100.000 offres d’emploi à Bruxelles : “Il y a beaucoup, beaucoup plus d’opportunités qu’on ne le pense”

Thierry Geerts © Hatim Kaghat
Charly Pohu
Charly Pohu Journaliste

Une nouvelle étude de Beci, Partena Professional et la start-up Beljob montre qu’il y a beaucoup plus d’offres d’emploi à Bruxelles que ne le montrent les chiffres habituels. Davantage que le nombre de chômeurs, même. De quoi résoudre le noeud de la fin des allocations de chômage ?

En région bruxelloise, on entend souvent qu’il y a beaucoup trop de chômeurs et d’inactifs, et pas assez d’offres d’emplois. Un sujet qui devient brûlant avec la fin du chômage à vie et l’arrêt des allocations dès le mois de janvier pour certains d’entre eux. 

Mais qu’en est-il vraiment ? L’association bruxelloise des entreprises Beci, le prestataire de services RH Partena Professional et la start-up Beljob ont joint leurs forces et fouillé le marché du travail de fond en comble. Résultat : “Il y a beaucoup, beaucoup plus d’offres d’emploi qu’on ne le pense”. Mais de nombreuses offres ne sont pas bien visibles et pas repris sur les sites publics (comme Actiris) ou professionnels, ou les agences d’intérim.

100.000 postes à pourvoir ont été identifiés, annoncent les trois acteurs ce jeudi.

Surprise positive

“Je suis très surpris des chiffres officiels du marché du travail. Il y a 96.000 chômeurs à Bruxelles et, selon les statistiques, 10 à 20.000 emplois à pourvoir. Mais de l’autre côté, chez les entreprises, on pleure pour avoir du monde. C’est bizarre, on se dit que ça ne peut pas être possible, il doit y avoir une erreur quelque part.” C’est de ce constat que partait Thierry Geerts, président de Beci. 

Et c’est là qu’est intervenue la start-up Beljob. Cette jeune entreprise bruxelloise a analysé les sites d’offres d’emplois, mais aussi et surtout les réseaux sociaux comme LinkedIn, Facebook et Instagram, à l’aide de l’IA. Elle a tout trié, supprimé les doublons, et est arrivée à près de 100.000 offres. Entre 70 et 80% sont dans la capitale, et le reste sont dans la périphérie ou zone d’influence socio-économique de Bruxelles, comme à Zaventem ou à Hal, nous explique le CEO, Maxime Bollengier. Sur cet aspect de périphérie, Thierry Geerts appelle les autorités à “améliorer la mobilité, autant pour les transports en commun que pour la voiture”.

“À notre plus grande surprise, mais heureuse surprise, on est donc arrivé à près de 100.000 jobs. Ce qui d’une amplitude tout à fait différente. On pense que c’est un message dont le marché bruxellois a bien besoin”, reprend Thierry Geerts.

“Maintenant, on a quand même le challenge d’avoir 96.000 chômeurs. Puis aussi les 40.000 qui risquent de perdre leurs allocations de chômage au début de l’année prochaine. Avec les anciens chiffres qu’on connaissait, c’est insoluble. Alors que si on se rend compte qu’il y a 100.000 postes, c’est déjà très différent. Bien entendu, on ne va pas tout résoudre d’un coup pour tout le monde. On a besoin de beaucoup de collaboration, avec tous les acteurs, et il faut de la motivation de la part des chercheurs d’emploi. Mais au moins, on sait maintenant qu’il y a vraiment beaucoup d’offres d’emploi.”

“Bruxelles a besoin de ce message d’espoir en cette période un peu compliquée. Et peut-être cela peut inspirer nos formateurs de gouvernement. De se dire ‘tiens voilà, ça c’est un message concret, positif, sur lequel on peut travailler’”, espère le patron des patrons bruxellois.

