Abandonner l’euro pourrait avoir des avantages
Qualifiée par beaucoup de saut dans l’inconnu, une sortie de l’euro ne serait peut-être pas si imprévisible qu’on le croit. Plusieurs économistes, dont Jonathan Tepper, se sont penchés sur cette question.
Dans notre article d’hier, Guillaume de Calignon, journaliste des Echos, qualifiait une sortie de l’euro de “saut dans l’inconnu, une réaction en chaîne d’événements qui risque de tétaniser les agents économiques, ménages comme entreprises”. Or cet avis n’est pas partagé par tous. Des économistes affirment même que cette sortie, loin d’être un cataclysme, serait positive pour l’économie et se passerait bien plus en douceur que l’on le croit.
C’est notamment le cas de Jonathan Tepper, économiste au cabinet de conseil Variant Perception. En 2012, il jugeait non seulement inévitable, mais même souhaitable pour les pays les plus faibles d’abandonner l’euro. Pour lui, comment des pays, comme la Grèce, le Portugal ou l’Espagne par exemple, pourraient-ils relancer leur économie et se débarrasser d’une partie des dettes accumulées alors qu’ils ne peuvent dévaluer leur monnaie afin d’avoir le coup de pouce nécessaire. Une seule solution à cela : abandonner la monnaie unique !
“L’euro est semblable à un étalon-or des temps modernes, souligne Jonathan Tepper, où le fardeau de l’ajustement retombe sur les pays les plus faibles. Comme l’étalon-or, l’euro oblige à effectuer ces ajustements sur les prix et les salaires réels, au lieu des taux de change. […] La solution préconisée par les responsables européens consiste à réclamer plus d’austérité, mais les secteurs public et privé ne peuvent se désendetter qu’en dégageant d’importants excédents de la balance courante, ce qui n’est pas réalisable.”
Et de rappeler que 69 pays ont quitté leur union monétaire sans trop de dommages (comprendre “un impact économique négatif limité”) au cours du XXe siècle et de citer : la fin de l’Empire Austro-Hongrois (1919), le divorce Inde-Pakistan (1947), suivi du Pakistan-Bangladesh (1971), ou encore l’éclatement du bloc de l’ancienne URSS (1992), pour ne citer que ceux-là.
Or dans le cas de pays qui quitteraient la monnaie unique, cela serait même “plus simple” puisqu’il s’agirait de revenir à la devise précédente. Pour Laurent Pinsolle, “blogueur-associé”, Tepper va même jusqu’à donner un plan clair pour cette sortie, il suffit d’aller piocher les réponses aux questions concernant la fin d’une union monétaire dans l’histoire, ces dernières ont été légion. Le processus pratique est bien connu, écrit Pinsolle sur son blog: surimpression des anciens billets et remplacement par des nouveaux, contrôle des capitaux. Et de renchérir que selon Tepper “dans presque tous les cas, la transition a été douce”. Douce, mais avec quelques ajustements et restructurations des dettes.
Et pour éviter la panique qui suivrait inévitablement une telle annonce et ne pas risquer de voir les comptes en banque se vider, Tepper a une théorie originale : il faut prendre tout le monde par surprise et ne pas leur laisser le temps de paniquer. Pour lui, “la décision de sortir de l’euro doit être prise un samedi et l’État doit bloquer immédiatement tous les transferts d’argent”. Ainsi pour l’économiste, “la sortie est l’outil le plus puissant pour rééquilibrer l’Europe et créer de la croissance”.
Un avis partagé, selon lui par pas moins de quatre prix Nobel (Krugman, Stiglitz, Sen, Allais) qui considéreraient la sortie de l’euro comme une piste réaliste et envisageable.
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