Le portrait du diable

Joseph Denize, " Quand on parle du diable ", éditions Julliard, 544 pages, 21 euros. © PG

Pour Aimé Grandin, rien ne va plus. La mort de son ” oncle “, Géo Grandin, lui révèle avec surprise la vraie vie de celui-ci. Peintre dans le Paris de 1917, celui qui l’a élevé n’est autre qu’un faussaire reconnu sur les marchés parallèles de l’art. Le décès de Géo serait-il dès lors lié à ses affaires surprenantes ? En d’autres termes, serait-on face à un meurtre ?

Aimé, retenu par sa propre vie de bon à rien sympathique qui a tourné fripouille, n’est pas préparé à ce qu’il va découvrir. Un mystérieux tableau semble concentrer des convoitises méphistophéliques. Et s’il ne s’agissait que de ça ! Mérie, la jeune et jolie infirmière qu’il fréquente depuis peu, timide mais charmante lors de leur rencontre, se montre bien plus entreprenante. Ce n’est pas pour déplaire au jeune homme, mais il voit rouge quand il surprend sa douce au bras d’un autre. Merie aussi sent sa vie basculer, avec cette sensation étrange que son corps, lui, est neuf.

On suit ainsi les soucis d’Aimé Grandin sur fond d’une France en guerre, mais dans un Paris relativement préservé des combats. C’est d’abord à distance des tranchées meurtrières que s’ourdit une mystérieuse machination, faite d’occultisme et de pouvoirs dépassant l’entendement. Car si l’histoire nous amène bien sur la ligne de front, ce ne sont pas les obus de l’ennemi qu’il faudra craindre en premier, mais bien des forces d’un autre monde.

A la lecture de Quand on parle du diable, on pense à la littérature populaire à cette époque, celle qui se déploie en romans-feuilletons dont les héros sont Fantômas et autres Rouletabille. Le livre de Joseph Denize lorgne lui davantage le fantastique. L’auteur évoque ses maîtres : Poe, Lovecraft, King, Campbell, ou encore Cortazar, et surtout Boulgakov. ” Il m’a séduit, adolescent, notamment avec Le Maître et Marguerite “, cite-t-il. Un roman en trois temps à l’instar de ce premier livre, visant la richesse de l’action et de l’environnement dans lequel l’auteur russe plaçait son récit fantastique en pleine Russie stalinienne. Joseph Denize jette aussi un regard sur l’époque d’alors, soignant ses descriptions du Paris de la Grande Guerre. Vivant à Florence depuis plusieurs années, l’écrivain rend un hommage à sa ville natale et de coeur. ” En effet, ce n’est pas seulement la guerre qui m’intéresse mais aussi me plonger dans ce Paris des années 1910, en m’étant beaucoup documenté et en ravivant des parties de la ville qui n’existent plus aujourd’hui. Enfin, j’ai pris un énorme plaisir à côtoyer des personnages fascinants. ”

Les armes détruisent les corps, les images pétrifient les esprits.

Ceci n’est pas à proprement parler un roman historique, mais un roman dans l’Histoire, convoquant les biographies de personnalités authentiques telles que Max Jacobs, Modigliani, Mata Hari, Méliès, le franc-maçon Crowley, etc. De peinture et de rituels sataniques, il en est d’ailleurs grandement question dans cette course-poursuite au tableau magique, les images et les effets qu’elles ont sur nous constituant le thème central du roman. ” Les armes détruisent les corps, les images pétrifient les esprits, synthétise Joseph Denize. Regardez d’ailleurs la mondialisation des esprits par les écrans aujourd’hui “, précise-t-il.

Si Quand on parle au diable est le premier roman du Français, l’homme n’est pas un novice de l’écriture. D’abord actif dans la publicité, il s’est aussi essayé au scénario de courts métrages et d’un long métrage, La Vie de château, en 2017. Son style efficace joue sur le rythme de l’action, le panel de personnages et le soin apporté à la reconstitution de l’époque, des ingrédients à mettre au bénéfice d’une fresque qui réjouira tant les amateurs d’ambiances historiques que les aficionados du fantastique.

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