Mondial de l’automobile à Paris: le salon du pouvoir d’achat?

Le Mondial de l’automobile de Paris a attiré 508.000 visiteurs, 20% de plus qu’en 2022.
(Photo Franck Dubray)
© PHOTOPQR/OUEST FRANCE/MAXPPP
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

La question des prix des voitures était au centre de l’édition 2024 du Paris Motor Show. Les marques généralistes y ont mis en avant des modèles moins chers, peu nombreux pour le moment. Même les Chinois s’y sont montrés avares en véhicules low cost.

Le Mondial de l’automobile de Paris, qui s’est tenu du 14 au 20 octobre, a repris des couleurs et récupéré des marques qui l’avaient boudé voici deux ans. Il n’était toutefois pas celui de l’auto triomphante. L’époque est rude pour les constructeurs. Les clients sont échaudés par les tarifs pratiqués par le secteur, gonflés après le covid pour tous les modèles, particulièrement élevés pour les modèles électriques (environ 30% de plus qu’un véhicule à carburant).

En août, les immatriculations ont reculé sur le marché européen, tant pour les voitures à carburant que pour les électriques.

Un salon trop électrique ?

Est-ce que les plus de 500.000 visiteurs du Mondial de l’automobile auront vu des tarifs plus adaptés à tous les portefeuilles ? Oui, mais pas tant que cela. Car les stands étaient massivement occupés par des modèles électriques, généralement plus chers à produire actuellement.

“C’est d’ailleurs curieux pour un salon qui vise le grand public”, dit Franck Cazenave, expert du secteur automobile, chief development officer chez Citygo (une application de covoiturage) et auteur (*). “On y voit surtout des autos électriques, alors que le marché, en immatriculations, est encore constitué à plus de 80% de voitures à carburant. Il y a un décalage. L’obligation de passer au zéro carbone, c’est en 2035 : nous ne sommes qu’en 2024.”

Au salon, on voit surtout des autos électriques, alors que le marché, en immatriculations, est encore constitué à plus de 80% de voitures à carburant.
Franck Cazenave,

Franck Cazenave,

expert du secteur automobile

L’inflation de la R4

Les tarifs des nouveaux modèles à piles sont toutefois plus abordables que ceux présentés les années précédentes, quand ils dépassaient les 40.000 euros (avec les modèles Scenic, Mégane). Renault a exposé ses nouvelles R5 vendues à partir de 25.000 euros, au design très attractif, rétrofuturiste et livrable à partir de la fin de l’année. La marque a dévoilé une R4 électrique, un peu plus grande, livrable l’été prochain, à un tarif d’environ 35.000 euros. Elle fait référence à la populaire 4L lancée en 1961, dont elle est l’héritière high-tech. Mais le prix est loin de celui de son ancêtre, lancé à moins de 10.000 euros actuels (convertisseur Insee, prix de lancement à 350.000 anciens francs).

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Luca de Meo, CEO du groupe français, a parlé aux journalistes sur le stand Renault, devant la maquette d’une Twingo à piles promise pour 2026 à moins de 20.000 euros. “Nous la développons en un temps record”, assure-t-il, en deux ans au lieu de cinq. Pour acheter moins cher, il faudra encore un peu patienter.

Luca De Meo

Citroën a exposé son modèle électrique ë-C3, à partir de 23.300 euros, déjà commercialisé, l’un des modèles électriques made in Europe le plus abordable (une version à 19.900 euros est attendue). La petite Dacia Spring, fabriquée en Chine, est vendue à 10.450 euros en Belgique. Un tarif promotionnel, car habituellement elle est vendue à plus de 15.000 euros.

