Largo Winch est de retour pour une 21e aventure
Largo Winch. Le “James Bond” de la finance revient pour une nouvelle aventure. Personnage de roman créé en 1973 par Jean Van Hamme, puis adapté en 1990 en bande dessinée avec la collaboration du dessinateur Philippe Francq, Largo Winch inspire des millions de lecteurs depuis plus de 40 ans. Il est de retour dans “L’étoile du matin”, l’épisode 21 de cette série à succès.
” Puissant, avez-vous dit? ? C’est vrai. De la fortune pétrolière héritée de mon père, j’ai fait un empire. Le Groupe W. Le plus grand conglomérat d’entreprises multinationales jamais possédé et dirigé par un seul homme? ! ” Assis dans une chaise roulante, un vieil homme fixe l’étendue des gratte-ciels de New York qui se dressent sous ses yeux. C’est Nerio Winch, le père adoptif d’un des businessmen les plus populaires de la bande dessinée. En face, revolver en main, muni d’un silencieux, un mystérieux smoking noir le tient en joue. Les premières cases de l’album L’héritier , le premier de la série paru en 1990, vont projeter Largo à la tête d’un empire industriel qui servira de décors aux 21 prochains tomes parus jusqu’ici.
Une illustration à succès du monde industriel et économique avec, comme toile de fond, l’aventure. Un groupe imaginaire actif aujourd’hui dans des secteurs variés : banque & finance, marine marchande, grande distribution, radio & télévision, hôtellerie, mines & métallurgie, aviation, pétrole, etc. Un univers romanesque inventé par le Belge Jean Van Hamme en 1973 et décliné en BD avec la collaboration de Philippe Francq en 1990. Ce 6 octobre 2017, Largo Winch, l’héritier de Nerio, vit sa 21e aventure, L’étoile du matin. Un album qui marque plusieurs ruptures.
Jean Van Hamme se retire
En juillet 2015, Jean Van Hamme arrête d’écrire les aventures du célèbre milliardaire. Philippe Francq, dessinateur, souhaite poursuivre la série et fait appel à Eric Giacometti. ” L’aventure a commencé par un simple coup de fil “, confie le nouveau venu. Journaliste d’investigation puis responsable de la cellule économique du journal Le Parisien / Aujourd’hui en France jusqu’en 2012, le Français est aussi un auteur de thriller. Il a notamment créé le personnage du commissaire Antoine Marcas en 2005. Des livres coécrits avec Jacques Ravenne, également adaptés en bandes dessinées. Ses polars se sont vendus à 2,5 millions d’exemplaires et ont été traduits dans 18 pays. Il se consacre aujourd’hui entièrement à l’écriture de livres et de scénarios. Avec L’étoile du matin, Philippe Francq et Eric Giacometti signent une nouvelle intrigue purement financière, la troisième de la série, après les diptyques OPA/Business Blues et Le Prix de l’argent/La Loi du dollar.
Dans ce 21e opus, Largo Winch est victime d’une véritable machination. Une de plus. Le milliardaire n’a en effet pas été épargné dans ses précédentes aventures. Logée dans la City, le quartier des affaires de la capitale britannique, la tour Winch a failli être réduite en cendres dans 20 secondes, l’album précédent. Ciblé par un attentat, Largo échappe de peu à la mort. Aujourd’hui, il cherche à identifier le mystérieux commanditaire de l’attentat. ” Les deux albums précédents ne clôturaient pas l’intrigue “, explique Philippe Francq. Mais ne croyez pas que L’étoile du matin répondra à toutes vos questions. Bien au contraire. Alors que Largo poursuit son enquête, l’homme d’affaires est rattrapé par un nouveau complot visant à le mettre à terre.
