Microlino: les grands défis des micro-voitures

Microlino © Belga
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Dans les villes saturées, de plus en plus restrictives en ce qui concerne les automobiles, les micro-voitures forment un nouveau marché en développement. Microlino s’y développe avec un concept à la fois rétro et très électrique.

Dans une petite usine de la banlieue de Turin, sont assemblées des micro-voitures électriques Microlino, des véhicules urbains biplaces, capables de se garer dans un mouchoir de poche, perpendiculairement au trottoir si nécessaire, et dotée d’un design très italien en forme de bulle. Importées en Belgique par D’Ieteren, ces micro-voitures représentent, pour les entrepreneurs suisses Oliver et Merlin Ouboter, 29 et 31 ans, un créneau d’avenir. Ils cherchent à se distancer de l’image parfois poussive des voitures sans permis à carburant, qui sont les micro-voitures les plus connues et les plus répandues, à travers un design rétro moderne, rappelant la BMW Isetta des années 1950, avec sa large porte à l’avant. La Microlino peut en outre rouler à 90 km/h.

Une deuxième voiture pour le quotidien

“Si vous regardez l’usage des voitures, 90% des déplacements se situent sous les 5 km. En moyenne, les gens roulent 35 km, avec 1,2 personne par voiture, relève Oliver Ouboter. On peut dès lors se demander pourquoi les automobiles sont chaque année plus grandes. Notre idée est de proposer la voiture pour un usage quotidien, voilà la vision. Pas pour tous les usages, pas pour aller à la montagne ou en Espagne, ce que fera votre voiture principale, mais pour les courses, les visites, avec un avantage environnemental très clair.”

“En moyenne, les gens roulent 35 km, avec 1,2 personne par voiture. On peut se demander pourquoi les voitures sont chaque année plus grandes.”

Pour McKinsey ou d’autres consultants, il s’agit d’un créneau d’avenir. “Avec un marché en croissance rapide et une complexité technologique limitée, les solutions de mini-mobilité peuvent offrir une opportunité d’entrée à de nouveaux acteurs”, indiquait déjà le consultant dans un article intitulé Minimobility : The next big thing in urban mobility ? dès 2022.

La Microlino n’est pas une voiture au sens réglementaire du terme. Les modèles proposés par la marque relèvent de la catégorie des quadricyles motorisés, pour laquelle les contraintes sont moins élevées que pour les voitures. Par exemple, pas besoin de dispositifs coûteux comme l’assistance au maintien dans la voie ou l’ABS, vu leur vitesse et leur poids limités.

Les frères Merlin et Oliver Ouboter, qui gèrent Micro Mobility Systems, y croient. La Microlino a des atouts à faire valoir en tant que voiture du quotidien. © RVA

Les Microlino appartiennent en effet à une catégorie de véhicules limités à 90 km/h et 450 kg (hors batteries), soit moins de la moitié d’une voiture.
À noter que les voitures sans permis sont, pour leur part, limitées à 45 km/h (lire l’encadré “Voiture ou micro-voiture ?”), une catégorie dans laquelle la marque Microlino a d’ailleurs récemment introduit un nouveau modèle.

Rentabilisable dès 3.000 véhicules par an

Développer ce type de véhicules est par ailleurs bien moins coûteux que le développement de voitures conventionnelles. Cela permet d’attaquer le marché sans tabler sur d’énormes volumes. Depuis 2022, plus de 4.000 Microlino ont été vendues, d’abord dans la catégorie limitée à 90 km/h (L7e) et récemment en L6e (max. 45 km/h). Ce n’est pas énorme, mais c’est un début pour un créneau qui était jusqu’ici très marginal. “Nous pouvons rentabiliser l’activité avec 3.000 Microlino par an”, assure Merlin Ouboter.

