Paris à trois heures de Bruxelles

Locomotive T18. C’est ce type de matériel roulant qui pourrait être utilisé pour la nouvelle liaison entre Bruxelles et Paris. © belga image
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

En complément au Thalys, la SNCB et la SNCF Voyageurs étudient le projet d’un train Bruxelles-Paris sur l’ancienne ligne. Pour occuper le terrain et répondre à la concurrence des autocars qui assurent 50 trajets par jour.

C’est le retour du train de papa, au sens propre du terme. La SNCB et la SNCF Voyageurs (groupe SNCF) envisagent de remettre en service le train Bruxelles-Paris qui a été supprimé en 1996, au moment où le service Thalys à grande vitesse a été lancé. Les deux entreprises ferroviaires publiques étudient la mise en service, attendue pour décembre 2024, de cinq fréquences quotidiennes sur l’ancienne ligne, entre Bruxelles-Nord et Paris Nord, avec des arrêts à Bruxelles-Central, Bruxelles-Midi, Mons, Aulnoye-Aimeries et Creil. Durée prévue du trajet: 3 h environ, contre 1h25 pour le Thalys, mais pour un tarif qui devrait être plus bas.

Les nostalgiques de la ligne pourront revoir la frontière à la gare de Quévy. Le train longe la Sambre et la forêt de Mormal, passe par Saint-Quentin et Compiègne. Il suivra une route historique, empruntée à partir de 1848. Il s’agit d’un projet à l’étude, pas encore d’une décision. “L’étude est en cours pour confirmer la faisabilité du projet, avec comme objectif une mise en service aussitôt que possible”, indique un bref communiqué des opérateurs. Chaque rame comptera 600 à 700 places. Les modalités pratiques n’ont pas encore été définies, telle que l’obligation ou non de réserver sa place.

L’initiative peut paraître singulière. Les deux opérateurs avaient préféré, au lancement du Thalys, supprimer le train “lent” pour laisser toute la place à la grande vitesse sur laquelle la SNCB et la SNCF avaient investi des milliards d’euros. Il était entendu pour les promoteurs de la ligne que les voyageurs plébisciteraient le gain de temps, malgré un tarif plus élevé.

Le succès des autocars

C’est la concurrence, actuelle et potentielle, qui pousse aujourd’hui la SNCB et la SNCF Voyageurs dans le dos. De nos jours, une cinquantaine de cars relient quotidiennement les deux capitales dans chaque sens à petit prix. A lui seul, l’allemand FlixBus, numéro 1 européen de l’autocar régulier, propose environ 39 autocars par jour cet été entre les deux villes dans chaque sens (jusqu’à 3.120 sièges au total), 25 à 30 hors de la période des vacances. “Cette ligne est un de nos best- sellers, déclare Charles Billiard, porte-parole de FlixBus Benelux. Nous sommes attentifs à l’annonce de la SNCB et de la SNCF Voyageurs. Nous adapterons l’offre si nécessaire.”

Le service bus de BlaBlaCar propose, lui, une dizaine de liaisons quotidiennes. Même la veille du départ, l’aller revient souvent à moins de 30 euros, contre 95 euros minimum pour le Thalys. De quoi siphonner une clientèle sensible au prix, notamment les jeunes. “La majorité de nos voyageurs ont entre 18 et 30 ans”, continue notre interlocuteur. Le covoiturage via BlaBlaCar attire aussi une partie des voyageurs.

Une autre concurrence ferroviaire se profile également, avec un projet d’Arriva (Deutsche Bahn), à savoir une fréquence quotidienne entre Groningue, aux Pays-Bas, et Paris via Amsterdam et Bruxelles-Midi, à partir de 2026.

Contrer FlixTrain

Le but le plus important pourrait être d’occuper le terrain face à FlixBus au cas où l’opérateur privé allemand serait tenté de relancer son projet d’une liaison ferroviaire entre les capitales belge et française. Il opère déjà, via sa filiale FlixTrain, des trains low cost en Allemagne et en Suède et avait annoncé en 2019 sept fréquences entre Bruxelles sur l’ancienne ligne par Quévy, avec un démarrage en janvier 2021.

La crise du covid avait fait capoter le projet. “Pour le moment, ce projet de liaison n’est pas dans les tuyaux”, assure Charles Billiard, qui se demande si le projet de la SNCB et de la SNCF Voyageurs n’est pas “un effet d’annonce”.

