Licencié par l’administration Trump, le chercheur Zachary Labe a fait de sa passion pour la vulgarisation scientifique un véritable engagement. À travers des visualisations puissantes et accessibles, il sensibilise le grand public à l’urgence climatique sur les réseaux sociaux. Une manière de rendre la science visible et compréhensible, dans un pays où elle est reléguée au second plan par le Président.
Le climatologue américain Zachary Labe a été licencié dans le sillage de la politique anti-climat de l’administration Trump. Jusqu’en février 2025, il travaillait pour la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), l’institut météorologique américain, où il développait des modèles capables de saisir les changements complexes du climat autour du pôle Nord, une zone particulièrement sensible au réchauffement, rapporte De Morgen. « Un job de rêve » selon lui.
Mais, sa carrière a pris une triste tournure avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump qui ne soutient pas la recherche sur le réchauffement climatique. L’administration a rapidement ciblé la NOAA, réduisant drastiquement ses budgets et poussant ses collaborateurs à partir. Labe, qui n’était fonctionnaire fédéral que depuis peu, faisait partie des profils les plus vulnérables. Il a été licencié avec de nombreux autres chercheurs. Beaucoup de ces pressions se sont exercées dans l’ombre, mais Labe parle ouvertement de ce qui s’est passé à la NOAA. « À toute heure de la journée, des mémos circulaient, encourageant les gens à démissionner », raconte-t-il au média flamand.
De la recherche à la vulgarisation
Plutôt que de se résigner, le chercheur a transformé cet épisode en opportunité. Ce qu’il avait toujours fait en marge de son travail – créer des visualisations de données climatiques accessibles au grand public – est devenu son activité principale. « Cela n’a jamais été une partie officielle de mon travail, mais j’ai toujours considéré qu’il était important de partager notre savoir », explique-t-il dans De Morgen. Financé par les impôts, son travail devait, selon lui, bénéficier directement aux citoyens.
Il s’est alors spécialisé dans ce qu’il appelle le contraste entre le « signal » – les tendances climatiques de long terme – et le « bruit » – les variations météorologiques à court terme. Un sujet complexe, souvent mal compris. Comment, en effet, concilier une vague de froid ponctuelle avec l’idée d’un réchauffement global ? Plutôt que d’évacuer la variabilité, Labe cherche à la montrer en même temps que les tendances générales, offrant ainsi une image plus fidèle – et plus nuancée – de la réalité.
"Sea Level Through a Porthole" – new animation by @NASAViz at https://t.co/YADfJXlaq7
— Zack Labe (@ZLabe) June 19, 2023
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Ses graphiques ressemblent à des puzzles intrigants, commente De Morgen. La tendance globale saute aux yeux, mais les couches d’information sont telles qu’on peut les observer longtemps. Et ce regard prolongé apporte une meilleure compréhension du climat : ce n’est pas une ligne droite qui grimpe année après année, mais un parcours irrégulier, qu’on ne comprend qu’en prenant du recul.
Des graphiques clairs et intrigants
Ses visualisations à la fois intrigantes, denses et de grande clarté publiées sur les différents réseaux sociaux sont devenues de véritables objets pédagogiques. Une manière de raconter l’histoire du climat sans simplification excessive, mais avec un fort pouvoir explicatif. Zachary Labepublie une centaine de visuels par jour, souvent tôt le matin, avant d’être diffusés sur les réseaux sociaux. Il compte plus de 60.000 abonnés sur X, et poursuit sa diffusion sur Bluesky ou Mastodon.
Chaque mois, le scientifique publie aussi une « climate viz of the month », un graphique particulièrement travaillé, qui synthétise une tendance ou une problématique clé. « Je veux rendre la science plus accessible, plus lisible pour le grand public. Et le changement climatique nous concerne tous. Chacun devrait comprendre ce qui est en train de se passer », affirme-t-il. « La science du climat est un sujet sensible, surtout aux États-Unis. De nombreuses barrières compliquent la communication entre personnes de visions différentes. C’est ma contribution pour faire tomber ces murs. Est-ce que ça a un effet ? Je ne sais pas. Mais j’aime croire que oui. »
Une double carrière
Depuis son éviction, Labe a trouvé un nouvel environnement professionnel : il travaille aujourd’hui pour Climate Central, une organisation dédiée à la communication scientifique sur le climat basée à Princeton, dans le New Jersey. Il y combine ses deux passions – la recherche et la vulgarisation – dans un cadre où ses visualisations sont enfin reconnues comme partie intégrante de son métier.
Pour lui, cette approche est indissociable de sa pratique scientifique. Réaliser des graphiques, recueillir les retours du public, reformuler les données pour les rendre compréhensibles : autant d’activités qui alimentent en retour ses propres questionnements de chercheur. « Cela m’apporte beaucoup. Je découvre de nouvelles pistes de recherche à travers les réactions que suscitent mes visuels », déclare-t-il cité par De Morgen.
Here is a map of the mean temperature departures over the last three months… find your location 👀 🟥 warmer than average 🟦 colder than average Dataset (NOAAGlobalTempv6) described in doi.org/10.1175/BAMS…
— Zack Labe (@zacklabe.com) June 22, 2025 at 2:57 PM
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Un combat pour toute une génération
Mais au-delà de son parcours personnel, Labe alerte aussi sur une tendance plus large : celle d’un « point de bascule » qui pourrait sacrifier une génération entière de scientifiques. Beaucoup de jeunes chercheurs se retrouvent, en effet, suite à la politique de Trump sans financements, ni perspectives de carrière, dans un contexte politique hostile à la science.
Il fait d’ailleurs partie des premiers à avoir témoigné sur le site Silenced Science Stories, qui recense les scientifiques mis au chômage ou privés de financement sous l’effet de décisions politiques, explique encore De Morgen. Une initiative qu’il juge essentielle, mais qui lui laisse un goût amer : « Quand je vois tous ces noms, je suis à la fois fier et triste. Tant de compétences et de savoirs mis sur pause. »

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