La question des diplômes et des formations

Autre problème dans l’équation bruxelloise : on entend souvent que la plupart des offres demandent des diplômes, mais que les chômeurs bruxellois n’ont pas les qualifications nécessaires. Là aussi, cette étude trouve la parade. Parmi les offres trouvées, notamment sur les réseaux sociaux, un grand nombre ne requiert pas de diplôme particulier. Des formations peuvent déjà aider à décrocher ces jobs, notamment dans les secteurs de l’horeca et de la construction, par exemple, retrace Maxime Bollengier. “C’est positif comme message”, retient aussi Thierry Geerts. 

Mais il n’y a bien sûr pas de baguette magique. Pour Roeland Van Dessel, CEO de Partena Professionnal, c’est justement là que réside toute la difficulté : trouver le bon “match”. Les bonnes personnes pour les bons postes, et vice-versa. “On pourrait alors penser que le problème est résolu, en regardant les chiffres. Mais c’est bien plus difficile. Pour les infirmiers et infirmières par exemple, c’est un des postes les plus difficiles à pourvoir aujourd’hui. Pour ce métier, il faut avoir fait une formation et des diplômes. Je suis sûr qu’il y a plus de postes à pourvoir qu’il y a d’infirmiers et d’infirmières à la recherche d’emploi.”

“Donc la question, c’est : comment est-ce qu’on va faire en sorte que ces gens qui sont en train de chercher du travail trouvent quelque chose qui leur convient ? Comment est-ce qu’on fait ça matche avec leurs compétences, mais aussi, les potentielles formations qu’ils pourraient faire ? La prochaine étape, après notre étude, c’est donc de faire la connexion entre Actiris, les employeurs, les centres de formation et les secteurs. C’est là que l’opportunité se trouve”, analyse Roeland Van Dessel.

Un premier élément de réponse pour plus facilement trouver ce match pourrait venir des données des offres d’emploi. Maxime Bollengier nous explique que l’étape ultérieure, c’est d’encore mieux les cartographier, par secteur notamment. Mais aussi par diplôme ou formation demandé, et par type de contrat.

Vers une grande plateforme commune ?

Mais pourquoi autant d’offres sont-elles invisibles ? “En discutant avec les gens autour de nous, le restaurateur, le petit magasin du coin, etc., on s’est rendu compte que beaucoup d’offres d’emploi sont diffusées sur le site internet des entreprises. Et surtout sur les réseaux sociaux Facebook, Instagram, LinkedIn, etc. Des petits commerces locaux par exemple, qui n’ont pas envie de poster leurs emplois sur les services publics ou sur les sites payants, parce que cela coûte souvent assez cher. Ces acteurs font donc du bouche-à-oreille, ou ils publient sur la page de leur restaurant ou sur le groupe du quartier ou de voisins. Ou sur Instagram, dans une story”, analyse Maxime Bollengier.

“Donc nous avons développé un algorithme qui ingère toute cette quantité de données sur Internet. Il va identifier la petite fraction qui parle d’offres d’emploi. Donc, il a fallu développer des outils d’intelligence artificielle qui pouvaient interpréter le contenu parfois non structuré sur les réseaux sociaux”, continue-t-il. Voilà l’un des rôles de Beljob, qui cartographie le marché du travail et conseille aussi les politiques. Le CEO ajoute que les 100.000 emplois trouvés dans le cadre de cette étude ne sont en réalité qu’une fraction : il y en aurait encore plus.

Beljob travaille maintenant sur une plateforme qui pourrait regrouper toutes ces offres, et les mettre à jour continuellement. Pour cela, la start-up enchaine actuellement les rendez-vous avec les acteurs publics comme Actiris ou les CPAS, ou les fédérations sectorielles et les syndicats, pour voir quels sont leurs demandes et besoins. Et ainsi unir les forces pour rendre le marché du travail plus accessible. Beljob espère devenir une sorte de “Tinder” de l’emploi, où les offres “matchent” directement avec les candidats qui ont les compétences pour.

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