Près de 31 millions de contraceptifs financés par l’USAID et actuellement stockés en Belgique risquent d’être détruits. Ce geste est dénoncé comme un « gaspillage sanitaire et économique » et une attaque contre les droits des femmes.
Dans un entrepôt de la société de logistique Kuehne + Nagel à Geel, en Campine, sont entreposés 26 millions de préservatifs, 4,8 millions de boîtes de contraceptifs oraux et environ 500.000 implants contraceptifs pour une valeur totale de 9,7 millions de dollars (environ 8,4 millions d’euros), détaille la RTBF. Ces produits, financés par l’Agence américaine pour le développement international USAID, devaient à l’origine alimenter des programmes de santé dans les pays du Sud. Mais, après la décision de l’administration Trump de couper les fonds aux organisations liées à la planification familiale, le stock dont la date de péremption approche, est désormais condamné à être transféré en France pour y être incinéré.
Un « choc » pour les droits des femmes
Pour Béatrice Delfin Diaz, présidente du Conseil des Femmes Francophones de Belgique (CFFB), l’annonce a l’effet d’une déflagration : « C’est une onde de choc. Détruire des contraceptifs, c’est créer de nouveaux obstacles aux droits des femmes et à leur accès à la santé. » Elle souligne aussi la dimension symbolique : « C’est une attaque frontale contre les droits sexuels et reproductifs, et donc contre l’égalité entre les sexes. On ne peut pas rester immobiles face à cette absurdité. »
Béatrice Diaz évoque également un conflit entre législations américaine et européenne. « Les médicaments sont sur le sol européen, et l’Europe a des règlements stricts sur la conservation et l’accès aux soins. La Belgique a ratifié ces textes qui garantissent aux femmes l’accès à la santé. Donc, quand les États-Unis décident de détruire ce stock, c’est en contradiction avec nos propres règles », estime-t-elle. Selma Benkhelifa est l’une des avocates en charge de ce dossier : “Notre argument juridique principal est qu’il s’agit d’un abus du droit de propriété. USAID est propriétaire de ce stock, nous ne le nions pas, mais nous questionnons le fait de détruire des biens d’intérêt public, des fournitures médicales”, précise-t-elle à la RTBF.
« C’est une attaque frontale contre les droits sexuels et reproductifs, et donc contre l’égalité entre les sexes. On ne peut pas rester immobiles face à cette absurdité. »
Le coût économique d’un choix politique
Au-delà de l’argument sanitaire, la question est aussi économique. Les grossesses non désirées et l’absence de moyens de contraception freinent la participation des femmes au marché du travail, alourdissent la charge sur les systèmes de santé et ralentissent le développement des pays bénéficiaires. Dans un contexte où la communauté internationale investit massivement pour améliorer la productivité et l’éducation, la destruction de contraceptifs existants représente une aberration économique autant qu’un échec politique. La Fédération internationale pour le planning familial estime que cette destruction pourrait priver 1,4 million de femmes et de filles en Afrique de moyens de contraception. La Coalition pour l’accès aux produits de santé reproductive ajoute que cela pourrait entraîner 174.000 grossesses non désirées et 56.000 avortements risqués, rapporte le site français Euractiv.
La Belgique interpellée
Pour empêcher la destruction des contraceptifs, les Affaires étrangères ont contacté l’ambassade des États-Unis à Bruxelles début août. Lundi 11 août, le SPF Affaires étrangères a confié à Euractiv qu’il explorait « toutes les pistes possibles pour éviter la destruction de ces produits, y compris des solutions de relocalisation temporaire ». « Afin de ne pas compromettre l’issue des discussions, nous ne sommes pas en mesure de fournir de plus amples informations », a déclaré un porte-parole du ministère, laissant entendre au média que tous les stocks n’avaient pas été détruits.
Une lettre aux ministres compétents
Face à cette situation urgente, une quinzaine d’ONG belges, dont le CFFB, ont écrit aux ministres Frank Vandenbroucke (Santé) et Maxime Prévot (Affaires étrangères et Coopération) pour demander la réquisition immédiate du stock. « Nous demandons à l’État belge d’intervenir et de réquisitionner ce stock pour en faire un usage à bon escient. Ce sont des biens d’intérêt public. On ne peut pas les laisser être détruits», insiste Béatrice Delfin Diaz. Une pétition en ligne a aussi été lancée, elle compte à l’heure d’écrire ces lignes plus de 70.000 signatures en vue de débloquer la situation.
De son côté, la Commission européenne n’entend pas s’immiscer dans le conflit. Malgré la mobilisation d’ONG et de députés européens, elle restera en retrait, selon plusieurs sources internes, rapportait le site Euractiv.fr la semaine dernière. « La Commission ne peut rien faire ; c’est aux États membres d’agir », a martelé une source s’adressant au média français.