Amid Faljaoui
Bon d’Etat, grogne des banques et manipulation psychologique
Maintenant que la fièvre autour du bon d’Etat est retombée, il n’est pas inutile de faire quelques remarques.
La première, c’est que les Belges sont fâchés avec la finance. Il y a clairement un manque d’éducation financière dans notre pays comme le faisait remarquer un économiste. Car, si le Belge était légitimement frustré avec le rendement de son livret d’épargne, il pouvait sans effort trouver d’autres placements aussi rentable, voire plus, et aussi sécurisés que le bon d’Etat.
L’autre remarque, c’est que l’Etat a de l’avis général bien fait de secouer les banques en proposant son bon d’Etat à 2.81% net de rendement. Cela a marché car plusieurs banques et non des moindres ont avoué qu’elles avaient perdu plusieurs milliards d’euros qui sont partis en direction de ce fameux bon d’Etat.
C’est là où j’en viens à une remarque qui n’a pas été faite en public jusqu’à présent. L’Etat a évidemment le droit de se financer en direct auprès des Belges. Mais, n’importe quel financier, vous le dira : quand une entreprise lève des fonds, elle indique le montant exact qu’elle souhaite lever. Ici pas, du tout, le ministre des Finances n’a rien dit. Et effectivement, il a récolté 22 milliards d’euros en quelques jours.
En fait, je vais vous l’avouer, puisque nous sommes entre nous, le ministre des Finances nous a manipulé psychologiquement. En finance, on appelle cela la technique du FOMO, un acronyme anglo-saxon bien connu en Bourse : FEAR OF MISSING OUT. En français, c’est la peur de rater le train. En donnant un taux plus élevé que celui des livrets d’épargne et en donnant une date limite pour y souscrire, il a créé chez nous tous, une peur de rater le train. C’est du bête marketing, genre les places sont limités et il ne vous reste plus que quelques heures. Cela a fonctionné, bravo l’artiste !
Mais, heureusement aussi que cet argent a été récolté sur l’ensemble du secteur bancaire. Sinon cette sortie d’argent aurait pu être qualifiée de « bank run ». Cette expression désigne le fait que les déposants paniquent et sortent d’un seul coup tout leur argent de la banque où ils ont déposé leur épargne. Ici, toutes les banques répètent qu’elles peuvent assumer ces sorties d’argent, mais en privé, les dirigeants de ces banques pestent contre le ministre des Finances. Les plus mauvaises langues disent d’ailleurs que ce dernier n’a pas été aussi malin qu’on le croit, il a offert du 3.30% brut, alors que s’il avait juste donné du 3% brut, il aurait eu le même succès de foule.
Maintenant, ce dont on parle peu, c’est de la réaction du conseil d’Etat qui a été saisi pour savoir si l’Etat avait le droit de réduire le taux de précompte sur ce bon d’Etat de 30% à 15%. En résumé: est-ce que l’Etat peut faire de la concurrence déloyale en baissant la fiscalité uniquement pour ses propres placements ? D’ailleurs, quelques petits malins qui ont plus d’un million d’euros en cash ont profité de ce bon d’Etat pour éviter de payer la taxe sur les comptes-titres si chère au PTB.
Passons sur cet escamotage de l’impôt, et imaginons que demain le Conseil d’Etat dise que l’Etat fédéral a outrepassé ses droits en baissant le précompte mobilier à 15%. Que se passera-t-il ? Les Belges qui ont souscrit au bon d’Etat devront payer dans un an, non pas 15% de précompte mobilier, mais 30% ! Où est alors le danger ? Dans le fait que les Belges perdraient confiance dans la parole de l’Etat exactement comme lorsqu’ils ont perdu la foi avec l’histoire des panneaux solaires. Cette ruée sur le bon d’Etat nous révèle bien des secrets dont personne ne parle et que j’ai été heureux de partager avec vous.
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