone.

5. Filets SkyWall

La police d’Anvers a testé et acheté ce système de capture de drones en 2020. Il a été utilisé notamment lors de la visite de Biden en 2021. Le SkyWall, porté sur l’épaule, tire un filet avec lequel le drone peut littéralement être capturé, après quoi le filet avec le drone à l’intérieur descend via un parachute.Idéal pour l’analyse post-capture, mais limité à 100 mètres et inefficace contre les drones rapides.

Bart De Wever tient un dispositif anti-drone, lors d’une démonstration de la Zone de Police d’Anvers (Politie Zone Antwerpen PZA), après l’achèvement du cours européen ‘SKYFALL’, à Ranst, jeudi 14 octobre 2021 BELGA PHOTO TIJS VANDERSTAPPEN

6. Drones intercepteurs

La méthode en vogue en Ukraine et qui se révèle assez efficace. La start-up Wild Hornets affirme avoir abattu plus de 1.000 drones kamikazes iraniens Shahed en quatre mois avec ses drones Sting (300 km/h, portée 25 km). Coût : quelques milliers d’euros, bien moins qu’un missile de F-16.

7. Lasers

Israël, les États-Unis et le Royaume-Uni expérimentent ces armes laser “du futur” : précises, rapides et ne coûtant qu’une dizaine d’euros par tir. Le système britannique DragonFire pourrait toucher une cible de la taille d’une pièce à 1 km. L’Apollo australien peut abattre 20 drones/minute. Limite : inefficaces par mauvais temps.

8. Rapaces (solution abandonnée)

Pour la petite anecdote insolite, en 2017, la police néerlandaise avait prévu d’utiliser des aigles entraînés à intercepter des drones lors du sommet de l’OTAN à Bruxelles. Les rapaces devaient attraper les appareils avec leurs serres et les emporter vers une zone sûre. L’expérience a finalement été abandonnée. La technologie des drones évoluait trop rapidement, et les autorités s’inquiétaient du bien-être des oiseaux, exposés aux hélices dangereuses.

Une course contre la montre

L’incident de Kleine-Brogel illustre l’urgence : malgré un brouilleur déployé, les drones ont poursuivi leurs manœuvres. De Morgen souligne que la technologie des drones évolue si rapidement que les systèmes de défense sont parfois obsolètes avant même d’être opérationnels. Un défi de taille pour un pays accusant un retard critique dans ce domaine désormais stratégique.

Les décisions du Conseil National de Sécurité
Le Conseil national de sécurité qui a eu lieu ce jeudi matin a décidé de mettre en place une série de mesures d’urgence après les multiples incursions de drones dans l’espace aérien belge.
Il a été décidé au Conseil national de sécurité de rendre le National Airspace Security Center (NASC) complètement opérationnel pour le 1er janvier prochain, a déclaré le ministre de la Défense Theo Francken (N-VA) à l’issue de la réunion.
Ce « centre » existe déjà à la base militaire aérienne de Beauvechain. NASC est plus précisément le nom d’un projet, d’un nouvel organisme associant entre autres les douanes et la direction de l’aviation, qui s’appuie sur le Control & Reporting Centre (CRC) de la Défense, le centre de contrôle de l’espace aérien installé à Beauvechain depuis quelques années. Dans les prochaines semaines, l’accès de tous les services compétents à une image complète de ce qui se passe dans le ciel belge devrait donc se concrétiser, selon la volonté de Theo Francken.
Interdiction des drones en zones sensibles
Jean-Luc Crucke (Les Engagés) a également affirmé qu’il allait interdire « les drones non autorisés au-dessus des zones sensibles », rapporte Le Soir. « Je déposerai un arrêté royal qui interdit les drones non autorisés au-dessus des zones sensibles », a-t-il déclaré à la sortie du CNS. « Il y a un cadre réglementaire existant qui va être mieux utilisé. Le point a donc été fait, et cela permettra d’améliorer la coordination. »

Avec Belga

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