La Chambre s’attaque à la discrimination sur les antécédents médicaux pratiquée par les assurances
La Chambre des réprésentants a adopté une loi qui vise à réduire les délais pendant lesquels les personnes ayant contracté une lourde maladie se voient refuser une assurance solde restant dû ou imposer une surprime. Cette loi va également s’étendre à l’assurance invalidité.
Se voir refuser une assurance ou imposer une surprime pour un prêt immobilier parce qu’on a eu un cancer: c’est ce à quoi font face aujourd’hui les personnes en rémission depuis moins de dix ans.
Et c’est l’objet de la loi adoptée par la Chambre des représentants de Belgique et qui appelle à modifier la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances. Celle-ci a pour but d’étendre le droit à l’oubli pour les personnes ayant de lourds antécédents médicaux et qui se voient discriminées lors de leur souscription à une assurance. Une proposition de loi qui a été déposée à la Chambre par Robby De Caluwé et Kathleen Verhelst (Open VLD).
Il faut savoir que le droit à l’oubli prévoit que “quoique tout candidat assuré soit obligé de communiquer ses antécédents médicaux lorsqu’il souscrit une assurance, l’entreprise d’assurances ne peut pas les prendre en compte pour déterminer son état de santé à ce moment-là“. Il est actuellement appliqué à deux types d’assurances solde restant dû: celle qui garantit le remboursement d’un crédit hypothécaire se rapportant à l’habitation familiale en cas de décès de l’assuré; et celle qui garantit le remboursement d’un crédit professionnel en cas de décès de l’assuré.
Un arrêté royal datant du 26 mai 2019 avait déjà permis de réduire cette discrimination liée aux antécédents médiaux, en déterminant une grille de référence. Le délai a ainsi été réduit pour un certain nombre de cancers (de la peau, du sein ou du col de l’utérus) pour lesquels l’assureur doit “oublier” cette pathologie après un an. Cet arrêté royal a également instauré le droit à l’oubli pour certaines maladies chroniques, comme le VIH, l’hépatite C et la mucoviscidose. Cette grille de référence est évaluée tous les deux ans par le Centre fédéral d’expertise en fonction du progrès médical.
La loi adoptée ce vendredi va donc plus loin. Elle va en effet entraîner deux changements majeurs.
Raccourcir les délais et inclure l’assurance invalidité
Tout d’abord, la loi vise à nouveau l’assurance de solde restant dû. La législation appliquée jusqu’à maintenant prévoit que l’assureur ne peut ni refuser l’assurance, ni prévoir de surprime pour les personnes qui ont atteint “dix ans de guérison“, c’est-à-dire après la fin d’un traitement réussi et en l’absence de rechute. Ce délai sera raccourci à “huit ans de guérison” dès la promulgation de la loi, qui aura lieu dix jours après la publication au Moniteur belge, “certainement avant le 1er janvier 2023“, l’intention du cabinet étant “d’aller vite“. A partir du 1er janvier 2025, le délai passera à cinq ans.
La seconde modification relative à ce type d’assurance concerne les personnes qui ont contracté un cancer avant l’âge de 21 ans. Le délai pour ne pas se voir refuser une assurance ou imposer une surprime sera réduit à “cinq ans de guérison” dès l’entrée en vigueur de la loi.
Citant le témoignagne d’un couple dont la femme est en rémission depuis neuf ans et qui s’est vu imposer une surprime “énorme” pour leur assurance solde restant dû, Patrick Prévot – porteur du texte pour le PS – a déclaré:
“Il faut insuffler davantage de solidarité dans le système assurantiel, car il est totalement insupportable que des personnes guéries ne puissent pas tourner la page de leur maladie et se lancer dans un projet de vie dans des conditions normales. […] C’est une vraie avancée que d’obliger les assureurs à ne plus tenir compte des risques liés à l’ancienne maladie de leurs clients, comme le recommande la Fondation contre le Cancer.”
Le deuxième changement majeur vise à étendre le mécanisme du droit à l’oubli aux assurances incapacité de travail “revenu garanti” (ou assurance invalidité) et ce, pour tous les travailleurs, qu’ils soient indépendants, salariés ou fonctionnaires. Un mécanisme qui sera différent, puisque le risque “décès” lié à l’assurance solde restant dû n’est pas identique au risque “incapacité de travail“.
Par exemple, pour le cas de la mucoviscidose, sous certaines conditions bien définies, la personne malade peut être assurée contre le risque de décès. Mais cette maladie demandant un traitement quotidien qui prend beaucoup de temps, il n’est pas certain que la personne atteinte de la mucoviscidose puisse être assurée, dans les mêmes conditions précises, contre le risque d’incapacité de travail.
Ainsi, si le droit à l’oubli pour l’assurance invalidité aura les mêmes règles (8 ans de rémission, 5 ans dès 2025), les grilles de référence ne seront pas similaires à celles pour l’assurance solde restant dû. Une nouvelle étude scientifique devrait voir le jour, via le Centre fédéral d’expertise des soins de santé. Ces nouvelles grilles de référence spécifiques pour l’assurance invalidité devront être prises par arrêté royal.
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