Le “metaverse” et notre décadence
La presse économique anglo-saxonne en parlait depuis quelques semaines déjà, mais maintenant, c’est officiel: le premier réseau social mondial a changé de nom, il ne s’appellera plus Facebook mais Meta. Bien entendu, le logo changera aussi: il aura la forme du signe de l’infini mais légèrement déformé pour évoquer la lettre M, comme Meta. Reste à s’interroger sur le timing de cette annonce (jeudi 28 octobre).
Ce changement de nom arrive à un moment où Facebook subit énormément de critiques et est dans le collimateur des députés américains suite aux révélations d’une de ses anciennes employées. Mais attention: ceux qui croient que ce changement de nom n’est qu’une diversion se trompent. D’abord parce que les critiques ont beau pleuvoir sur Facebook, l’argent continue de couler à flot. La preuve, entre juillet et septembre, Facebook a réalisé 10 milliards de dollars de bénéfices, un montant en hausse de 25%! Ensuite parce que Mark Zuckerberg veut montrer que les activités de l’ex-Facebook seront plus diversifiées à l’avenir. Bref, qu’il n’est plus seulement un réseau social.
Hier encore, nous inventions le feu, la roue, le frigidaire, l’avion, la voiture. Aujourd’hui, l’un des hommes les plus riches du monde nous parle d’avatars à habiller…
Le message est aussi destiné aux jeunes qui ont déserté Facebook, en faveur de TikTok par exemple. Pour faire simple, en changeant de nom et en choisissant celui de Meta, Mark Zuckerberg nous explique que le monde de demain sera virtuel. Que nous vivrons dans ce qu’il appelle le “metaverse”, un nom emprunté à la littérature de science-fiction. Via notamment des lunettes adaptées, nous aurons ainsi une vie virtuelle immersive non seulement dans les jeux, comme c’est déjà un peu le cas aujourd’hui, mais Meta veut introduire ce monde parallèle dans les événements, le sport, le travail et même les rapports amoureux.
Mark Zuckerberg a expliqué lors de sa conférence – virtuelle – que demain, un télétravailleur “pourra assister à une réunion en réalité virtuelle grâce à un avatar hyper-réaliste, discuter avec l’hologramme d’un de ses collègues grâce à des lunettes de réalité augmentée et travailler sur ses dossiers sans être devant son ordinateur”. Le patron de l’ex-Facebook ajoute même “que les avatars deviendront aussi communs que les photos de profils aujourd’hui, mais ils produiront des interactions beaucoup plus riches grâce aux expressions faciales et au langage du corps”. Bien entendu, comme le commerce n’est jamais loin, nous pourrons – merci Meta – habiller nos avatars grâce à des objets virtuels qu’il faudra payer.
En réalité, Facebook a aussi compris qu’il était à la merci d’Apple. Motif? En proposant aux utilisateurs de l’iPhone de ne pas être suivis via leurs données, Facebook perd de l’argent avec son modèle publicitaire, vu que la majorité des détenteurs de la nouvelle version de l’iPhone cochent l’option “ne pas suivre”. Bien entendu, Apple ne truste pas à lui seul l’ensemble du marché des smartphones, mais sa clientèle est celle dont le pouvoir d’achat est le plus élevé. Résultat, demain, avec ses lunettes connectées, Meta espère que l’entrée du net ne sera plus le PC comme c’était le cas hier, ni le smartphone aujourd’hui, mais des lunettes ou d’autres objets connectées fabriqués et commercialisés par Meta.
Livrée comme telle, l’information sur l’arrivée de Meta laisse pantois. Hier encore, nous inventions le feu, la roue, le frigidaire, l’avion, la voiture. Bref, autant d’inventions dont l’utilité n’est plus à démontrer. Aujourd’hui, l’un des hommes les plus riches du monde nous parle d’avatars à habiller comme de vulgaires gamers. Soit c’est une forme de décadence de notre civilisation, soit je suis has been.
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