Bruxelles: pourquoi les vols de nuit redeviennent un problème

Boeing 737 © Getty Images

C’est une vieille querelle politique qui trouve un nouveau souffle. La discussion sur les vols de nuit et le Boeing 777 risquent bien d’être une grosse épine dans le pied des futurs gouvernement Bruxellois et Flamand.

Le récurrent dossier des vols de nuits au-dessus de Bruxelles, véritable poudrière politique, revient pour un tour de chauffe. Le point en trois questions:

Pourquoi parle-t-on à nouveau des vols de nuit ?

Merci les écologiques, ou plus précisément Georges Gilkinet (Ecolo), ministre de la Mobilité dans le gouvernement fédéral sortant. Il s’est lancé dans une véritable croisade contre les vols de nuit. Il a fait de la tranquillité nocturne des Bruxellois l’un de ses chevaux de bataille. Il a relancé un pavé dans la marre en annonçant qu’il ne voulait plus que l’entreprise de messagerie DHL utilise le Boeing 777 la nuit.

Cet avion-cargo dépasse en théorie les normes sonores. Ainsi selon un document du Médiateur fédéral de l’aéroport, la certification européenne du niveau sonore par mouvement de cet avion ne l’autorise pas à voler la nuit. Son “Quota Count” (QC) de bruit, certifié à 10,7, dépasse largement le maximum de 8 autorisé la nuit à Zaventem. Mais c’est en théorie seulement. Ce chiffre est en effet basée sur un poids de 348 tonnes. Or avec un poids maximum de 313 (soit avec des réservoirs moins remplis et une charge moindre), le Boeing 777 obtiendrait un QC (non officiel) de 7,7. De quoi le faire repasser sous les normes sonores. Une subtilité qui a permis à DHL d’avoir une dérogation pendant 10 ans.

Pour Gilkinet la fin de la clémence a sonné et il décide l’année dernière de mettre un terme à ce régime d’exception. Il donne alors l’instruction d’interdire aux appareils Boeing 777 d’atterrir ou de décoller de Zaventem.

Pourquoi le problème (re)surgit-il maintenant ?

Bien que cette instruction ait été élaboré au cours de l’été 2023, il semble que l’administration du trafic aérien ait tardé à la mettre en œuvre. Il faut dire que l’initiative de Gilkinet avait déjà alors tout du baroud solitaire et ne sera pas soutenu par le Premier ministre De Croo. Qu’importe le retard, la mesure devrait bel et bien entrer en vigueur dans les semaines à venir et on l’a fait savoir la semaine dernière.

Il n’en fallait pas plus pour déclancher la grogne du côté flamand où l’on craint surtout une perte d’emploi. Avec comme tête de proue le ministre flamand de la Périphérie (bruxelloise) Ben Weyts (N-VA). “C’est un coup direct porté à DHL, la seule entreprise à utiliser le Boeing 777 pour des vols de nuit à Brussels Airport”, a ainsi dit Ben Weyts. Ce dernier peut compter sur l’appui de la vice-ministre présidente Gwendolyn Rutten. Le gouvernement flamand a depuis donné son feu vert à l’activation d’une motion en conflit d’intérêts dans ce dossier.

Le timing et l’escalade doivent aussi beaucoup aux élections communales. Comme un boomerang, le sujet des vols de nuit revient presque systématiquement à l’approche des élections. Objet de nombreuses frustrations, ils sont une belle source de voix. Or pour les écologistes la capitale est un enjeu majeur puisqu’étant un des seuls endroits qui a “résisté” lors des élections de juin. De l’autre côté, on retrouve la N-VA qui souhaite à la fois préserver l’emploi et protéger les habitants de la périphérie qui risquent de pâtir d’un allègement des vols sur Bruxelles. Leur solution ? Que les avions passent au-dessus de Laeken, où se trouve le palais royal.

La question sera-t-elle enfin résolue ?

Rien n’est moins sûr. En Belgique, le gouvernement fédéral est seul compétent pour les niveaux de bruit émis par les avions. Les Régions sont compétentes pour les normes à l’immission, c’est-à-dire les limites de bruit perçu. Or force est de constater que depuis des décennies rien ou presque n’évolue sur ce dossier. Chaque tentative dans un sens ou un autre est systématiquement bloquée par d’interminables batailles juridiques et des amendes à foison. La faute à un cadre légal qui reste flou. Malgré ses promesses Gilkinet n’est en effet pas parvenu à faire adopter sa loi sur les routes aériennes et le bruit. En 2008, son prédécesseur Étienne Schouppe s’y était lui aussi cassé les dents. Autant dire qu’une interdiction sur les vols de nuit sur Bruxelles n’est pas prévue pour demain. Et que la question continuera à polluer régulièrement les débats politiques.

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