“Avoir des dépenses publiques soutenables est un minimum”
“Senior economist” chez ING Belgique, Philippe Ledent est un des signataires d’une tribune rédigée par 49 économistes qui s’inquiètent de la trajectoire de nos finances publiques. Entretien en 3 questions.
Pourquoi avez-vous ressenti le besoin d’un appel public?
Parce que même s’il y a sans doute des divergences parmi les signataires sur les solutions à apporter, nous partageons tous le constat que nous avons un problème et que la trajectoire actuelle n’est pas soutenable. Les dernières simulations du Bureau du Plan qui vont jusque 2028 le montrent bien (l’endettement dépasserait alors les 119% du PIB, Ndlr). Mais dans le monde politique, manifestement, même ce point de départ fait débat. Or, il est important pour une économie d’avoir des finances publiques soutenables. C’est le minimum. Cela ne devrait pas faire l’objet de négociations.
Quand notre dette serait-elle soutenable?
On peut discuter. C’est notamment fonction du niveau général des taux d’intérêt, qui évoluent. C’est aussi la dynamique qui est importante. Il est dangereux d’avoir une trajectoire, comme aujourd’hui, où le taux d’endettement ne cesse d’augmenter. On observe que nous n’avons pas trop mal vécu la dernière décennie lorsque la dette tournait autour des 100% du PIB. Or, parvenir à stabiliser la dette autour de ce ratio est déjà un défi, car notre endettement est amené à naturellement se dégrader du fait du vieillissement.
“De toute façon, à un moment donné, nous subirons une pression extérieure.”
De plus, nous savons que nous avons de gros investissements à réaliser pour faire face aux défis structurels (vieillissement, climat, modernisation des infrastructures). Ne pas assainir nos dépenses courantes consisterait donc à nous priver de la capacité de réaliser ces investissements. Mais visiblement, cela reste difficile. Ni la réforme des pensions, ni la réforme fiscale – si elle a lieu un jour – ne seront à même de remettre les dépenses publiques sur les rails.
La Commission européenne a prévu de rétablir les règles budgétaires en 2024. Nous serons donc de toute façon obligés de revenir dans les clous, non?
Oui, de toute façon, à un moment donné, nous subirons une pression extérieure venant soit de la Commission, soit des marchés. Mais si la Belgique est pointée du doigt à un moment, si les créanciers sont un peu stressés, cela peut très vite se traduire par des primes de risques plus élevées sur notre dette. C’est aussi pour cette raison que nous publions cet appel. J’ajoute que nous avons ce qu’il faut pour engager ces réformes. Certains font parfois le parallèle avec la Grèce, mais notre économie est bien plus forte: nous avons des fleurons, une économie diversifiée, une solide épargne privée… La Belgique n’est pas un désert économique!
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