Le pari de Tastyoo, une start-up mariée à Delhaize
La livraison de nourriture à domicile excite toujours autant les entreprises de la tech. Et désormais aussi le secteur de la distribution… A côté de l’offre cuisinée dans les restos, certains acteurs voient un marché dans la livraison de plats préparés. Au point que Delhaize s’y lance en coentreprise…
Des plats cuisinés maison livrés gratuitement à domicile. Voilà la promesse de la start-up Tastyoo qui a démarré son marketing sur les réseaux sociaux il y a quelques jours. Bien sûr, la période semble propice alors que les Belges sont soumis à un couvre-feu et à la fermeture des restaurants et des cafés. Des pokes, des tagliatelles truffées, des boulettes à la liégeoise ou encore des linguine pomodoro sont quelques-uns des plats proposés par l’entreprise. Ceux-ci sortent d’un atelier situé dans le quartier de la Bascule, à Uccle. Une sorte de dark kitchen, comprenez une cuisine sans la salle du resto. Une pratique qui s’est répandue avec l’arrivée des systèmes de livraison à domicile comme Deliveroo et Uber Eats. Sauf qu’ici, ” nous assurons nous-même toute la livraison et ne passons pas par un acteur externe, précise Julie Serron, l’une des responsables de Tastyoo. Nous disposons de nos propres livreurs car les marges demandées par les services de livraison sont trop élevées. ” Les plats sont froids et prêts à être réchauffés. Et comme le rayon de livraison ne dépasse pas 2 km autour du point de présence des livreurs, la livraison est ” instantanée “. Ou presque. C’est en tout cas la promesse de la jeune pousse.
En 2021, notre ambition est de nous développer dans les autres grandes villes belges.”Julie Serron, cofondatrice de Tastyoo
Sa cible? Les citadins connectés qui veulent se simplifier la vie et bien manger grâce à des produits frais et de saison. Pour l’instant, la zone de livraison est encore très réduite. Rien d’étonnant, la start-up n’a démarré le service qu’il y a deux semaines. Mais, ” très prochainement, nous ouvrirons deux nouveaux points logistiques à Dansaert pour couvrir le centre de Bruxelles et une partie du nord, et Fort Jaco”, insiste Julie Serron. ” D’autres points sont envisagés dans un futur proche afin de desservir la totalité de la ville. En 2021, notre ambition est de nous développer dans les autres grandes villes belges. ”
Delhaize à 80%
Même si cela semble être les débuts de l’aventure Tastyoo, le projet a démarré voici environ deux ans et demi dans le Brabant wallon. A ce moment déjà, la promesse était de la livraison de plats à domicile. Mais la province a surtout servi de phase de test car pour vraiment faire décoller l’activité, ” il faut une zone de chalandise très dense “, précise Julie Serron. En parallèle, suite au départ d’un investisseur, Tastyoo commence à proposer ses plats préparés dans un atelier de Waterloo à différentes enseignes, dont Delhaize. ” Une question de survie “, admet la cofondatrice. Mais la proposition ne manque pas d’intérêt pour la jeune pousse: à l’inverse de la livraison, la vente en boutique permet d’anticiper et de produire après la commande… La collaboration avec l’enseigne au lion se passe donc plutôt bien. Et des discussions stratégiques s’engagent.
Début octobre 2019, une nouvelle structure est créée derrière le nom commercial Tastyoo. On y trouve les trois responsables ainsi que le groupe Delhaize. Le capital de la société est de 275.000 euros dont 220.000 euros apportés par le géant de la distribution qui détient 80% de l’entreprise. ” Delhaize possède la majorité mais nous restons très libres de développer notre concept, d’expérimenter nos idées, insiste Julie Serron. Les décisions stratégiques sont toujours discutées avec le groupe Delhaize. Ils nous apportent leurs conseils et leur expertise du marché. ” Et Delhaize continue de proposer les plats préparés par Tastyoo dans ses magasins.
Ceci étant, ces plats et ceux de la livraison ne sont pas tout à fait identiques. Les modes de production ne sont en effet pas les mêmes et les contraintes non plus. Pour la livraison, les procédures sont proches de ceux de l’horeca, tandis que pour la vente en boutique, elles répondent aux normes de l’agroalimentaire et nécessitent une DLC (date limite de consommation) de quatre jours ainsi que des normes de qualité bien spécifiques en matière de production.
Un marché en croissance
Mais pour Tastyoo, pas de doute: le core business demeure les “livraisons instantanées” chez le consommateur. Un concept qui devrait, selon les fondateurs de la start-up, continuer à croître dans les années à venir. Le défi pour la petite équipe consiste désormais à démontrer la “traction”, c’est-à-dire l’intérêt du public pour son service. Et prouver que son modèle est viable car les marges semblent réduites: les plats vendus tournent autour de 6 à 8 euros. Et Tastyoo offre la livraison… “Ce sont des prix justes, commente la cofondatrice. Il s’agit évidemment d’un business de volumes.”
Tastyoo n’est pas la seule sur ce créneau. Colruyt a lancé voici quelques mois Rose Mary, un service du même genre mais avec des livraisons moins rapides: commande avant midi pour livraison le soir. Et d’autres, par le passé, s’y sont cassé les dents. La start-up Kamoon, fondée en 2017, présentait à peu près le même modèle et avait d’ailleurs séduit des investisseurs comme le fonds BelCube constitué par Jean-Guillaume Zurstrassen et Grégoire de Streel, anciens fondateurs de Skynet et Keytrade. Ces derniers avaient injecté 200.000 euros dans la start-up qui a finalement rendu les armes. ” Depuis lors, le marché a considérablement évolué, boosté par des acteurs de la livraison de repas comme Deliveroo et Uber Eats, remarque Julie Serron. On n’a jamais vu autant de livreurs. C’est entré dans les moeurs du consommateur. ”
Et à y regarder de plus près, les différences sont nombreuses entre Tastyoo et son prédécesseur malheureux. D’abord, les prix. Kamoon vendait ses plats entre 10 et 15 euros. Chez Tastyoo, le client s’en sort pour 6 à 8 euros. Ensuite, à l’inverse de Kamoon, Tastyoo dispose aussi d’autres sources de revenus que la vente au particulier. D’abord, on l’a dit, il y a les plats vendus dans une vingtaine de Delhaize, avec l’espoir d’augmenter ce nombre encore cette année. Mais la start-up prévoit aussi de proposer son service aux entreprises en mode ” cantine virtuelle ” (idéal pour une forme de récurrence) et lancera prochainement des box comprenant les repas déjà préparés pour la semaine. La cible: les citadins qui aiment le concept de boîte repas (comme Hello Fresh ou eFarmz) mais ne veulent pas cuisiner. Et puis, bien sûr, Tastyoo peut s’appuyer sur le groupe Delhaize. La start-up ne devra probablement jamais chercher de nouveaux investisseurs et pourrait, à terme, communiquer via les canaux de l’enseigne au lion. Reste à voir si tout cela suffira pour imposer ce nouveau service.
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