La voiture hybride est-elle le chaînon manquant vers une électrification complète ?

La transition vers la conduite entièrement électrique est-elle trop brutale pour les consommateurs ? Alors que les voitures électriques semblent en perte de vitesse, les voitures hybrides pourraient faciliter le changement.

Tesla semble traverser une importante zone de turbulences économiques. Le principal fabricant de voitures électriques affiche des ventes sérieusement en berne. Pour rester compétitive, la firme baisse ses prix et licencie en nombre. Mais la situation de l’entreprise d’Elon Musk reflète en réalité un malaise plus large sur le marché. L’enthousiasme initial pour les voitures électriques s’est estompé. Les coûts élevés et la réduction des subventions gouvernementales rendent la transition difficile pour le grand public.

Dans ce contexte, les voitures hybrides, qui combinent un moteur à combustion avec une propulsion électrique, semblent être une étape intermédiaire idéale sur la voie de l’électrification complète. Pour preuve, la part de marché des voitures hybrides en Europe est passée de 24,4 à 29 %. Le point sur la situation en douze questions.

Ou est passé l’optimisme de l’industrie automobile envers les véhicules électriques (VE) ?

Il y a un an, l’industrie automobile était presque unanimement convaincue que les voitures électriques étaient l’avenir et qu’elles révolutionneraient le marché de l’automobile. Il s’avère maintenant que cet optimisme était prématuré. Bien que de nouveaux modèles de VE soient toujours introduits, les ventes sont en berne. “Le marché ne suit pas” note le journaliste automobile Tony Verhelle. “Et c’est là le plus gros problème. Le marché électrique progresse lorsqu’il y a beaucoup de voitures de société, mais il stagne dans les marchés ou les particuliers doivent choisir.”

“Nous avons lourdement subventionné les voitures électriques”, déclare le professeur Rudy Aernoudt (UGent), spécialisé en finance d’entreprise et en politique commerciale européenne. “En Belgique, l’achat d’une voiture électrique était encore déductible fiscalement à 120 % jusqu’au début de cette année. En Flandre, entre autres, les particuliers ont droit à une prime de 5 000 euros pour l’achat d’une nouvelle voiture électrique. Mais vous pouvez voir que c’est un marché totalement artificiel. Regardez l’Allemagne. Les subventions y ont été supprimées. Et que se passe-t-il ? C’est tout le marché des voitures électriques qui s’effondre.”

À partir de 2035, aucune nouvelle voiture à moteur à combustion ne pourra être vendue en Europe. “Je ne crois pas en l’avenir des voitures électriques”, précise cependant Aernoudt. “Pourquoi tout le monde devrait-il conduire une voiture électrique à tout prix ? J’ai rencontré M. Toyoda (le petit-fils du fondateur de Toyota, NDLR) à Bruxelles. Cet homme dit que les voitures électriques occuperont au maximum 30 % du marché automobile. Et je le crois. Cela signifie que 70% des autres voitures devront fonctionner avec d’autres sources : fossile, hydrogène ou hybride.”

“Toyota est en train de construire une usine au Royaume-Uni pour produire des voitures à hydrogène. Tout le monde critique la stratégie de Toyota depuis des années. ‘L’hybride n’est pas l’avenir’, disaient-ils. Maintenant, vous voyez que la part de Toyota a augmenté de 80 % et que Tesla doit effectuer un important plan social : il n’existe pas de meilleure synthèse de ce qui se passe sur le marché.”

“Je fais un peu le parallèle avec l’énergie”, continue Aernoudt. “Vous ne devez pas parier sur un seul cheval, comme l’a fait l’Allemagne avec le gaz bon marché de Russie. Vous devez dépendre de différentes sources d’énergie. La diversification est importante.”

Pourquoi les consommateurs sont-ils réticents à acheter des VE ?