Largo date des années 1980. Tous les avocats d’affaires avaient des circuits ‘légaux’ pour faire évader l’argent du pays où il était gagné et le mettre à l’abri dans un paradis fiscal.” – Philippe Francq dessinateur de la BD “Largo Winch”
“Flash crash”
20.300, 20.100, 19.900, 19.800, 19.700, 19.600, 19.500. En quelques minutes, ce matin-là, le cours du Dow Jones s’effondre à la Bourse de New York. ” L’indice a perdu 900 points en six minutes. Que se passe-t-il ? “, s’interroge une journaliste télé dans une des cases de l’album. Soudain, le cours remonte à nouveau. 19.550, 20.200, 20.300, 20.620. Quelques pages plus loin, un responsable du gouvernement américain s’exclame : ” On a frôlé l’Apocalypse à New York ce matin. 1.000 milliards de dollars qui s’évaporent et réapparaissent en moins d’une demi-heure “. Wall Street vient de vivre un flash crash, un krach boursier éclair. Une crise qui est loin d’être une fiction. Le 6 mai 2010, un événement similaire se produisit à la Bourse de New York. Entre 14h41 et 14h45, le Dow Jones perd subitement 1.000 points avant de reprendre des couleurs. Qui est le coupable? ? Plusieurs pistes sont évoquées, comme celle de ce trader britannique, Navinder Sarao, qui aurait manipulé le marché. Ou celle des sociétés de trading à haute fréquence, des entreprises qui réalisent des centaines de milliers d’opérations financières par seconde grâce à de puissants ordinateurs. Plus de 18.000 en un battement de cil, soit en 0,3 seconde, écrivait Mikael Petitjean, associate professor of finance à la Louvain School of Management et aux Fucam, en 2011, dans L’Echo. Plusieurs études ont par la suite écarté la responsabilité de ce trader et des sociétés de trading à haute fréquence comme cause principale de ce crash. C’est un ordre de vente massif et un climat tendu sur les marchés financiers qui sembleraient en être la cause. Ce jour-là, la crise grecque fait la une de l’actualité. Une société de gestion de fonds, Waddell & Reed, ordonne la vente de 75.000 contrats boursiers américains, d’une valeur totale de 4,1 milliards de dollars. Cet ordre a déséquilibré le marché. Subitement, il y eut davantage d’offres de vente que d’acheteurs. La plupart des acteurs, qu’ils soient humains ou numériques, ont voulu se débarrasser au plus vite de leurs avoirs, au meilleur prix possible, provoquant une chute brutale du cours. Néanmoins, il n’est pas exclu que les sociétés de trading à haute fréquence et les manipulations de ce trader aient accentué la baisse du Dow Jones. Aujourd’hui, les rôles exacts de chacun restent assez flous. Beaucoup continuent de s’interroger sur les dangers potentiels des sociétés de trading à haute fréquence. ” Les ordinateurs ont fait une OPA sur la Bourse, explique Eric Giacometti. Il y a une réalité, qui est celle des ordinateurs et des algorithmes. C’est une rupture économique et technologique. ”
La menace des produits dérivés
Dans ce 21e album, Mary Stricker, une tradeuse du groupe Winch, aurait manipulé les marchés et empoché un sacré pactole. Mais au-delà de la junior market manager, c’est Largo Winch qui se retrouve dans le collimateur de la justice. Son enquête le mènera à s’intéresser à ces puissants ordinateurs, qui fonctionnent grâce à des algorithmes ordonnant automatiquement de vendre ou d’acheter des produits financiers en fonction de l’état du marché. Ce n’est pas une intelligence artificielle en soi. C’est l’humain qui programme ces logiciels. ” Il y a deux écoles. L’une prétend que tout cela ne peut pas s’emballer, explique Eric Giacometti. Une deuxième dit : ‘attention’. Du fait que ces algorithmes se complexifient, se multiplient, ils sont en interaction les uns avec les autres. Et là, il peut se passer quelque chose d’incontrôlable. Un algorithme A peut mal interpréter ce que fait un algorithme B, et donc conduire à un flash crash. L’être humain ne peut pas contrôler cela. ”
Du fait que les algorithmes se complexifient, se multiplient, ils sont en interaction les uns avec les autres. Et là, il peut se passer quelque chose d’incontrôlable. ” – Eric Giacometti, nouveau scénariste de la BD “Largo Winch
Dans L’étoile du matin, Eric Giacometti et Philippe Francq pointent aussi le danger que font courir les produits dérivés sur l’économie mondiale. Ces produits dérivés, ce sont des contrats qui permettent de se protéger des aléas du marché, comme la fluctuation du cours des matières premières pour un industriel, par exemple. Il en existe de toutes sortes, mais les plus célèbres sont ceux qui ont garanti les emprunts immobiliers à taux variables des familles modestes aux Etats-Unis, les fameux subprimes, responsables de la crise financière de 2007. L’ensemble de ces produits dérivés – sur des emprunts, des actions, des devises, des matières premières, etc. – est 10 fois plus important que le PIB mondial. ” Il peut très bien y avoir une nouvelle crise liée à des produits dérivés qui s’emballent “, prévient Eric Giacometti.