Le coût pour développer et produire une petite voiture conforme aux réglementations actuelles est devenu si élevé que de nombreux constructeurs désertent ce segment peu ou pas profitable. Peugeot a arrêté la 108, Citroën la C1, Ford la Fiesta. Même Smart a arrêté la petite Fortwo (de 2,69 m de long contre 2,44 m pour la Microlino, avec un coffre de taille similaire). Les frères Ouboter estiment d’ailleurs pouvoir attirer une partie des clients de la petite Smart. “Si le projet de lancer une auto comme la Smart était imaginé aujourd’hui, il y a peu de chance, avec le niveau actuel des contraintes réglementaires, qu’un constructeur la lancerait comme une voiture, elle serait plutôt une micro-voiture L7e”, avance Merlin Ouboter.

Ce n’est pas un hasard qu’un constructeur suisse s’intéresse à ce créneau, car la Smart originelle était née en Helvétie, de l’imagination de Nicolas Hayek, le créateur des montres Swatch. Le projet y avait été très populaire.

L’héritage d’un fabricant de trottinettes

Ce segment des micro-voitures à réglementation allégée intéresse pas mal de monde aujourd’hui. Stellantis a lancé la Citroën Ami, vendue à plus de 70.000 exemplaires depuis 2020, sans permis, à moins de 10.000 euros, et des cousines (Fiat Topolino, Opel Rocks-e). Renault arrive avec la Mobilize dans la même catégorie de prix.

Microlino fait le pari de se positionner plus haut, avec une finition et une personnalisation nettement plus poussées, et plus cher, avec des prix démarrant, hors promotion, à 17.990 euros, le tout avec des autonomies allant de 90 à 230 km. C’est un défi de faire accepter ce tarif. Une manière d’y parvenir, pour D’Ieteren, est de pousser la location ou le financement autour d’une centaine d’euros par mois, avec la possibilité de l’assurer pour environ 66 euros par mois (omnium).

La famille Ouboter, basée à Zurich, espère répéter, avec la Microlino, le succès de ses trottinettes. Wim Ouboter, le père d’Oliver et Merlin, 65 ans, d’origine néerlandaise, a imaginé dans les années 1990 une trottinette pliable en aluminium, et en a fait un succès mondial via sa société Micro Mobility Systems. “Il a littéralement inventé ce marché”, dit Merlin Ouboter. Il a ressuscité la bonne vieille trottinette sur un mode high-tech, puis l’a électrifiée. Selon les frères Ouboter, la firme suisse commercialise trois millions de trottinettes par an, conçues en Suisse et fabriquées en Chine.

Microlino pousse un peu plus loin la micro-mobilité

Le projet Microlino pousse un peu plus loin la micro-mobilité. Oliver et Merlin Ouboter gèrent l’entreprise. Ils sont certes jeunes, mais ils ont commencé tôt. “Quand nous étions encore à la maison, nous avions un garage rempli de prototypes, notre père nous demandait de les tester. Comme enfant, vous donnez un feedback très honnête, un peu trop peut-être ; c’était une sorte d’étude de marché ! Cela nous a fait de l’argent de poche”, sourit Merlin Ouboter.

Un micro marché en forte croissance

La micro-voiture de la catégorie L7e (max. 90 km/h) reste un marché de niche, dont Microlino est le numéro deux en Belgique. Il a été multiplié par 20 en trois ans. La Citroen Ami, qui se vend fort bien, appartient à la catégorie L6e des autos (max. 45 km/h). Cela reste très éloigné des immatriculations de voitures neuves qui dépassaient, l’an dernier, les 440.000 exemplaires.

Un groupe familial suisse

La Microlino, d’une longueur de seulement 2,44 m, peut se garer à la perpendiculaire d’une place de stationnement. © RVA

Micro Mobility Systems AG est une PME. Elle occupe 55 personnes en Suisse et 65 à Turin, où est produite la Microlino. Le patron du groupe demeure Wim Ouboter. Son épouse, Janine, dirige les finances. Les marges des trottinettes ont servi à financer le lancement de Microlino. “Nous nous lançons maintenant dans la recherche d’investisseurs et d’un ou deux partenaires industriels”, explique Oliver Ouboter. L’objectif est de pousser les ventes ainsi que la production.

