Où sont les camions électriques ?
La plupart des camions fonctionnent encore exclusivement au diesel. Longtemps au point mort, les choses semblent pourtant bouger depuis quelques mois. L’e-truck pourrait bien enfin faire sa grande percée.
L’électrique ne représenterait en moyenne que 1 % du marché des camions en Europe. Le cabinet d’étude Roland Berger, qui a effectué une importante enquête sur le sujet, estime que la flotte de camions électriques européens devrait atteindre 200 000 poids lourds pour 2030. L’impact des poids lourds sur le climat est loin d’être négligeable en Europe. Avec une consommation moyenne située entre 30 et 40 l/100km, un camion poids lourd, qui parcourt 120 000 km/an et affiche une charge utile de 25t, peut consommer jusqu’à près de 46 000 litres de gasoil par an. En sachant que 6,2 millions de camions circulent à l’échelle européenne, cela donne une idée de l’ampleur du problème. Les camions et les bus ont consommé à eux seuls 435 millions de barils de diesel en 2021 dans l’UE.
Une part démesurée dans la pollution liée au transport
Selon l’ONG Transport & Environment, une organisation qui promeut la mobilité verte en Europe , aujourd’hui, les véhicules utilitaires lourds (VUL) – soit tous les véhicules routiers de plus de 3,5 tonnes transportant des marchandises et des passagers – sont responsables de 27 % des émissions climatiques du transport routier en Europe, alors qu’ils ne représentent que 2 % des véhicules en circulation. Les camions et les autobus ont donc un impact climatique plus important que tous les vols au sein de l’UE, toujours selon L’ONG. Et si rien n’est fait, les émissions produites par les camions ne feront qu’augmenter puisque l’activité des camions dans l’UE augmentera encore de 40 % entre 2019 et 2050.
En 2019, l’UE a pourtant adopté les toutes premières normes de CO2 pour les nouveaux VUL. Les fabricants de camions et d’autobus doivent réduire les émissions moyennes de leurs nouvelles ventes de 15 % d’ici 2025, de 30 % d’ici 2030 et de 90% en 2040. Avec de lourdes amendes à la clé s’ils n’atteignent pas cet objectif. Or pour y parvenir, les camions et les autobus devront être presque entièrement décarbonisés. Les véhicules zéro émission (ZEV) – qui comprennent notamment les véhicules électriques à batterie (BEV) et les véhicules électriques à pile à combustible (FCEV) – sont la seule technologie disponible permettant d’atteindre cet objectif. PwC (réseau international d’entreprises spécialisées dans l’audit, l’expertise comptable et le conseil) prévoit que près d’un tiers de tous les camions construits en Europe seront entièrement électriques à l’horizon de 2030. Mais en sachant qu’un camion à une durée d’activité de près de 20 ans en moyenne, le changement risque d’être lent. Car, si l’on souhaite atteindre les 1.4 million de camions électriques nécessaires pour répondre aux objectifs européens de décarbonisation, les obstacles sont encore nombreux et beaucoup reste à faire.
Trop cher
Aujourd’hui, un camion électrique coûte encore trois fois plus qu’un diesel, soit environ 300 000 euros pour une autonomie d’à peine 300 kilomètres. L’investissement de base est tel que cela refroidit de nombreux candidats, même si les camions électriques coûtent moins en « carburant » et en entretien. Dans ce secteur, un facteur déterminant est et reste le coût au kilomètre. Les marges bénéficiaires étant notoirement faibles, chaque centime compte. On regarde avec attention le TCO (total cost of ownership). Soit le coût total de possession, mais aussi d’utilisation du camion ( frais d’énergie, entretien, l’assurance). Mais là aussi l’avenir s’annonce prometteur puisqu’une parité des TCO entre thermiques et électriques est pourtant annoncée d’ici moins de 7 ans pour les E-trucks longue distance. Selon Transport & Environment, ils le seront dès 2025 pour les camions régionaux. Les camions électriques destinés aux livraisons locales sont d’ores et déjà rentables. PwC estime de son côté que le TCO des camions électriques sera égal à celui d’une version diesel en 2025 et même 30% moins cher à l’horizon de 2030.
