Les restaurateurs et le ” hold-up ” sur les aides corona
C’est la polémiquedont nous pouvions nous dispenser. Selon une étude de l’économiste écolo Philippe Defeyt, 45% des cafetiers, restaurateurs et traiteurs bénéficient, avec les aides Covid, d’un revenu supérieur à ce qu’ils percevaient avant la crise. Pierre-Frédéric Nyst, le président de l’UCM, a immédiatement réagi: ” Sortir pour dire cela en période de crise, au moment où les cafetiers et les restaurateurs sont totalement à l’arrêt, c’est mettre de l’huile sur le feu “. Philippe Defeyt s’est défendu en ne mettant pas en cause les aides à ces indépendants, mais en disant que son étude n’avait qu’un seul objectif: ” mieux les calibrer “.
Si rien n’était fait pour celles et ceux qui acceptent de prendre des risques, quel message allons-nous laisser à la jeunesse qui voudra entreprendre demain?
La polémique arrive juste après le suicide de cette jeune coiffeuse indépendante de Liège, Alysson Jadin, et suscite un malaise non pas sur son contenu, même s’il mérite d’être fortement nuancé, mais sur son timing. Bien entendu, les deniers publics sont rares et il faut s’assurer que les aides gouvernementales ne sont pas captées par des personnes qui n’en ont pas besoin, quel que soit leur statut. Mais au-delà de la nuance, la polémique tombe mal. Elle pourrait raviver les a priori des uns envers les autres à un moment où la cohésion nationale est cruciale pour lutter contre ce virus.
Pour rester dans la caricature, avant la pandémie, certains salariés du privé considéraient les salariés du public comme des planqués ou des fainéants. Et les mêmes salariés, quel que soit leur statut, pouvaient considérer que beaucoup d’indépendants étaient des fraudeurs fiscaux en puissance. Bien sûr, la crise venue, le regard porté sur les indépendants a totalement changé. Parce qu’on s’est rendu compte qu’en cas de pandémie, ils n’avaient pas de parachute et étaient les deuxièmes victimes du Covid-19 après les malades.
N’oublions pas,comme le fait remarquer l’économiste Alain Minc, que nous avons aussi choisi collectivement ” d’éviter des morts visibles aux dépens de morts invisibles “. En d’autres mots, les commerçants et autres restaurateurs feront partie des morts invisibles qui seront ensevelis dans le cadre des prochaines faillites. Déjà qualifiés péjorativement de secteur ” non essentiel “, les cafetiers, restaurateurs et traiteurs ont l’impression qu’on leur reproche aussi un ” hold-up ” sur les deniers publics, pour reprendre l’expression de l’UCM.
Pareil ressenti est sans doute excessif car ce n’était pas l’objet premier de cette étude. Pour calmer les esprits, rappelons que la sortie de crise ne pourra se faire sans encourager l’entrepreneuriat. Si rien n’était fait pour celles et ceux qui acceptent de prendre des risques, quel message laisserions-nous à la jeunesse qui voudrait entreprendre demain? D’autant que c’est une évidence: demain, tout le monde sera salarié et indépendant plusieurs fois dans sa vie. Donc, à quoi bon s’étriper sur la place publique alors même que notre devise nationale, ” l’union fait la force “, nous préconise de ne pas nous diviser.
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