“Les consommateurs sont encore très prudents”, explique Verhelle. “Principalement à cause du prix, mais aussi à cause d’une certaine anxiété liée à l’autonomie. Cette dernière joue certainement un rôle aux États-Unis ou les Américains parcourent beaucoup plus de kilomètres. C’est l’un des principaux handicap pour les voitures électriques actuelles.” Les consommateurs restent préoccupés par le manque de bornes de recharge publiques et l’autonomie limitée des VE, ce qui peut entraîner le risque de tomber en panne de batterie loin d’un point de charge. De plus, la recharge d’une batterie prend beaucoup plus de temps que le remplissage d’un réservoir d’essence note le Wall Street Journal.

Pourquoi plus de consommateurs de voitures américains et européens choisissent-ils des véhicules hybrides plutôt que des VE ?

“Certains individus veulent rouler de façon écologique, mais ne sont pas pour autant prêts à prendre trop de risque”, observe Verhelle. “‘Si nous conduisons en ville, il est possible d’opter pour l’électrique. Mais dès que nous devons parcourir de longues distances, nous voulons toujours pouvoir compter sur le moteur à combustion.”

“Le grand avantage des voitures hybrides est donc avant tout psychologique puisqu’il facilite la transition”, note également le professeur Aernoudt. “Pour ma part – je suis assez chaotique dans mon genre- je pourrais me retrouver régulièrement à plat avec une voiture électrique. Avec une hybride, je ne cours pas ce risque. Une voiture hybride est très intéressante, car vous faites quelque chose pour le climat, mais vous ne risquez pas de tomber en panne de batterie.”

Les acheteurs qui cherchent à économiser sur les coûts d’essence ou à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre sont désormais plus susceptibles de choisir des véhicules hybrides, rapporte le Wall Street Journal. Aux États-Unis, les ventes de véhicules hybrides ont dépassé celles des VE en 2023, avec environ 1,4 million contre 1,2 million de voitures vendues. Par conséquent, les constructeurs automobiles prévoient de produire davantage d’hybrides.

“D’autant plus que les voitures les plus vendues aux États-Unis sont encore les pickups… ce ne sont pas exactement les voitures les plus aérodynamiques”, ajoute Verhelle. “Or l’aérodynamique joue un grand rôle dans les voitures électriques pour réduire la consommation. L’infrastructure de recharge aux États-Unis n’est également clairement pas encore à la hauteur. Tous ces facteurs font que les progrès sont beaucoup plus lents que ce que les constructeurs avaient espéré.”

‘SI VOUS CONDUISEZ BEAUCOUP EN VILLE OU PARTICIPEZ À LA CIRCULATION EN ACCORDÉONS, LA CONSOMMATION SERA JUSQU’À 40 % MOINS QUE CELLE D’UNE VOITURE QUI ROULE UNIQUEMENT À L’ESSENCE’

Tony Verhelle (Newmobility.news)

Comment fonctionnent exactement les voitures hybrides ?

Dans la plupart des véhicules hybrides, le moteur à combustion et un ou plusieurs moteurs électriques peuvent entraîner les roues. Ce moteur entraîne également un générateur qui génère de l’électricité pour recharger la batterie. De plus, la plupart des voitures hybrides rechargent la batterie d’une autre manière : grâce au freinage régénératif, où la direction de rotation du moteur électrique est inversée pour ralentir le véhicule et générer de l’électricité. Cependant, ces hybrides ne peuvent pas être rechargés via une prise externe.

“Le principe d’une voiture hybride est que vous avez un moteur électrique assistant le moteur à combustion interne”, explique Verhelle. “Donc, il y a deux moteurs à bord d’une hybride.”

Quel est l’avantage des voitures hybrides en termes de consommation de carburant ?

