Pieter Zwart (CEO de Coolblue): “Mon rêve? Une machine à laver qui fonctionne gratuitement”

Pieter Zwart, CEO et cofondateur de Coolblue
Stijn Fockedey Stijn Fockedey est rédacteur de Trends

Avec l’ouverture d’un premier magasin en Wallonie, puis de 36 autres en Allemagne, Coolblue appuie sur l’accélérateur. Même après un quart de siècle, le CEO et cofondateur Pieter Zwart est convaincu que la recette du succès de l’entreprise ne s’use pas : tout tourne autour de la satisfaction du client. “Je ne suis pas un manager-né, mais un entrepreneur-né qui croit que les choses peuvent s’améliorer chaque jour.”

Il y a 25 ans, Pieter Zwart et quelques amis ont commencé à vendre des lecteurs MP3 sur un site web depuis une chambre d’étudiant. Cette première boutique en ligne a rapidement été rejointe par 360 autres, qui ont toutes fini par se retrouver sous la marque Coolblue en 2018. La chambre d’étudiant où tout a commencé a ensuite été recréée par les fondateurs au siège de Coolblue, à Rotterdam. La table du café sur laquelle ils ont esquissé leur premier business model sur un carton de bière s’y trouve également. L’année dernière, Coolblue a enregistré un chiffre d’affaires de 2,41 milliards d’euros. Cela en fait le plus grand détaillant de produits électroniques du Benelux.

Coolblue réalise 560 millions d’euros de son chiffre d’affaires en Belgique. Pieter Zwart est très avare d’interviews, mais dans un entretien exclusif avec Trends-Tendances, le CEO nous a confié que Coolblue n’avait pas encore atteint son plafond, surtout en dehors de son marché domestique néerlandais. Vendredi passé, un nouveau magasin a été ouvert près de Liège.

“Nous sommes actifs en Belgique francophone depuis des années, notamment avec un magasin à Bruxelles et un site web en français, explique Pieter Zwart. Le marché flamand est actuellement plus important que le marché wallon, le rapport est d’environ 80-20, mais nous sommes très attentifs au comportement des consommateurs. Où vivent nos clients ? Et pouvons-nous les servir encore mieux en ouvrant un magasin ?”

TRENDS-TENDANCES. En tant que détaillant en ligne, pourquoi avez-vous voulu investir dans des magasins physiques ?

PIETER ZWART. Il y a plusieurs raisons à cela. Un magasin physique met les gens en confiance, ce qui les incite à commander en ligne ou à venir poser des questions. Deuxièmement, pour ceux qui ne nous connaissent pas encore, c’est une manière agréable de faire connaissance avec Coolblue. Vous pouvez entrer et jeter un coup d’œil sans aucune obligation. Il y a aussi un avantage fonctionnel : si quelqu’un a besoin d’un produit rapidement, il peut passer le prendre en boutique immédiatement.

Personne ne viendra dans un tel magasin pour tester une machine à laver, mais on peut avoir envie de découvrir la qualité d’image d’un MacBook ou de voir la différence entre des écrans de 17 et 15 pouces. Il peut y avoir toutes sortes de petites étapes dans le parcours du client qui, combinées à ce que nous faisons en ligne, rendent encore attrayant le passage en magasin.

“Un magasin physique met les gens en confiance, ce qui les incite à commander en ligne ou à venir poser des questions.”

Vous avez connu une forte croissance aux Pays-Bas et en Flandre, où la population est très dense, alors que la situation est différente en Wallonie. Comment allez-vous gérer cette particularité, par exemple pour la livraison du gros électroménager?

La planification et l’optimisation des itinéraires sont bien sûr un jeu permanent, qui fait appel à la science des datas. En fin de compte, tout dépend de la densité des arrêts, car parcourir un long tronçon ne constitue pas un gros problème si l’on peut faire quelques arrêts en cours de route. Livrer une machine à laver très loin n’est évidemment pas rentable. C’est pourquoi nous n’avons pas démarré tout de suite en Wallonie, mais cela se construit petit à petit.

Y a-t-il des leçons à tirer de votre expansion en Belgique ?

