Les géants du sport se livrent un combat de titans
Une lutte intense fait rage depuis des années entre les deux grands noms du secteur, Nike et Adidas. La rivalité est actuellement symbolisée par la volonté d’être coûte que coûte le premier à faire courir un marathon sous les deux heures (” Breaking2 “). Le 6 mai, sur le circuit de Monza, chaussé des Nike Zoom Vaporfly 4 % spécialement conçues pour l’occasion, Eliud Kipchoge s’en est énormément rapproché avec un temps de 2.00.25. Mais Adidas a affirmé entre-temps avoir développé une chaussure spéciale (Adidas Adizero Sub2) qui doit permettre de réaliser l’exploit.
Rihanna et Bolt
La concurrence intense que se livrent Nike et Adidas ferait presque oublier la présence d’autres acteurs dans ce secteur. Puma, l’entreprise de l’autre frère Dassler (Rudolf, Adidas ayant été fondé par Adi Dassler), est également en très bonne forme : au dernier trimestre 2016, son chiffre d’affaires (CA) a passé le cap du milliard d’euros pour la première fois de son histoire. Il pourrait ainsi dépasser les 4 milliards d’euros pour la première fois cette année. Avec l’aide de superstars comme Rihanna et surtout le sprinter Usain Bolt, le bénéfice net de Puma pourrait doubler à 115 millions d’euros cette année. Mais s’il reste loin des bénéfices record réalisés il y a une dizaine d’années, le signal est fort : Puma ne se laisse plus acculer dans les cordes par son grand frère Adidas.
Adidas est de toute manière plus grand. Il a réalisé un CA de près de 20 milliards d’euros l’an dernier, soit environ cinq fois plus que Puma. Le bénéfice net d’Adidas (1 milliard d’euros) est même dix fois plus élevé que celui de Puma. Il correspond aussi à 5 euros par action. Pas mal pour une entreprise qui produisait initialement des bottes pour la Wehrmacht. Pour 2017, Adidas table sur une hausse du CA de 11 à 13 % à cours de change constant et une hausse du résultat net de 18 à 20 %, soit 1,2 à 1,225 milliard d’euros. Lors de la publication des résultats annuels, le géant du sport a annoncé vouloir accélérer la croissance du CA et du bénéfice jusqu’en 2020.
Aux États-Unis, tout est ” bigger “. Y compris dans le secteur de l’équipement sportif. Nike a ainsi réalisé un CA de quelque 32 milliards de dollars en 2016. Cette année, le bénéfice passera pour la première fois la barre des 4 milliards USD. Adidas est historiquement moins présent que Nike en Amérique du Nord, mais l’entreprise allemande veut changer la donne. Et elle a plusieurs atouts à faire valoir. Notamment les chaussures de sport rétro comme la Stan Smith et la Superstar que portent aujourd’hui les hipsters du monde entier.
Adidas a également développé la Boost. Cette chaussure est équipée d’une semelle médiane spéciale entre les semelles intérieure et extérieure qui amortit la plupart des chocs. Une innovation très appréciée, surtout dans les nouvelles chaussures de course d’Adidas. Et c’est précisément le principal marché de Nike. Ces dernières années, Adidas a surtout misé sur le football, mais avec la Boost, les Allemands s’attaquent à Nike dans le domaine des chaussures de course en Europe occidentale, en Chine et… aux États-Unis.
Offensive américaine
Kasper Rorsted, le nouveau directeur (CEO) d’Adidas, veut avant tout améliorer la rentabilité de Reebok. Cette entreprise américaine a été rachetée en 2007 pour concurrencer Nike dans les chaussures de course sur son marché domestique. Reebok y est la marque des vêtements de fitness par excellence. Elle apporte actuellement 10 % du CA total d’Adidas.