Les dirigeants des constructeurs européens croisent les doigts. Ils espèrent que les tarifs de ces modèles et leur design soigné vont attirer les particuliers. C’est délicat car les prix sont parfois au-dessus des 30.000 euros, un plafond pour la masse des acheteurs particuliers.
Rencontrés le premier jour du salon, ces managers se montraient optimistes. “La R5 a amené beaucoup de monde dans les showrooms”, dit Fabrice Cambolive, patron de la marque Renault. Elle vient tout juste d’arriver en concession. “Elle réussit à faire basculer des consommateurs vers l’électrique, car c’est la R5. On en est déjà à des coûts d’usage au niveau de l’équivalent hybride. Et si l’on regarde l’arrivée de la Twingo, on arrive dans des tranches de prix de 20.000 à 35.000 euros, de quoi faire basculer le segment B vers l’électrique”, assure-t-il.

“Nous nous rapprochons peut-être d’un point de bascule”, a déclaré pour sa part Thierry Koskas, patron de la marque Citroën, sur le stand du constructeur. Les mois à venir diront si ces premières impressions se traduisent par une hausse des commandes.

Le retour des salons de l’automobile ?
Le Mondial de l’Automobile semble avoir ressuscité cette année. Il était moribond en 2022, quand seuls quelques constructeurs français (pas tous) et chinois y étaient venus, qu’aucun allemand n’y avait mis les pneus. Cette année, il a attiré un nombre plus large de marques, y compris VW, BMW, Audi, Ford, Hyundai, Tesla. Beaucoup de grands noms sont absents : Mercedes, Volvo, MG (le numéro un chinois en Europe), Toyota, mais c’est déjà mieux. Il a attiré 508.000 visiteurs, 20% de plus qu’en 2022. Encourageant, même si c’est loin du million des belles années. Il se tiendra en 2026.
En Belgique, la Febiac a décidé d’organiser un salon début janvier, après y avoir renoncé en janvier dernier. Le nombre de marques y sera plus important qu’à Paris.

Les exposants chinois pas vraiment low cost

D’autres stands ne misaient pas du tout sur les prix. Certainement pas Audi ou VW, pour le moment, pas plus que BMW ou Cadillac. Ni même les marques chinoises présentes, malgré leur capacité à produire bien meilleur marché que les européennes. Une taxe douanière supplémentaire, en sus des 10% déjà comptés, les frappe pour cinq ans dans l’Union européenne. Cela n’a pas dissuadé les constructeurs chinois de se présenter au Paris Motor Show, où ils ont ostensiblement présenté des modèles premium sur de vastes stands.

Le numéro un mondial de la voiture électrique, BYD, a préféré présenter un concurrent au Model Y de Tesla, le Sealion 7, de 4,83 m de long, vendu bien au-dessus de 30.000 euros, ainsi que des véhicules hybrides, qui ne sont pas soumis à la surtaxe européenne. Le grand SUV Yangwang U8 de BYD, modèle hybride de luxe au format d’une Range Rover, annonce 1.196 CV, à plus de 100.000 euros. Le groupe dispose de modèles à petit prix, comme la Seagull, absente du salon, qui sera commercialisée en Europe entre fin 2024 et début 2025 et qui pourrait être vendue à moins de 20.000 euros.

Xpeng

Ces marques semblent surtout chercher à bâtir une image de marque sur l’avancée technologique développée en Chine dans les électriques, bien plus sur de l’auto à petit prix. Les marques comme BYD, Hongqi (marque de luxe chinoise) visent plutôt le segment des premiums. Hongqi présente un modèle EH7, sur le segment de la Model S ou la VW ID.7, d’une longueur de presque cinq mètres, richement équipé, à partir d’un peu moins de 50.000 euros selon un représentant de la marque sur le stand, et une version SUV. Avec une batterie très avancée, qui, selon le format, annonce 510 à 655 km d’autonomie. Le tarif est attractif pour le créneau, peu abordable pour le client moyen.

Les marques chinoises présentes cherchaient surtout à bâtir une image de marque sur l’avancée technologique.

Ce positionnement est aussi pratiqué par XPeng, présent au salon, actif en Belgique, dont les modèles se vendent au-dessus de 40.000 euros.