La Microlino a été imaginée en Suisse, pays qui est actuellement le premier marché de la marque. Mais pour sa production, la famille Ouboter a préféré Turin. “On y trouve un tissu d’entreprises automobiles très dense qui n’existe pas en Suisse”, souligne Merlin Ouboter. Le design a été assuré par Icona, basé près de Mirafiori, la monumentale usine de Fiat (groupe Stellantis). La fabrication est organisée dans des ateliers loués à Cecomp, maison-mère d’Icona, qui fabrique des prototypes pour le compte de constructeurs et des petites séries.

Il existait déjà un marché dit de la voiture sans permis, à carburant, très populaire en France, où Ligier et Aixam sont très actifs, avec des véhicules réglementairement lents (45 km/h maximum). Les micro-voitures de la catégorie L7e, la principale où Microlino est active, sont plus performantes et se glissent aisément dans la circulation urbaine, comme nous avons pu le vérifier en roulant dans les rues et sur les grands axes de Turin. Elles restent toutefois des micro-voitures, avec un confort plus rudimentaire que dans une auto classique, compensé par une conduite amusante, facilitée par la motorisation électrique et une taille ultra compacte.

“Microcars coalition”

La micro-voiture comme alternative urbaine de l’auto reste encore mal connue et n’a pas le poids, en termes de lobbying, du secteur automobile. Quelques start-up, dont Microlino, ont créé en 2023 la Microcars coalition afin de mieux défendre les modèles de la catégorie “rapide”, L7e (avec permis B). L’objectif est d’obtenir partout des incitants spécifiques à ces micro-véhicules, avec des stationnements gratuits, comme c’est le cas aux Pays-Bas, ou une fiscalité favorable, et au moins bénéficier des incitants prévus pour les voitures électriques, ce qui n’est pas partout le cas.

“Il y a encore des obstacles à tous les niveaux, national ou européen. Par exemple, les constructeurs de voitures comme Tesla peuvent vendre des crédits d’émissions de CO2 à ceux qui dépassent les normes. On peut discuter si c’est un système acceptable ou pas, mais c’est une source de revenu pour les constructeurs de voitures électriques. Dans notre catégorie de véhicules, ce dispositif n’existe pas.”

Le marché n’en est qu’à son démarrage. L’arrivée des constructeurs de voitures prédit une forte concurrence avec de gros moyens, mais elle signifie aussi un lobbying plus puissant. Certains d’entre eux souhaitent élargir la catégorie des micro-voitures, moins réglementées. C’est notamment le cas de Luca de Meo, CEO de Renault, qui espère un statut identique au Kei cars, les mini-voitures japonaises qui représentent plus de 30% du marché nippon et bénéficient d’avantages fiscaux. Microlino, qui vise un créneau plus premium dans la micro-voiture, pourrait profiter de ces vents ascendants.

Voiture ou micro-voiture ?

Les Microlino ne sont pas des voitures au sens réglementaire du terme, mais des quadricyles.
La réglementation considère qu’une voiture automobile standard relève de la catégorie M1, autorisant jusqu’à 8 places assises en plus de celle du conducteur, avec un maximum de 3,5 tonnes.

Une micro-voiture, comme la Microlino ou la Citroën Ami, relève de la catégorie des quadricycles, elle-même divisée en deux grandes catégories :
• L6e. Appelée aussi improprement celle des “voitures sans permis”, la catégorie plafonne les véhicules à 45 km/h, 450 kg et 8 cv pour le moteur, et ceux-ci sont accessibles à des conducteurs à partir de 16 ans en Belgique. Elle nécessite un permis AM comme pour les vélomoteurs (théorique et pratique).
• L7e. Cette catégorie recouvre les micro-voitures pouvant rouler jusqu’à 90 km/h, pesant au maximum 450 kg (hors batteries pour les électriques). Elles peuvent rouler partout, sauf sur les autoroutes.

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