Les voitures hybrides parcourent plus de kilomètres avec un litre d’essence, car elles ne brûlent pas constamment de carburant. Le moteur peut être coupé tandis que la batterie et le moteur électrique prennent le relais, surtout à basse vitesse et dans la circulation en accordéon.  “Avec ces hybrides, vous avez l’avantage qu’ils sont beaucoup plus efficaces en termes de consommation de carburant, en moyenne, sur l’ensemble de l’utilisation”, déclare Verhelle. “Si vous conduisez énormément en ville ou participez à la circulation stop-and-go, la consommation sera jusqu’à 40 % moins élevée que celle d’une voiture qui fonctionne uniquement à l’essence.”

Quels autres avantages présentent les voitures hybrides ?

Les voitures hybrides ont souvent une accélération plus rapide que les voitures équipées uniquement d’un moteur à combustion. Lorsqu’elles fonctionnent uniquement sur batterie, elles sont plus silencieuses à basse vitesse. Elles sont considérées comme plus agréables à conduire que les véhicules équipés d’un moteur à combustion, et elles sont souvent plus fiables malgré leur technologie plus complexe, écrit le Wall Street Journal. “Dans un environnement urbain, vous roulez une bonne partie du temps en mode électrique, ce qui est évidemment un avantage pour l’environnement”, ajoute Verhelle.

“RENAULT UTILISE POUR SON MODÈLE HYBRIDE UNE BOÎTE DE VITESSES INNOVANTE INSPIRÉE DE LA TECHNOLOGIE DE LA FORMULE 1.”

Quels sont les inconvénients des voitures hybrides ?

Les voitures hybrides sont généralement jusqu’à 20 % plus chères que les modèles équipés uniquement d’un moteur à essence, bien qu’elles soient moins chères que les voitures entièrement électriques. ” Vous trimballez aussi deux moteurs ce qui ajoute un poids significatif au véhicule. Un point qui joue sur l’efficacité. Surtout dans des conditions nécessitant des changements de vitesse continus, comme la circulation stop-and-go sous la pluie. Le poids supplémentaire et la complexité de deux moteurs peuvent contribuer à une consommation d’énergie globalement plus élevée dans ces conditions.”, dit encore Verhelle.

Il faut également prendre en compte le fait que “la batterie est constamment rechargée”, déclare Verhelle. “La batterie est petite dans les voitures hybrides ordinaires. Le système de propulsion est un peu plus compliqué. Donc, lorsque vous rechargez cette batterie, vous consommez un peu plus que si vous rouliez simplement avec un moteur à essence seul, car le véhicule produit également de l’énergie pour recharger cette batterie. Vous récupérez cela lorsque vous conduisez en mode entièrement électrique, car le moteur ne tourne pas. Dans l’ensemble, il consomme moins. Mais lors du rechargement, il consomme un peu plus.”

Est-il possible de récupérer le surcoût d’une hybride grâce à des économies de carburant ?

De nombreux propriétaires peuvent « récupérer » les coûts supplémentaires d’une hybride, selon la durée pendant laquelle ils possèdent la voiture et la distance parcourue. “C’est possible avec une Toyota Yaris”, déclare Verhelle. “Mais tout dépend un peu de votre façon de conduire, bien sûr.” L’organisation de consommateurs américaine Consumer Reports estime que le temps moyen de rentabilisation est de quatre ans avec un prix de l’essence de 0,89 euro par litre et une distance parcourue d’environ 20 000 kilomètres par an. Plus vous parcourez de kilomètres ou plus le prix de l’essence est élevé, plus ce temps de rentabilisation est court.

Y a-t-il d’autres modèles intéressants en termes d’efficacité énergétique en dehors de la Toyota Yaris ?

“Il y a aussi un système hybride avec la Renault Clio E-Tech”, explique Verhelle. “De façon empirique, je sais que je consomme un litre de moins avec celle-ci qu’avec la Clio ordinaire. Pour moi, cela signifie une consommation plus faible, passant de légèrement plus de 5 à légèrement plus de 4 litres pour 100 kilomètres. C’est assez significatif. Cette Clio est très intéressante, car elle dispose d’une boîte de vitesses innovante inspirée de la technologie utilisée en Formule 1.”