Le seul modèle chinois électrique vraiment low cost présenté à l’événement parisien est la petite Leapmotor T03, proposée dans le cadre d’une joint-venture avec le groupe Stellantis. Une usine polonaise assemble le véhicule, avec l’espoir d’échapper à la surtaxe européenne. Il est facturé 18.900 euros, pour une autonomie de 265 km (WLTP). Un SUV sera aussi proposé, au format d’une Renault Scenic, le C10, à 34.900 euros.

la petite Leapmotor T03, est le seul modèle chinois électrique vraiment low cost présenté à l’événement parisien.

Dacia voit grand et pas cher

Dacia, la marque à petit prix du groupe Renault, s’en tire fort bien dans ce paysage, en particulier dans le segment des modèles à carburant. Basée en Roumanie, Dacia est venue au salon avec un nouveau modèle, le Bigster. C’est le grand frère du populaire Duster, au format d’une BMW X1, tarifé à partir de 25.000 euros. Il est moins tendance que les électriques, mais est très attendu. Le Bigster mesure 4,57 mètres de long, et se vendra au même montant voire moins cher qu’une R5 électrique de 3,99 mètres de long, moins habitable.

Hormis la petite Spring électrique, assemblée par un partenaire en Chine, Dacia ne propose que des motorisations à carburant, de plus en plus hybrides. Elle se positionne sur des prix modérés. La hausse des tarifs parmi les constructeurs généralistes lui profite considérablement. “Environ 60% des clients actuels n’ont jamais acheté de véhicules de la marque précédemment”, dit le CEO de Dacia, Denis Le Vot. Plus les constructeurs généralistes haussent leurs prix sur les autos à carburant, plus les clients entrent dans les showrooms de la marque roumaine. “Il y a sept ans, nous vendions 300.000 voitures, on arrive à 650.000.” En Belgique, Dacia a même dépassé Renault dans les immatriculations, sur les neuf premiers mois de l’année.

Dacia, qui est fort rentable, récupère la technologie développée par Renault. La marque prend son temps pour l’électrification, et y viendra quand les coûts auront diminué. La Sandero, la voiture la plus vendue de Dacia et la plus achetée, en Europe, par les particuliers, sera proposée en électrique à partir de 2028.


Luca de Meo, l’écrivain

Un stand très particulier était installé au Mondial de l’automobile. Un véritable kiosque, ne vendant qu’un seul ouvrage : Le Dictionnaire amoureux de l’automobile, de Luca de Meo, CEO de Renault, publié dans la célèbre collection “Jaune” de Plon. Il rejoint des dizaines de “dictionnaires amoureux” : sur le vin – le plus gros succès de la collection – par Bernard Pivot, sur les chats par Frédéric Vitoux, sur la justice par Jacques Vergès, ou sur la Belgique par Jean-Baptiste Baronian.
Luca de Meo, cherchant à illustrer sa passion pour l’automobile, y parle de la Nationale 7, de Tintin, du cuir – “une madeleine de Proust” –, de Bugatti, du stationnement – “un objet qui coûte plus cher à son propriétaire au repos qu’en fonctionnement, c’est assez rare”, écrit-il, parlant du parking en ville. Il évoque aussi des ronds-points, qui ne sont pas d’origine anglaise selon lui, mais française, de l’époque de François Ier et du carrefour de Chambord.
Pour revenir au texte sur Tintin, il écrit : “Nulle autre bande dessinée n’a autant mis la voiture à l’honneur, aucune ne lui a conféré ce statut de personnage central”.
Particularité du livre : certains articles sont rédigés par d’autres plumes, et non des moindres, comme celles de Jean-Michel Jarre, d’Oliver Blume, CEO du groupe VW, ou d’un designer belge, Luc Donckerwolke, qui travaille chez Hyundai.

(*) Auteur de “Tesla a tué la bagnole”, édité en mars dernier par Descartes&Cie, et “La Robomobile”, publié en 2022 chez le même éditeur.

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