Pour contrer Nike sur le marché du golf, Adidas avait déjà racheté Salomon Group en 1997. Cette entreprise spécialisée dans le matériel de ski et surtout le matériel de golf – avec la marque Taylormade – représente aujourd’hui 5 % du CA total d’Adidas. Le nouveau CEO veut la développer. Mais ce ne sera pas simple. Les marges ne sont pas très élevées dans le golf. Nike a même arrêté la production de clubs de golf, et se concentre désormais uniquement sur les vêtements de golf. Le porte-étendard de Nike, l’ancien numéro 1 Rory McIlroy, est même passé aux clubs de golf du concurrent Taylormade.
Actuellement, Adidas réalise environ 30 % de son CA en Europe, 15 % en Amérique du Nord, 1,7 % en Chine, 3 % en Russie, 8 % en Amérique latine et 5 % au Japon. La Chine est un débouché très rentable pour Adidas, mais les marges s’améliorent également en Russie. Les Russes avaient subi une baisse considérable du pouvoir d’achat de leurs roubles en 2015. La situation s’est améliorée depuis.
Kasper Rorsted était auparavant actif chez Henkel, où il avait réussi le lancement de Persil et Schwarzkopf sur le marché américain. Il a été embauché par Adidas pour rééditer ce tour de force. L’augmentation du budget marketing à 13 à 14 % des revenus est un premier pas dans l’intensification de l’offensive américaine.
Biens de luxe en Chine
Et Nike, qui réalise 45 % de son CA aux États-Unis, pourrait en souffrir. C’est peut-être la raison pour laquelle la marque américaine veut investir davantage au cours des années à venir sur un marché chinois en forte croissance. La croissance s’y écrit déjà à deux chiffres. Nike veut maintenir le rythme. Les vêtements de sport y sont considérés comme des biens de luxe ; des marges bénéficiaires de 30 % et plus y sont normales.
Nike s’est retrouvé dans l’oeil du cyclone ces dernières années, accusée de produire une partie de ses vêtements dans des pays à bas salaires. On lui a également reproché de faire travailler des enfants. Des activistes ont même détourné le slogan Just do It en Nike Don’t do It. Les Américains ont ainsi été contraints de quitter des pays comme le Pakistan et le Cambodge. Il en a résulté immédiatement une forte hausse des coûts de production.
Nike attend beaucoup de la technologie flyknit. Utilisée dans de nombreuses chaussures, elle entraîne une baisse énorme des coûts de production. De plus, Nike veut de plus en plus vendre directement aux consommateurs pour éliminer les intermédiaires qui s’approprient une grande partie des marges.
Le problème est évidemment que les concurrents comptent également suivre cette voie. Eux aussi essaient de plus en plus de vendre en ligne. Eux aussi misent de plus en plus sur les vêtements de sport pour dames. Même l’entreprise relativement jeune Under Armour pousse Nike dans ses derniers retranchements aux États-Unis. Nike doit donc intervenir. Les coûts vont sans doute baisser d’eux-mêmes cette année. Une année olympique, comme l’an dernier avec Rio, coûte énormément d’argent au département marketing de Nike. Aucun événement sportif de cette ampleur n’est au programme cette année.
Par ailleurs, Nike veut maintenir voire consolider sa position dominante dans les chaussures de basket-ball. Elle n’a cependant guère de marge de croissance. Nike possède déjà 90 % du marché aux États-Unis. De plus, sa grande tête d’affiche, Michael Jordan, a arrêté le basket. Et dans ce segment aussi, Under Armour convoite une plus grande part du gâteau.
Le CA de Nike provient à 55 % de l’étranger. L’Europe est son premier débouché (hors États-Unis) avec 18 % des ventes. Le dollar fort a porté préjudice à l’entreprise l’an dernier. Dans les pays émergents, la situation est moins favorable. Le CA n’y a progressé que de 6,5 %, alors que la marque enregistrait encore une croissance de 8 % l’année précédente.
Paru sur initiedelabourse.be le 2 juin
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