JO 2016: les coulisses d’une machine à 5 milliards de spectateurs
Si vous avez regardé une seule épreuve des jeux Olympiques de Rio à la télé ou sur votre téléphone portable pendant 30 minutes, vous appartenez à un club de cinq milliards de consommateurs dont la passion a brassé des milliards de dollars.
Voici cinq clefs pour pénétrer dans les coulisses de la plus grande opération audiovisuelle planétaire et comprendre ses mutations technologiques et économiques en pleine révolution digitale.
Comment avez-vous vu Bolt ?
A Tokyo, Bogota ou Los Angeles, vous avez bondi dans votre canapé en voyant “l’éclair” Usain Bolt remporter le 100 m. Le signal est parti de Rio, envoyé à quatre satellites, depuis le bunker de l’Olympic Brodcasting services (OBS), une émanation du Comité international olympique (CIO) qui réalise “la plus vaste opération de production audiovisuelle au monde”. Plus de 7000 spécialistes du son et de l’image en tee-shirts bleus et pantalons ocre s’affairent dans ce Cap Canaveral des étoiles olympiques. Dans d’immenses salles en verre tapissées d’écrans, ils traitent les images filmées par 1200 caméramen sur tous les sites olympiques. Au total 7000 heures de contenus.
Un business à plus de 3,5 milliards de dollars
C’est ici que les “right-holders” (chaines classiques, câblées, sur internet etc…), qui ont acquis à prix d’or les droits exclusifs de retransmission par pays font leur marché, en zappant d’un canal ou d’un direct à l’autre. Car, vous ne voyez pas les même JO selon que vous êtes Brésilien, Chinois ou Jamaïcain. Chaque pays vibre avec ses champions. L’audimat grimpe et les recettes publicitaires avec.
“Le revenu des droits de transmission continue d’augmenter, pour chaque combinaison de Jeux d’été et d’hiver. Avec Rio, cela représentera plus de 3.5 milliards de dollars”, explique à l’AFP le Grec Yiannis Exarchos, PDG d’OBS. Avec les sponsors, c’est la plus grande source de revenus du mouvement olympique. Le CIO en garde environ 9%, le reste finance les fédérations internationales, les comités nationaux, etc. “Le monde du sport, à part certaines rares disciplines commercialement très rentables, aurait beaucoup de difficultés à survivre sans cette manne”.
Premiers Jeux “massivement digitaux”
“Les Jeux de Rio sont les premiers JO massivement digitaux de l’histoire, où leur visionnage sur internet aura été aussi important que sur les chaînes de télévision”, affirme le patron d’OBS.
Au bout de quatre jours de compétition à Rio, plus de gens avaient vu des images filmés des Jeux sur internet que pendant tous les JO de Londres. “Les chiffres définitifs seront vraiment énormes”, poursuit-il. Pas seulement en terme de nombre de personnes, mais aussi de temps et de nombre de connections grâce à la prolifération des tablettes et smartphones.
Jusqu’à récemment, les chaînes traditionnelles étaient effrayées par le digital, dont la monétisation reste aléatoire. “Mais aujourd’hui, la plupart ont leurs propres plateformes digitales. Et on s’aperçoit qu’elles ramènent du public vers leurs chaînes traditionnelles. Le digital nourrit la TV traditionnelle et inversement”, explique-t-il.
Reste que “l’émergence très agressive de certains véhicules, en particulier les réseaux sociaux qui modifient complètement l’environnement, représente un risque pour certains médias traditionnels, souligne M. Exarchos. La distribution des revenus va évoluer entre les acteurs.”
Les TV-JO du futur ?
Dans les locaux d’OBS, on peut déjà tester à titre expérimental les JO du futur.
La chaîne japonaise NHK teste sur quelques épreuves la retransmission en format 8K, d’une définition 16 fois supérieure à la haute définition actuelle (UD). Sur un écran de cinéma, on peut y voir la finale du 100 mètres avec une incroyable netteté, même à deux mètres de l’écran. L’impression de se trouver à l’intérieur du stade est saisissante.
Dans une autre salle, on enfile de grosses lunettes blanches en plastique. Un smartphone est encastré dedans, branché à une application de réalité virtuelle alimentée par de multiples caméras positionnées dans la piscine olympique. En tournant la tête, on peut voir les spectateurs assis à côté de soi, en la levant, le plafond. A gauche les nageurs en train de s’échauffer. Au centre les photographes. L’image est encore un peu frustre. Mais dans quelques années, on pourra se rendre dans n’importe quel stade olympique du monde sans quitter sa cabane au Canada.
Stades vides et gladiateurs
Qui, du coup, prendra la peine de se ruiner en billets d’avion, hôtel et tickets d’entrée ? Les athlètes courront-ils dans des stades vides ? “Non, estime M. Exarchos, car rien ne remplace l’émotion du vécu. Mais il est vrai que les tribunes à moitié vides, comme l’ont parfois été ceux de Rio, sont la pire chose qui puisse se produire à l’écran” pour chaînes et annonceurs. “Je suis partisan de stades plus petits et bien remplis. Nous ne sommes plus à l’époque des gladiateurs où il fallait faire rentrer tout Rome au Cirque pour les Jeux”, conclut le patron d’OBS.
Le Colisée, aujourd’hui, c’est la télévision.
JO Rio 2016
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