Pourquoi les transports publics font du sur place depuis 30 ans
Au cours des 30 dernières années, et malgré tous les investissements, les transports en commun ne se sont pas améliorés. Dans son nouveau livre « Dood Spoor » (que l’on peut traduire par « voie sans issue »), Marc Descheemaecker, ancien directeur général de la SNCB et aujourd’hui vice-président de De Lijn, explique pourquoi. Il entrevoit des solutions dans une régionalisation des chemins de fer, mais aussi dans une politique, axée sur une demande où le train, le tram et le bus se complètent.
1/ L’échec de la SNCB est l’échec du politique
Ces dernières années, la SNCB n’a pas été en mesure de produire un bon bulletin. Les trains sont bondés aux heures de pointe, ils sont vétustes et la ponctualité laisse à désirer… Le mécontentement à l’égard de la compagnie ferroviaire se traduit de plus en plus souvent par des agressions (verbales ou physiques) à l’encontre du personnel. Sur le plan financier, les pertes s’accumulent et la montagne de dettes augmente à une vitesse alarmante.
“Ce n’est pas la faute de la direction, mais celle des responsables politiques”, déclare M. Descheemaecker dans une interview accordée à nos collègues de Trends. A ses yeux, le ministre des tutelles, Georges Gilkinet (Ecolo), est particulièrement à blâmer. “Avec sa politique d’offre de plus de trains et de plus d’arrêts, il est complètement à côté de la plaque”, déclare M. Descheemaecker. “Ce n’est pas en faisant s’arrêter les trains à des endroits où il n’y a déjà plus de passagers que l’on attire les personnes en direction des gares. Même en augmentant le nombre de trains en dehors des heures de pointe, on n’arrivera à rien.”
Le problème, selon M. Descheemaecker, est le manque de confort des trains aux heures de pointe et ainsi que les nombreux retards. “Pour y remédier, il faut se concentrer sur les grands flux de passagers. C’est-à-dire, augmenter la capacité et la qualité sur les lignes principales. Augmenter le nombre de trains aux heures de pointe et supprimer une centaine d’arrêts. Fermer les gares des lignes secondaires lorsqu’elles sont situées à une distance de cinq à huit kilomètres d’une autre gare. M. Descheemaecker plaide pour une refonte en profondeur de la politique ferroviaire. Mais selon lui, les politiciens ne sont pas prêts pour cela. “Il y a trop de niveaux politiques dans ce pays, avec des ministres qui traitent des transports publics selon leur propre idéologie et leurs propres dogmes. Cela rend impossible une politique rationnelle et coordonnée. De plus, les politiques doivent veiller à fournir le financement nécessaire, dans les accords de gestion, pour ce qu’ils imposent aux entreprises de transport. Ce n’est actuellement pas le cas, ni pour la SNCB, ni pour De Lijn. Leur financement est insuffisant pour réaliser les investissements voulus et nécessaires”.
2/ La solution : régionaliser et miser sur le transport multimodal
“Pour améliorer les transports publics dans notre pays, il faut mieux coordonner les différents modes de transport”, estime M. Descheemaecker. Il préconise donc de scinder la SNCB en une société de transport flamande et une société de transport wallonne, ou au moins d’établir des schémas de transport distincts pour la Flandre et la Wallonie. “C’est la seule façon de rapprocher le plus possible les transports publics du voyageur”, affirme M. Descheemaecker.
“Personne ne prend le train d’Ostende à Eupen ou de Turnhout à Binche. “Il faut donc s’organiser pour que les trains circulent bien et ponctuellement depuis Ostende ou d’Eupen vers Bruxelles. À Bruxelles, les voyageurs peuvent alors poursuivre leur voyage s’ils veulent se rendre, par exemple, à Hasselt ou à Binche. Mais pour changer fondamentalement l’organisation de ces horaires de voyage, la responsabilité des transports publics doit passer du niveau fédéral au niveau régional”.
Et pour être tout à fait efficaces, les régions doivent s’engager à proposer une meilleure offre multimodale (combinaison du train, du tram, du bus et du vélo).
“Il faut se placer du point de vue du voyageur”, explique M. Descheemaecker. “Une seule société de transport qui vous offre un seul billet ou une seule formule d’abonnement, avec une grande facilité d’utilisation. Le train assure les principaux flux de transport, et une grande fréquence de bus locaux vous emmène vers les centres les plus proches. Le tout piloté par un niveau politique unique qui délègue beaucoup aux régions en matière de transport. D’un point de vue opérationnel, cela peut parfaitement fonctionner.
En ce qui concerne les intersections des transports, c’est là aussi que la volonté de régionaliste de Descheemaecker apparaît. Alors que les politiciens wallons freinent la croissance de Zaventem au profit de Liège et de Charleroi, il préconise de placer l’aéroport sous la tutelle de la Flandre. Cela devrait permettre au TGV de se connecter à l’aéroport. M. Descheemaecker estime qu’il s’agit là d’une erreur historique, les ministres francophones ayant favorisé la gare de Bruxelles-Midi comme plaque tournante de la mobilité.
“La loi prévoit la régionalisation des ports et des aéroports, mais fait une exception pour l’aéroport de Bruxelles en raison de son importance pour le pays”, explique M. Descheemaecker. “Si l’on applique la même logique au port d’Anvers, en raison de sa grande importance économique et stratégique pour le pays, il aurait dû rester sous la tutelle fédérale. C’est évidemment totalement absurde. Zaventem se trouve en Flandre, pourquoi cet aéroport devrait-il rester fédéral ? Il est déjà assez grave qu’une société comme Brussels Airport (dont Descheemaecker a été président pendant de nombreuses années, ndlr) ne soit pas autorisée à établir son siège social à l’endroit de son siège d’exploitation parce qu’il n’est pas situé à Bruxelles. On ne peut expliquer cela à personne”.
Dood Spoor. Ideeën van een dwarsligger – Marc Descheemaecker – 256 pages – Editeur Ertsberg – €22.5.
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