Allocation universelle : “Rendre à chacun la liberté d’organiser sa vie”
Parmi les défenseurs de l’allocation universelle, on trouve Peter De Keyzer, chief economist chez BNP Paribas Fortis. Son engagement est surtout dicté par le souci de la liberté de chaque individu. Il répond à nos questions.
Pourquoi êtes-vous partisan de l’allocation universelle ?
Peter De Keyzer. D’abord, les allocations sociales actuelles sont soumises à une condition : ne pas travailler. Il s’agit d’un incitant à l’inactivité, ce qui est quand même particulier… Ensuite, l’administration de ces allocations implique un coût énorme : avez-vous droit à cette aide ? Cohabitez-vous ? Les administrations concernées vérifient ces éléments et en viennent à contrôler la vie privée des gens. Je supprime tout cela, y compris les allocations familiales, les subsides aux panneaux solaires et ce type d’aides. Ce n’est pas l’Etat qui doit guider notre vie en subventionnant ceci et pas cela. Chacun doit opérer ses propres choix. Enfin, ce revenu universel, versé sans contrepartie, donne aux gens la liberté d’organiser eux-mêmes leur propre vie. Elle permet à celui qui a envie d’arrêter de travailler, d’accomplir un pas de côté professionnellement ou d’interrompre sa carrière pour reprendre une formation, ou encore à celui qui désire se lancer comme indépendant de recevoir de quoi survivre.
Nous n’avons pas tous les mêmes capacités pour utiliser cette liberté. Votre formule est-elle équitable ?
Une partie de la population mérite toujours d’être aidée, par exemple parce qu’elle souffre d’un handicap ou de problèmes psychiatriques. La plupart des gens peuvent néanmoins poser leurs propres choix et en assumer la responsabilité. Dans le monde d’aujourd’hui, avec les Uber et autres Airbnb, le premier pas pour devenir entrepreneur est devenu beaucoup plus facile. Les opportunités se multiplient… et ce ne sont pas forcément les plus riches qui les exploiteront le mieux.Les dépenses publiques dépassent 200 milliards d’euros. Cela me semble suffisant pour être solidaire avec tout le monde, sans devoir vérifier si l’on travaille ou pas.
Les dépenses publiques dépassent 200 milliards d’euros. Cela me semble suffisant pour être solidaire avec tout le monde, sans devoir vérifier si l’on travaille ou pas.
Vous citez Uber et Airbnb : ne s’agit-il pas d’un “royaume de la débrouille”, comme l’affirment les syndicats, plutôt que de vrais emplois stables ?
Qu’est-ce qu’un véritable emploi au 21e siècle ? Exercer le même boulot toute sa vie ? Cela devient très rare. L’allocation universelle vous assure la liberté d’organiser votre propre vie, elle vous permet de bouger plus facilement, de vous former si vous voulez évoluer, etc. La vraie question est : voulons-nous, oui ou non, davantage de liberté ? Quand une personne peu qualifiée passe du chômage au travail, elle doit payer les transports en commun et éventuellement la crèche, alors qu’elle ne gagnera quasiment rien de plus. Ce sont les pièges à l’emploi. Est-ce cela la liberté de mener sa propre vie ? Beaucoup de gens sont prisonniers de leur allocation. En la rendant inconditionnelle, on leur fournit un incitant à avancer dans la vie. Cela rend l’ensemble de la société plus dynamique et plus créative.
L’allocation universelle est-elle finançable ?
Les dépenses publiques représentent aujourd’hui 54% du PIB, soit plus de 200 milliards d’euros. Cela me semble suffisant pour pouvoir être solidaire avec tout le monde, sans devoir vérifier si l’on travaille ou pas. L’allocation remplace les aides existantes et sa simplicité permet d’alléger l’appareil de l’Etat.
Mon schéma se base sur une allocation de 800 ou 900 euros pour chacun à partir de 18 ans. Pas pour les enfants. Le couple qui décide d’avoir cinq enfants, c’est son choix, ce n’est pas à l’Etat d’en assumer les conséquences. Celui qui se contente de l’allocation, peut le faire. Et si son voisin choisit de travailler 70 heures par semaine pour s’acheter une voiture ou partir en vacances, il le peut aussi. C’est transparent.
Lisez l’ensemble du dossier consacré à l’allocation universelle dans le numéro de Trends-Tendances daté du 15 octobre 2015.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici