La mort du projet de trains nocturnes Midnight Train 

Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

« Le ferroviaire n’est pas un “méga trend” et le train de nuit encore moins ». C’est la conclusion des dirigeants d’une start up française, Midnight Train, qui comptait lancer des trains de nuit. Et qui a jeté l’éponge, faute de financement, enlisée par l’incroyable rigidité du secteur ferroviaire. Voyager plus vert, c’est compliqué…

« Ici meurt la nuit », 2020-2024 : c’est le message en forme de faire-part publié sur le net par Midnight Train. La start up française espéraient lancer réinventer les trains de nuits et lancer des lignes de Paris à Rome, à Édimbourg, à Copenhague (via Bruxelles et Hambourg), Madrid et Porto. Elle a jeté l’éponge le 30 mai, faute de financement, succombant sous les rigidités du secteur ferroviaire, bien plus lourdes que la route et même l’aérien.

Les dirigeants de Midnight Train partagent sur leur site les raisons de cet arrêt. « Le ferroviaire n’est pas un “méga trend” et le train de nuit encore moins », relèvent-ils dans leur testament rédigé par Adrien Aumont, cofondateur (« ex-KissKissBankBank), à lire sur le site, sous le titre « Ici meurt la nuit ».

Un marché sous la main des anciens monopoles

Il estime que l’ouverture du marché ferroviaire est largement une illusion. « Les textes sont ouverts, mais dans les faits, le marché du ferroviaire s’est surtout ouvert à lui-même. Ce marché a été organisé par les pouvoirs publics pour leurs propres opérateurs historiques, pas pour faire réellement émerger de nouveaux acteurs. »

D’ailleurs la relance des trains de nuit est surtout le fait d’acteurs publics, comme la SNCF en France, ou ÖBB, qui relie Vienne à Bruxelles. Les héritiers de monopoles sont largement dominants. Les nouveaux venus sont rares. Le seul exemple est European Sleeper, qui relie Bruxelles à Prague via Amsterdam et Berlin. Contrairement à Midnight train qui souhaitait se faire construire des rames de nouvelle génération, European Sleeper a préféré démarrer avec du matériel ancien, avec l’objectif de passer à des rames rénovées.

Financement difficile

Enfin, les financements sont très difficiles à obtenir. « D’un côté, les fonds d’amorçage (venture capitalists) n’investissent pas dans des projets de temps long avec des actifs à opérer. C’est dommage, car ils savent accompagner les entrepreneurs dans leurs premières années. »

« De l’autre côté, les fonds d’infrastructure n’investissent pas dans de jeunes entreprises et ne s’intéressent que très peu au ferroviaire. C’est dommage, car ils savent investir dans des entreprises de temps long ayant des actifs importants sous gestion. »

Une délocalisation en Belgique ?

La Belgique a droit à une appréciation positive, car le ministre fédéral de la Mobilité, Georges Gilkinet, a reçu l’an dernier les dirigeants de la start up. « Il nous explique qu’il s’intéresse de près à Midnight Trains, qu’il aime le projet et qu’il aimerait que nous puissions un jour nous déployer sur le territoire belge » écrit Nicolas Bargeles, un des dirigeants de Midnight Express, juste après le rendez-vous. 

« S’ils peuvent nous aider à trouver les garanties dont nous avons besoin, nous sommes prêts à nous délocaliser au pays de Jacques Brel dans l’heure et à travailler sur les lignes dont ils ont besoin. »

Les poches vides de Georges Gilkinet

Mais le ministre ne peut pas les aider à trouver les garanties financières pour lancer les opérations. «Il a déjà vidé ses poches pour cette fameuse exemption des droits de péage ». Georges Gilkinet a obtenu une exemption du péage sur le rail belge pour les trains de nuit. « Pour rappel, en France, ils sont de 8 euros par kilomètre ».

L’Union européenne a mis fin aux monopoles ferroviaires, créé des réglementations pour faciliter la concurrence, et cherche à pousser le rail au nom du Green Deal. Les États cherchent aussi à pousser le rail, qui propose une mobilité plus verte, mais le secteur reste encore trop rigide et trop fermé aux nouveaux entrants. Dans les faits, l’ouverture profite surtout aux anciens monopoles qui vont ouvrir des lignes chez les voisins, comme la SNCF aux Pays-Bas, Trenitalia en France.

Le récit de toute l’aventure du projet Midnight Train figure sur le site de la start up sous la rubrique « Confidence ».

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