Largo, cet “évité” fiscal
En 2017, Largo Winch semble rattrapé par un scandale qui éclaboussa bon nombre de ses contemporains en 2016 : les ” Panama Papers “. ” Comme vous le savez, le Groupe W m’appartient via une holding enregistrée à Vaduz (au Liechtenstein, Ndlr), explique-t-il dans une des cases de ce nouvel album. Elle a été créée par Nerio pour me transmettre, à sa mort, la propriété du groupe sans payer de droits de succession. ” Comme Largo Winch le dit lui-même : ” Les temps changent. ” Des avoirs dans un paradis fiscal, cela fait plutôt tache. ” On a le seul héros de toute l’histoire de la BD qui est un ‘évité fiscal’ (Il ne s’est pas ‘évadé’. Il a hérité de facto d’une holding déjà créée par son père dans un paradis fiscal. Il n’a juste ” pas encore ” régularisé cette situation, Ndlr). Aujourd’hui, on ne peut pas avoir un discours éthique et être dans un paradis fiscal, ce n’est plus possible “, constate Eric Giacometti. ” Largo date des années 1980, embraye Philippe Francq. C’était un sport. Tous les avocats d’affaires avaient des circuits ‘légaux’ pour faire évader l’argent du pays où il était gagné et le mettre à l’abri dans un paradis fiscal. Avec les Panama Papers, ces filières ont été découvertes. ” Largo Winch doit donc changer d’époque. Quand ce n’est pas cette nouvelle ère qui le frappe en plein visage.
Victime d’un bad buzz, le jeune businessman réalise l’impact des réseaux sociaux sur son image et son entreprise. Pour le lecteur aussi, c’est une gifle. Largo, ce play-boy milliardaire qui multiplie les conquêtes, voyage en jet privé, et côtoie des personnalités, n’a même pas un fil Twitter, une galerie Instagram, un compte Snapchat, un CV sur LinkedIn ou une page Facebook. Un has been numérique à l’opposé de businessmen de son époque tel qu’Elon Musk, Richard Branson, Mark Zuckerberg ou Tim Cook. Ce bad buzz le projette immédiatement dans une réalité qu’il n’avait pas encore appréhendée jusqu’à présent : celle de cette communication 2.0 qui permet de soigner son identité numérique, de développer sa marque, ou de garder l’attention des investisseurs et du public sur ses prochains produits. ” La solution de facilité aurait été de retrouver Largo chez lui, en train de tweeter, explique Eric Giacometti. On trouvait que c’était plus intéressant de le confronter à l’irruption des réseaux sociaux. On ne voulait pas faire moderne pour faire moderne. ” Philippe Francq confie : ” Il y a 20 ans, Largo collait très bien avec la personnalité de Richard Branson. Aujourd’hui, c’est plutôt Elon Musk. ”
Dans L’étoile du matin, Eric Giacometti et Philippe Francq nous plongent dans le monde financier d’aujourd’hui. Une intrigue qui se poursuit dans Les voiles écarlates, le prochain tome. ” James Bond, c’est toujours cinq minutes dans le futur “, s’exclame Eric Giacometti. L’ambition de ce prochain album est de projeter le lecteur dans l’univers du shadow banking, la finance de l’ombre. Et de sceller le sort de Largo Winch. Parviendra-t-il à prouver son innocence ?
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