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Avec la disparition des voitures thermiques, l’exclusion d’une partie de la population risque de s’accentuer

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

“Malheur à moi, je suis nuance” disait le philosophe Nietzche. J’adore cette phrase, car elle va à l’encontre de l’esprit actuel qui se nourrit d’idées définitives et bien arrêtées.

On l’a vu pendant le covid-19 où une bonne partie des citoyens s’est transformée en spécialistes médicaux et on l’on voit aussi avec l’Ukraine où chacun est devenu expert en géopolitique. Pour la fin des voitures thermiques neuves, c’est un peu la même situation. Les députés européens viennent de voter la mort programmée des véhicules thermiques pour 2035. C’était un combat entre les pays du nord de l’Europe comme les Pays-Bas, le Grand-Duché du Luxembourg, l’Autriche, la Norvège et la Suède et les pays du sud et de l’est de l’Europe, qui comme par hasard ont une industrie automobile sur leur sol. La France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie ou la Slovaquie avaient donc le pied sur la pédale de frein

Au final, la date de 2035 va s’imposer à tout le monde. Les pays du sud espèrent que la clause de revoyure en 2028 leur permettra de gagner quelques années, mais la messe semble dite. Car aucun industriel automobile ne va baser ses plans d’avenir sur une hypothèse fragile. Lorsque je parlais de “nuance” en évoquant le philosophe Nietzche, c’est parce que ce combat entre l’Europe du sud et du nord ne doit pas être caricaturé, les questions sont réelles.

D’abord, l’automobile risque de devenir un produit de luxe. En effet, face à une technologie qui augmente le prix d’une voiture de l’ordre de 30 à 50%, la paupérisation ou l’exclusion d’une partie de la population risque de s’accentuer. Au moment où la question du pouvoir d’achat est devenue centrale, c’est une vraie question. D’autant que si certains experts espéraient que le prix des voitures électriques diminue au fil du temps, ce n’est plus le cas aujourd’hui, avec l’explosion du coût des matières premières. L’une des solutions sera sans doute de pousser les citoyens vers de nouvelles formules de leasing.

L’autre danger, c’est de tomber dans la gueule du loup. On a vu avec l’Ukraine notre dépendance à l’égard de la Russie. Les eurodéputés ne semblent pas vraiment avoir évalué le danger de voir les citoyens européens se laisser séduire par des marques chinoises électriques comme Nio, Xpend ou Voyah. Si ça se vérifie, ce serait un double gifle, car non seulement nous dépendons déjà de la Chine pour les métaux rares nécessaires à la fabrication des batteries, mais en plus la Chine a pris une belle longueur d’avance dans la fabrication de voitures électriques. Que fera-t-on demain si la Chine envahit Taïwan alors que notre parc automobile dépendra de la Chine ? L’Europe s’est réveillée sur le tard et ses usines de batteries ne sortiront pas de terre très rapidement. Pas assez tôt pour nous permettre de snober la Chine.

Et je ne parle même pas de la problématique des bornes de recharge. Notamment pour les jeunes qui habitent le plus souvent en appartement. Ca à l’air idiot de le dire comme cela, mais je parlais avec l’associé d’un grand cabinet d’audit basé à Bruxelles. Il me disait que les jeunes consultants que son cabinet engageait étaient tous sensibles à la cause du climat. Mais lorsqu’il avait évoquait les avantages liés à leur contrat de salarié, ces mêmes jeunes – très conscientisés à la cause climatique – demandaient des voitures hybrides, voire thermiques, car il n’y a pas ou quasi pas de bornes de recharges dans les immeubles en copropriété. Et donc, oui, Nietzche avait raison de dire “malheur à moi, je suis nuance”.

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