Un challenge à la fois technique et économique
Outre le coût d’achat, le principal problème est surtout logistique. Les camions ont encore une durée d’autonomie trop faible. La répartition du kilométrage journalier montre ainsi 97% de la flotte européenne de camions ne parcourt certes pas plus de 800 km par jour, mais tout de même plus de 300. On estime que les camions avec une remorque montée en permanence et principalement utilisée pour livraison urbaine et régionale parcourent 286 km par jour en moyenne en Europe. Les tracteurs-remorques (les plus courants pour les opérations longue distance), parcourent eux en moyenne 530 km par jour. Or le rayon d’action des camions électriques actuels s’élève entre 200 et 300 kms. C’est trop peu. La bonne nouvelle c’est que l’offre de s’étoffe rapidement avec des autonomies de plus en plus grandes et des taux de recharge de plus en plus rapide. Des constructeurs comme Scania, MAN, Daimler, Volvo Trucks, Tesla ou encore DAF ont annoncé la production de camions électrique affichant une autonomie de près ou de plus de 500 kms. Et ce n’est que le début puisqu’après avoir hésité entre l’hydrogène et l’électrique, les constructeurs de poids lourds semblent avoir opté en masse pour l’e-truck. On citera par exemple Traton (filiale de Volkswagen) et le chinois BYD, ou encore des start-up comme l’américaine Nikola. Les avancées devraient donc encore fleurir dans les prochains mois.
La charge reste un problème
Si la technologie semble donc enfin suivre, reste encore le problème de la charge. Il y a encore un manque cruel d’infrastructure pour charger les camions. Contrairement aux voitures électriques, il faut souvent une cabine haute tension pour charger les camions. Les investissements pour pouvoir charger les camions électriques au sein d’une entreprise de transport sont très importants. PwC estime ainsi que pour une entreprise de transport moyenne, cela représente un investissement de 8,5 millions d’euros. Surtout qu’à partir de 10 camions à charger, on doit même adapter le réseau.
Sur les routes la situation n’est pas plus facile puisque le réseau n’est pas encore assez développé. Et lorsqu’elle est possible, la recharge est la plupart du temps trop lente. D’autant plus qu’un chauffeur ne peut légalement pas être dans son camion plus de 10 heures par jour. Mais là aussi, les choses changent.
Avec le règlement sur l’infrastructure pour les carburants de substitution (AFIR), la Commission européenne veut imposer un premier réseau de stations de recharge pour camions à travers l’Europe d’ici 2025. Soit un point de charge tous les 60 km le long des principales autoroutes et avec un standard unique, le Megawatt Charging System (MCS). De quoi fournir des niveaux de puissance suffisants pour recharger les camions long-courriers durant les pauses obligatoires de 45 minutes des chauffeurs toutes les 4.5 heures de route. Les fabricants de bornes de recharge ont également développé des bornes de recharge pour e-trucks qui sont jusqu’à huit fois plus puissantes que les superchargeurs pour voitures. On note ainsi la joint venture “Milence”, une initiative des constructeurs qui a annoncé déployer 1,700 points de recharge haute puissance d’ici 2027. Les premières seront installées à partir de 2024. Il y a aussi l’alliance European Clean Transport Network Alliance (ECTN). Formé en 2022 en France par le spécialiste de la supply chain Ceva Logistics, l’énergéticien Engie et la société concessionnaire d’autoroutes Sanef, ce consortium prévoit de développer un réseau de terminaux le long des autoroutes. Les chauffeurs pourraient soit y charger leur camion, soit confier leur chargement à un autre chauffeur pour reprendre la route en sens inverse avec un autre chargement. De quoi fractionner le trajet et rendre moins pertinente la question de l’autonomie. Enfin, Tesla travaillerait également à son propre réseau Megacharger pour ses camions Semi.
Volvo Trucks lance en Belgique la production en série de camions électriques
Volvo Trucks vient de démarrer la production de camion électrique au sein de son usine belge de Gand. Trois modèles électriques y seront fabriqués (le Volvo FH, le Volvo FM et le Volvo FMX Electric). Les 50.000 camions, aujourd’hui diesel, qui sortent encore chaque année de ses chaînes à Gand, seront constitués pour au moins la moitié de véhicules électriques d’ici à la fin de la décennie. Volvo Trucks a reçu des commandes, notamment des lettres d’intention d’achat, pour environ 6 000 camions électriques, dans 42 pays, sur six continents. La production de camions de la marque suédoise sera constituée d’au moins 70% d’e-trucks à l’horizon de 2030.
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