Cette boîte de vitesses est une transmission multi-mode conçue pour passer automatiquement entre les moteurs sans embrayage physique. Ce système, appelé embrayage à crabot, aide à transférer la puissance entre les moteurs de manière transparente et élimine le besoin d’un embrayage traditionnel, ce qui contribue à la réduction du poids et à une efficacité accrue.

Quelle est la différence entre les véhicules électriques hybrides (HEV) et les véhicules électriques hybrides rechargeables (PHEV) ?

Les hybrides rechargeables, connus dans le secteur sous le nom de PHEV, combinent également un moteur à essence avec un ou plusieurs moteurs électriques. Cependant, leur batterie est beaucoup plus grande. Contrairement à un hybride ordinaire, vous pouvez les brancher sur une prise de courant ou une borne de recharge publique pour recharger la batterie, tout comme avec un VE.

Quels sont les avantages et les inconvénients d’un PHEV ?

La capacité accrue de la batterie leur permet de parcourir une distance spécifique uniquement avec le moteur électrique, variant de 24 à “100 kilomètres sur les derniers modèles”, selon Verhelle. Ainsi, en ville ou lors de courts trajets, cela ressemble à la conduite d’un VE, avec une conduite silencieuse et sans émission de gaz d’échappement. Lorsque la batterie est presque déchargée, le moteur à essence entre en action et ils fonctionnent comme un hybride normal, vous n’avez donc pas à craindre de tomber en panne.

Les inconvénients : par temps très froid, il est probable qu’un hybride rechargeable se retrouve plus rapidement sans puissance. Soit elles ont le même problème que les VE. En général, les PHEV sont également plus chers que les hybrides auto-rechargeables en raison de leurs batteries plus grandes et technologiquement plus avancées, ainsi que des options de recharge supplémentaires. Par exemple : pour un hybride ordinaire du modèle Toyota RAV4, vous paierez environ 34 000 euros. Le Toyota RAV4 Prime hybride rechargeable coûte 42 000 euros.

Les hybrides sont-elles une solution possible pour réduire la dépendance à l’égard de la Chine ?

“Non”, déclare Aernoudt. “Si vous regardez aux États-Unis, par exemple, où l’hybride est vraiment en plein essor, vous constatez que les quatre principales marques sont Toyota, Honda, BYD et Hyundai, ou des voitures du Japon, de la Corée du Sud et de la Chine. Le gros problème est que 77 % des batteries sont de toute façon fabriquées en Chine, que ce soient des batteries pour des hybrides ou des voitures électriques. Nous restons totalement dépendants d’eux.”

Comment se présente le marché automobile belge ?

Au cours du premier trimestre de cette année, plus de la moitié des nouvelles voitures enregistrées étaient des véhicules électriques ou hybrides, selon les données de la fédération sectorielle Febiac. Au cours des trois premiers mois, un total de 135 140 nouvelles voitures ont été enregistrées en Belgique, le nombre le plus élevé depuis le début de la crise du coronavirus.

On observe une augmentation significative des immatriculations de nouveaux véhicules « électrifiés ». Les voitures hybrides représentaient près de 30 % du marché au premier trimestre. Les voitures entièrement électriques représentaient 23 % des nouvelles immatriculations.

“Les chiffres du premier trimestre de Febiac montrent que les voitures à essence restent toujours le plus grand groupe, mais qu’elles sont déjà suivies par les voitures entièrement électriques”, observe Tony Verhelle. “Ensuite viennent les hybrides rechargeables, qui ont également été bien promus comme voitures de société. Et puis les hybrides classiques, comme la Toyota Yaris. Ils augmentent également, mais représentent environ 10 %, principalement soutenus par les acheteurs privés.”

Laurens Bouckaert

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