FlixTrainL’opérateur privé allemand FlixBus pourrait être tenté de relancer son projet d’une liaison ferroviaire entre les capitales belge et française.
L’opérateur privé allemand FlixBus pourrait être tenté de relancer son projet FlixTrain. © pg

Malgré une ouverture à la concurrence du rail international, la ligne Bruxelles-Paris, très populaire, n’a jamais vu arriver d’opérateur privé ferroviaire. Ne serait-il pas plus simple de proposer des tickets Thalys moins chers ou d’ouvrir un service à grande vitesse low cost sous une autre marque, comme Ouigo en France?

Le service à grande vitesse, opéré par Eurostar Group, propose certes des petits prix (à partir de 29 euros sur Bruxelles-Paris) mais il faut réserver tôt. L’opérateur ne dispose pas beaucoup de marge pour les tarifs réduits. La proposition Ouigo, de la SNCF, est différente dans le sens où il s’agit d’un service intérieur, subsidiable, alors que les trajets internationaux ne peuvent recevoir d’aide publique au bénéfice d’un seul opérateur.

Ce marché est ouvert à la concurrence depuis 2010. De plus, la grande vitesse coûte cher: le prix des rames est élevé, ainsi que le péage pour emprunter la ligne spécialement dédiée. Pour rouler moins cher entre les deux capitales, il faut donc rouler moins vite, sur des lignes moins coûteuses à l’usage.

© National

Thalys avait tenté de moyenner en lançant le service Izy en 2016, avec un tarif entre 10 et 49 euros par trajet, en évitant la ligne à grande vitesse sur le territoire français. La fréquence était modeste (un à deux trains par jour avant le covid) et il fallait recourir à des rames TGV. L’Eurostar Group, réunissant les services Eurostar et Thalys, n’a pas repris ce service, arrêté à la mi-2022. “Le low cost n’est pas notre métier”, nous avait indiqué Gwendoline Cazenave, CEO de la société, qui se concentre sur les services à grande vitesse entre la France, la Belgique, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l’Allemagne.

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L’initiative de la SNCB/SNCF pourrait capter une partie de la clientèle du Thalys. Les actionnaires, communs au présent et au futur service, semblent compter sur une demande suffisante pour remplir toutes les rames. Actuellement, les trains rouges sont occupés à plus de 90%. Les deux opérateurs publics ont choisi d’annoncer leurs intentions tôt pour des raisons réglementaires. Toute nouvelle ligne doit être notifiée aux autorités de régulation plus d’un an à l’avance. Ainsi, la notification à l’Autorité de régulation des transports française est publiée sur son site, avec un démarrage des opérations le 15 décembre 2024, avec des horaires.

On y voit un horaire où le premier train partirait à 6h52 de Bruxelles-Midi, le dernier, à 18h40. A Paris Nord, le premier train est annoncé à 8h18, le dernier à 19h21. La locomotive et les wagons seront fournis par la SNCB. Ces informations, indicatives, restent succinctes. La tarification n’est pas mentionnée. Elle est évoquée dans le communiqué commun de la SNCB et SNCF Voyageurs, qui parle d’“un prix compétitif”. Vraisemblablement entre celui des bus et du Thalys.

Une longue course de vitesse

· 1846. Inauguration de la ligne de chemin de fer: 2 jours. Le premier trajet, en juin, prenait deux jours via Lille, pour six jours auparavant en voiture cochère publique. En juillet 1846, le temps est réduit à une journée. Des modifications de parcours permettent ensuite d’arriver à 12h30 de trajet.

· 1858. Le trajet classique est en place: 4h59. Il passe par Quévy, Aulnoye, Compiègne, Creil. Cette liaison sera exploitée jusqu’à l’arrivée du Thalys.

· 1923. Accélération: 3h45. L’utilisation de locomotives belges sur le réseau français réduit le trajet à 3h45 pour les parcours sans arrêts, 3h30 en 1927 avec le train l’Etoile du Nord, 3 h en 1929 avec l’Oiseau Bleu.

· 1963. Electrification: 2h30. La liaison est effectuée en 2h30 avec le TEE (1re classe uniquement) et en 3 h en train standard.

· 1996. Lancement du Thalys: 1h25. Le train à grande vitesse parcourt la ligne en 1h25 à partir de 1997. Arrêt des autres trains. Le service est rebaptisé Eurostar à partir du 1er octobre 2023.

· 2024. Le retour de l’ancienne ligne en 3 h. Projet de rétablir l’ancienne ligne, en complément au Thalys, par la SNCB et la SNCF Voyageurs.

(Sources: Mediarail.be et trainworld).

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