Avec plus de 450 millions d’abonnés sur YouTube, MrBeast règne sur la plateforme. Mais sa prochaine ambition pourrait bien dépasser largement la sphère du divertissement : une introduction en bourse de Beast Industries.
À seulement 27 ans, Jimmy Donaldson, alias MrBeast, s’est bâti un empire qui dépasse largement sa chaîne YouTube. Ses vidéos, traduites en plus de vingt langues et cumulant au minimum la centaine de millions de vues, génèrent des revenus publicitaires colossaux. Pourtant, le cœur de sa stratégie n’est plus YouTube, mais Beast Industries, fondée en 2021.
Une valorisation qui explose… et ouvre la voie à Wall Street
Valorisée 1,5 milliard de dollars lors d’une précédente levée de fonds, Beast Industries a franchi en 2024 le seuil des 5 milliards de dollars, selon Bloomberg. Une trajectoire fulgurante qui renforce la crédibilité d’un scénario désormais évoqué au plus haut niveau : une IPO.
Interrogé au DealBook Summit, Jeffrey Housenbold – l’ancien dirigeant de Shutterfly, désormais recruté pour mettre de l’ordre dans la maison Beast – a confirmé l’hypothèse.
« À terme, nous souhaitons offrir aux 1,4 milliard de personnes ayant visionné les contenus de Jimmy au cours des 90 derniers jours la possibilité de devenir actionnaires de l’entreprise », a-t-il déclaré.
Derrière la formule séduisante, un défi : préparer Beast Industries à l’examen minutieux imposé aux sociétés cotées, notamment en matière de rentabilité, un point faible pour l’instant.
Une IPO pour une personnalité du divertissement sur Internet est très rare, car cela engage la réputation de sa marque. Or, lorsqu’il y a des fonds en jeu, se lancer en bourse est très risqué, contrairement à lancer une boisson énergisante ou une ligne de vêtements, a confié à Business Insider Josh Gerben, avocat spécialisé en droit des marques.
Un empire diversifié… mais coûteux
Beast Industries est aujourd’hui un mastodonte aux activités multiples. La marque de barres chocolatées Feastables, distribuée mondialement, serait plus lucrative que la chaîne YouTube elle-même et que le programme Beast Games diffusé sur Prime Video, dont l’entreprise est productrice.
L’entreprise cofinance également les vidéos du créateur, dont le budget atteint en moyenne 3,5 millions de dollars par production – un modèle qui rend MrBeast de plus en plus dépendant de ses activités hors YouTube. En 2024, les revenus publicitaires (224 millions de dollars) n’ont pas suffi à couvrir les dépenses médias (344 millions), ce qui a pesé sur la rentabilité globale de Beast Industries.
D’où la nomination de Housenbold, chargé de rationaliser la structure pour préparer une éventuelle cotation.
Une IPO pour assurer son avenir
Une rationalisation nécessaire, au vu des projets de nouvelles activités. La rumeur veut en effet que Beast Industries lance une plateforme mettant en relation créateurs et spécialistes du marketing, une offre de téléphonie mobile ainsi qu’une plateforme de services financiers. Il a également inauguré un parc d’attractions en Arabie saoudite en novembre – symbole d’une ambition désormais globale. Autant de projets qui exigent des capitaux considérables et renforcent la logique d’une future introduction en bourse, afin de financer cette expansion à grande échelle.
Mais cette diversification répond aussi à une stratégie plus terre à terre : MrBeast prépare son avenir au-delà de YouTube. Une démarche suivie par d’autres grands youtubeurs. Car ses vidéos au budget pharaonique – construire 100 puits en Afrique, bâtir 100 maisons pour les offrir, ou encore reconstituer « Squid Game » pour 456 000 dollars (888 millions de vues) – nécessitent un niveau d’investissement financier et créatif de plus en plus difficile à soutenir. Aller toujours plus loin coûte cher, mobilise des équipes massives et demande des idées constamment renouvelées.
Cette pression permanente a un prix, même pour un créateur de 27 ans. Jimmy Donaldson a plusieurs fois évoqué l’épuisement et le stress liés à ses tournages et la gestion de ses différents projets, renforcé par la maladie de Crohn dont il est atteint, une affection inflammatoire chronique qui pèse sur son quotidien.
D’autant que tout n’a pas été couronné de succès. Le fiasco de sa marque de burgers – dénoncée par des clients pour sa qualité « immangeable » – a débouché sur une bataille judiciaire entre Beast Industries et Virtual Dining Concepts, chaque partie accusant l’autre d’avoir porté atteinte à son image ou à son activité. Par ailleurs, le créateur est régulièrement critiqué pour les conditions de tournage des participants à ses vidéos, mais surtout monétiser des situations de détresse humaine, notamment via Beast Philanthropy, accusée par certains de transformer la pauvreté en spectacle.
Un potentiel inédit
L’idée d’une entreprise portée par un créateur YouTube entrant en bourse n’est pas sans précédent. Pinkfong, la société derrière le phénomène « Baby Shark », l’a fait en Corée. Mais MrBeast, en vue de son influence et de son succès, serait certainement le premier à en faire une véritable success-story de grande ampleur.