Avec chaque élément de complexité qui se présente, on espère apprendre des choses que l’on peut ensuite reproduire. Par exemple, lorsque nous avons quitté les Pays-Bas pour nous lancer en Belgique, nous avons dû gérer deux noms de domaine, deux législations et deux entités juridiques. Le multilinguisme était également un facteur important à l’époque, mais une fois que vous le maîtrisez, vous pouvez facilement ajouter d’autres langues.

Votre rapport annuel fait état de deux menaces potentielles pour Coolblue: la concurrence et le climat économique. Quel regard portez-vous sur 2024 pour l’instant ?

Il est encore un peu trop tôt pour en juger, mais les deux premiers trimestres ont été bons. Le covid a été pour nous une malédiction et une bénédiction, dont nous avons forcément beaucoup appris.

Avez-vous grandi trop vite à l’époque ? Par exemple, il y avait moins de personnes travaillant chez Coolblue en 2023 qu’en 2022.

Et cette année, ce sera probablement encore un peu moins, car nous automatisons et robotisons. Notre objectif est de fournir un service de la plus haute qualité à nos clients. Plus il est possible d’automatiser et de mécaniser, mieux c’est. Si nous voyons qu’il y aura peut-être une camionnette à moitié pleine dans la région d’Anvers demain, les pubs en ligne seront un peu plus insistantes ce soir. C’est un excellent exemple d’intégration de la chaîne. Comme nous avons une très bonne vision du comportement des clients, nous pouvons aussi dire aux fabricants ce que les gens recherchent.

Cette intégration verticale va encore plus loin, grâce à une propre société d’énergie. Aux Pays-Bas, vous installez déjà des panneaux solaires et des bornes de recharge.

Il s’agit d’un plan à long terme : 30% de la facture d’électricité d’un ménage provient de la consommation du gros électro, que nous vendons. Nous pouvons connecter ces mondes, car nous pouvons les livrer et les installer.

C’est ainsi que vous avez eu l’idée d’un lave-linge pouvant fonctionner gratuitement.

Au cours des derniers mois, il est arrivé que l’on reçoive de l’argent si l’on consommait de l’énergie. Si vous en faites des modèles dynamiques, vous pouvez en effet fabriquer des machines à laver ou d’autres appareils qui ne consomment de l’énergie qu’à ces moments-là. Pour l’instant, nous ne pouvons le faire qu’aux Pays-Bas. Nos projets en matière d’énergie dynamique nécessitent des compteurs intelligents. Plus de 90% des ménages néerlandais en sont déjà équipés, mais dans d’autres pays, ce n’est pas encore le cas.

Trouvez-vous plus de motivation en vous attaquant à des problèmes existentiels, comme le changement climatique, ou en gérant la boutique en ligne ?

Je me sens très à l’aise lorsqu’il s’agit de s’améliorer un peu plus chaque jour. Je pense que les entreprises n’ont qu’un seul objectif, celui de rendre leurs clients heureux. Si les clients veulent réduire leur empreinte carbone, je vais les aider à le faire et être créatif. Il ne faut pas confondre mon travail avec celui d’un gouvernement, qui a beaucoup plus de problèmes à résoudre. Je pense que les entrepreneurs peuvent assumer une plus grande responsabilité dans ce domaine qu’ils ne le font actuellement.

Nous pouvons avoir un impact considérable, car nous vendons près d’un tiers de toutes les machines à laver au Benelux. Si je peux fabriquer une machine à laver intelligente, je réduis de manière précise les pics du réseau électrique.

Cela fait maintenant 25 ans que vous êtes à la tête de Coolblue. Combien de temps pensez-vous continuer ?

J’ai très envie de faire de l’Allemagne un grand succès, et j’aimerais aussi voir cette machine à laver gratuite. Je pense donc être encore là pendant un certain temps. C’est vraiment fantastique d’avoir une telle opportunité de libérer sa créativité et son ambition. Honnêtement, je ne sais pas ce qu’il y a de plus amusant à faire.


Propos recueillis par Thomas Smolders et Stijn Fockedey

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