Le Premier ministre a promis mercredi que les travailleurs bénéficieraient de 1.000 euros nets supplémentaires par an d’ici 2030, grâce à la réforme fiscale. Mais d’où vient ce chiffre ? Décryptage de l’origine d’une promesse aux contours flous.
Le montant de 1.000 euros annoncé ce mercredi à la Chambre par De Wever lors de sa politique de déclaration générale représente l’effet cumulé de trois réformes fiscales : l’élargissement de la tranche exemptée d’impôts, la modification de la cotisation spéciale à la Sécurité sociale en faveur des personnes seules, et le renforcement du bonus à l’emploi pour les revenus modestes.
Des gains variables selon les profils
Les calculs du cabinet du ministre des Finances Jan Jambon, réalisés en juillet sur la base de l’accord de coalition initial et mentionnés par De Standaard, montrent que les gains varient considérablement selon les situations.
- Un travailleur isolé percevant 2.100 euros bruts mensuels conserverait environ 100 euros nets de plus par mois grâce à la réduction des prélèvements fiscaux et sociaux, soit 1.200 euros par an.
- À 5.000 euros bruts, la progression atteindrait environ 88 euros mensuels, soit environ 1.050 euros par an.
- Pour un couple avec deux enfants cumulant 4.200 euros bruts, le gain atteindrait 243 euros nets par mois, soit environ 2.900 euros par an.
- Pour un ménage aux revenus combinés de 10.000 euros, cela correspondrait à 173 euros mensuels, soit environ 2.000 euros par an.
Le chiffre de 1.000 euros représente donc une moyenne prudente de ces différentes situations.
Des écarts
Les tableaux budgétaires analysés par L’Echo révèlent un écart entre la communication politique et les chiffres réels. En tout cas, en ce qui concerne la quotité exemptée d’impôts. Le gain net attendu en 2029 s’établit à 65,20 euros par mois, plutôt que 91,46 euros, selon le quotidien.
La raison ? Un milliard d’euros de la réforme fiscale a été reporté à 2030, soit après les élections de 2029. Dans sa version initiale, le relèvement de la quotité exemptée d’impôt devait atteindre son régime maximal en 2029 pour un coût de 3,5 milliards d’euros. Le montant est désormais ramené à 2,5 milliards en 2029.
Les 26 euros mensuels restants – soit environ 312 euros par an – ne seront versés qu’en 2030, permettant d’atteindre les 1.095 euros annuels.
C’est pourquoi le Premier ministre précise “d’ici 2030” plutôt que “en 2029”. Notons que les simulations du cabinet Jambon datent de juillet et pourraient être revues à la lumière de ce report d’un milliard à 2030.
Une réforme accélérée
Pour atteindre les 1.000 euros annoncés, le gouvernement déploie donc ses réformes fiscales de manière échelonnée entre 2026 et 2030.
2026 – Premier jalon : Le bonus à l’emploi sera renforcé pour les salaires les plus bas, permettant d’atteindre l’objectif “brut = net” pour le salaire minimum. Concrètement, un travailleur au salaire minimum ne paiera plus de cotisations sociales sur son revenu.
2028 – Deuxième phase : Deux mesures entreront en vigueur, toutes deux avancées d’un an par rapport au calendrier initial :
- L’extension du bonus à l’emploi à d’autres tranches de revenus modestes
- La réforme de la cotisation spéciale de sécurité sociale, qui favorisera particulièrement les travailleurs isolés en réduisant l’écart de prélèvement avec les personnes en couple
2029 – Troisième phase : Le relèvement de la quotité exemptée d’impôt (la tranche de revenu non imposée) apportera un gain de 65,20 euros nets par mois, soit 782 euros par an. Cette mesure bénéficie à l’ensemble des contribuables.
2030 – Phase finale (incertaine) : Le dernier milliard de la réforme, soit 26 euros nets supplémentaires par mois (312 euros par an), devrait permettre d’atteindre les 1.095 euros annuels. Mais cette dernière tranche dépendra du prochain gouvernement.
Le plafonnement de l’indexation : le revers de la médaille
Les 1.000 euros de gains fiscaux promis ne représentent qu’une face de l’équation du pouvoir d’achat. En parallèle, le gouvernement a décidé de plafonner l’indexation automatique des salaires en 2026 et 2028, une mesure qui jouera en sens inverse pour une partie des travailleurs.
Ce plafonnement fixe deux seuils : 4.000 euros bruts pour les travailleurs actifs, et 2.000 euros bruts pour les allocations sociales, dont les pensions. Seule la tranche de salaire située sous ces plafonds sera indexée.
Concrètement, si l’inflation est de 2%, un salaire de 4.000 euros bruts sera augmenté de 80 euros. Mais un salaire de 5.000 euros bruts ne sera lui aussi augmenté que de 80 euros, calculés uniquement sur les 4.000 premiers euros. Manque à gagner : 20 euros bruts à chaque indexation.
Le plafond de 4.000 euros bruts correspond approximativement au salaire médian belge (3.728 euros selon Statbel). Environ la moitié des salariés belges sont concernés par cette double dynamique gain fiscal/perte indexation.
Le gouvernement table sur une économie de 883 millions d’euros par an grâce au plafonnement de l’indexation. La moitié de cette économie bénéficiera aux caisses de l’État, l’autre moitié aux entreprises pour renforcer leur compétitivité.
Comment évaluer le gain net ?
Le calcul des gains et des pertes sur le salaire se révèle complexe. Par exemple, un travailleur gagnant 5.000 euros bruts, le bilan sur le pouvoir d’achat combine donc :
Un gain fiscal d’environ 88 euros nets par mois selon les simulations du cabinet Jambon (soit environ 1.050 euros par an d’ici 2030)
Une perte liée au plafonnement de l’indexation de 20 euros bruts à chaque fois que l’indexation s’applique (en 2026 et 2028)
Le résultat net dépendra du nombre de fois où l’indexation sera déclenchée durant ces deux années et de l’ampleur de l’inflation. Si l’inflation reste élevée et provoque plusieurs indexations, la perte pourrait grignoter une partie significative du gain fiscal promis.