De Montreux à Interlaken, avec arrêt à Gstaad: en train vers le ciel
Grâce à une prouesse technologique, on peut relier en train direct Montreux à Interlaken, avec arrêt à Gstaad. Trois étapes qui valent bien une mini-escapade en Suisse, même si c’est pour portefeuilles avertis.
On connaît l’excellence suisse en matière de chemins de fer. Mais il est des voies plus fameuses que d’autres. Sur les bords du Léman, Montreux est le point de départ du MOB, à savoir le Chemin de fer Montreux Oberland Bernois qui gère la ligne historique (elle date de 1900) vers Interlaken. Avant d’embarquer, on peut y passer une journée de découverte…
Le long de la douce rive, des palmiers témoignent du microclimat local. En trois quarts d’heure de marche, on aboutit au château de Chillon, qui s’avance sur l’eau avec les sommets enneigés en toile de fond. Les Suisses le connaissent tous de nom mais bien peu ignorent que de l’autre côté de la route, un secret vient seulement d’être révélé au public: un fort militaire, tapi sous la montagne et camouflé par la falaise, qui a fait partie du système de défense suisse de 1940 à 1995. Aujourd’hui, on peut le visiter. De l’armurerie au réfectoire, du poste de commandement à l’infirmerie, on se promène dans un dédale de couloirs où l’on tombe sur des personnages plus vrais que nature. On s’y croirait.
Mais pas de Montreux sans Fairmont Montreux Palace. A l’époque, les touristes y logeaient plusieurs semaines et il fallait les divertir. On y trouve donc, dans un style Belle Epoque, un salon de bridge, un autre de poker, deux scènes et des salles gigantesques. Celles-ci ont vu aboutir la convention de Montreux sur la libre circulation dans les Dardanelles et le Bosphore (1936), ont abrité une réunion du groupe Bilderberg, un sommet de la francophonie, et jusqu’à aujourd’hui, des sessions du Jazz festival, véritable marqueur de la ville.
Aux étages, les larges couloirs évoquent une période “où il fallait permettre aux dames avec robes bouffantes de pouvoir se croiser sans se toucher”, explique notre guide. La chambre qu’a occupée Vladimir Nabokov est toujours présente, mais la clientèle russe a disparu. Le chanteur Freddy Mercury a vécu ses dernières années à Montreux, où il a même droit à sa statue. On peut dormir dans la suite 721 qu’il affectionnait. Au bar, un kimono est encadré, cadeau du chanteur à Claude Nobs, fondateur du Jazz festival dont la mémoire est vénérée depuis son décès il y a 10 ans.
Classe et discrétion
Le lendemain, sur une voie latérale de la gare de Montreux, on prend enfin place dans le train du MOB. Il existe trois versions: le Panoramic, le Belle Epoque, aussi appelé le “petit Orient Express”, et le Golden Pass Express. C’est celui-ci qui permet aujourd’hui d’accomplir tout le trajet sans devoir changer à Zweisimmen grâce à un boggie à écartement variable qui permet de passer de la voie métrique à la voie normale (1m43). Les Suisses ne sont pas peu fiers de cette prouesse, mise en œuvre seulement depuis décembre dernier.
Depuis le Léman, la montée du convoi est spectaculaire: en quelques minutes, et de larges courbes, on domine Montreux et le lac. Après avoir serpenté au milieu des maisons, des vignes, des prairies enneigées et dans des tunnels pendant 1h30, le train arrive à Gstaad, symbole de luxe et d’opulence, à l’image des boutiques Prada et autres Vuitton qui se succèdent dans la rue piétonne. La renommée du village doit beaucoup au chemin de fer, mais aussi à l’institut Le Rosey, légendaire pensionnat.
Sa majesté le Gstaad Palace, rendez-vous des stars, domine le village. Classe, intimité et discrétion sont les maîtres-mots. “Ces stars le sont surtout pour les autres, pas pour nous. On tient à les laisser tranquilles”, témoigne Michael, moniteur de ski. Un vestiairiste affable s’empressera de débarrasser le visiteur, même s’il ne fait que passer pour admirer le chaleureux salon et ses deux feux ouverts. Une porte vitrée donne sur une pièce logée dans une tourelle: c’est le fumoir, avec sa collection époustouflante de cigares. L’argent peut vite partir en fumée: le Cohiba Talisman 2017, “aux saveurs épicées, soutenues par des notes de poivre rose et de chocolat noir” est proposé à 890 francs suisses la pièce (même somme en euros). Epicée, la facture!
Un peu plus loin, The Alpina Gstaad. En auto, on y accède par un tunnel digne de James Bond. Même ambiance feutrée. Ce vaste refuge alpin propose en plus une retraite tibétaine, avec au programme un massage Kunye à base de compresses chaudes aux herbes Hor-Me ainsi que la thérapie Tsalung, “qui permet de restaurer le vent subtil et le flux énergétique”. Ce vent subtil fait voler les billets: 6.850 FS pour quatre jours. Tant qu’à faire, on peut ponctuer ce trip tibétain d’un thé vert Gyokoru Uji à 130 FS. Mais cessons de parler d’argent: les Suisses de Gstaad n’aiment pas ça, sauf pour parler du prix des chalets quand ça s’envole à 30 ou 40 millions… mais c’est plus de l’admiration que de la jalousie.
Retour au chemin de fer. Grâce au Swiss Travel Pass, on reprend le fameux train pour Interlaken, emprunté à plus de 80% par des touristes. Dans le Golden Pass Express, on peut opter pour la classe Prestige avec ses 18 sièges en cuir au confort personnalisable et service à table(tte) avec des produits régionaux. Passage par la gare de Zweisimmen où les essieux du train s’écartent comme par magie, et arrivée à Interlaken. Depuis Montreux, le trajet en direct aura duré 3h15, au lieu de 4 h auparavant.
Plus haute gare d’Europe
La ville d’ “entre les lacs” est entourée de montagnes et a préservé en son centre une immense pelouse de 1,6 km de pourtour, où atterrissent les parapentistes. Elle est aussi réputée pour ses magasins de montres de luxe, très prisées par les innombrables touristes asiatiques, surtout indiens. Un réalisateur de Bollywood qui a tourné à Interlaken a même droit à sa statue face au casino.
La ville est surtout le point de départ, toujours en train, pour accéder à la gare du Jungfraujoch, à 3.454 mètres d’altitude, la plus haute d’Europe, et qui a vu passer près de 625.000 visiteurs en 2022. De là, on a vue sur le plus grand glacier des Alpes, bordé de sommets à plus de 4.000 mètres, dans un site somptueux classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Comme une apothéose.
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