Xi Jinping et Vladimir Poutine, une amitié de dix ans

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Il y a dix ans, ils trinquaient avec de la vodka à la naissance de leur amitié. Mercredi, les dirigeants chinois Xi Jinping et russe Vladimir Poutine se rencontrent à Pékin pour approfondir le partenariat “sans limites” entre leurs deux pays.

Les deux présidents ont une relation personnelle forte, M. Xi qualifiant son homologue de “meilleur ami”, tandis que M. Poutine évoque un “partenaire fiable”. Alors que leurs liens sont de plus en plus tendus avec les pays occidentaux, cela a semblé les rapprocher encore, en témoigne le refus de Pékin de condamner l’invasion russe en Ukraine.

Arrivé la veille dans la capitale chinoise, Vladimir Poutine doit y rencontrer mercredi Xi Jinping selon le Kremlin. Ce rare déplacement à l’étranger lui permet de rendre hommage au projet phare du dirigeant chinois, les Nouvelles routes de la soie, dont se tient le 3e forum cette semaine. Mais aussi de montrer qu’il n’est pas seul.

“La présence de la délégation russe à Pékin est importante pour Moscou” car, elle “va légitimer la Russie sur la scène internationale en créant une image positive de Poutine” et montrer qu’il n’est “pas complètement isolé” malgré la guerre en Ukraine, estime Alicja Bachulska, experte au Conseil européen des relations étrangères.

L’amitié entre les deux dirigeants s’est forgée autour d’un gâteau et de verres de vodka, à l’occasion de l’anniversaire du président russe lors d’un sommet en Indonésie en 2013. Puis en 2018, Xi Jinping a fait traverser la Chine à Vladimir Poutine en TGV. Les deux hommes avaient préparé des petits pains à la vapeur.

Quelques mois plus tard, quand M. Xi est allé en Russie, tous deux avaient cuisiné ensemble des crêpes au caviar. En 2019, Poutine avait organisé une fête d’anniversaire surprise pour le président chinois, avec champagne et glaces lors d’un sommet au Tadjikistan.

“Neutralité pro-Russie”

Dans leurs parcours, on trouve beaucoup de similarités: tous deux sont nés au début des années 1950, à seulement quelques mois d’écart. Xi Jinping provient d’une famille de révolutionnaires communistes. Vladimir Poutine, lui, est un ancien agent des renseignements soviétiques.

Les deux sont hantés par l’effondrement de l’URSS, “un désastre géopolitique majeur”, selon M. Poutine. Une sévère mise en garde pour le Parti communiste chinois pour Xi Jinping. Au pouvoir depuis de nombreuses années, ils disent vouloir raviver la grandeur de leur nation… Tout en muselant l’opposition.

Se présentant comme un contrepoids au monde occidental et surtout aux Etats-Unis, Pékin et Moscou décrivent leur relation comme un “partenariat global et stratégique” qui est “sans limites”. Leur amitié perdure malgré l’invasion russe en Ukraine en février 2022, qui a isolé Moscou et Poutine d’une partie de la communauté internationale.

Sous pression diplomatique, Pékin a pourtant refusé de condamner cette invasion et se présente comme neutre. Pour l’expert Joe Webster, du groupe de réflexion Atlantic Council, il s’agit plutôt d’une “neutralité pro-Russie”. Ce qui implique selon lui un soutien diplomatique, économique et d’assistance militaire non-létale de Pékin à Moscou, sur fond d’intensification des échanges commerciaux.

“Recalibrer” les relations

Mais la mutinerie avortée cet été du mercenaire russe Evguéni Prigojine “a choqué Pékin et l’a poussé à recalibrer ses relations avec Moscou”. Désormais, “Pékin cherche à dépersonnaliser la relation et à institutionnaliser les liens entre les deux systèmes politiques” afin de “s’assurer de liens étroits avec la Russie, quelle que soit la personne qui y est au pouvoir”, souligne Joe Webster.

Ce changement subtil révèle la nature déséquilibrée de la relation entre Pékin et Moscou, la Russie dépendant de plus en plus de son voisin pour soutenir son économie et ses efforts de guerre. Depuis l’invasion de l’Ukraine, elle “se retrouve dans une position de dépendance sans précédent vis-à-vis de la Chine”, note Bjorn Alexander Duben, chercheur en relations internationales à l’université chinoise de Jilin.

“L’engagement économique continu (de la Russie) envers la Chine se transforme progressivement en une relation de dépendance directe”, souligne M. Duben. “Cela pose la question de savoir si la Russie s’oriente vers une relation de client avec Pékin”. Pour les analystes, la visite en Chine de Vladimir Poutine permettra surtout d’obtenir un soutien politique, plutôt que de décrocher de gros contrats.

“Nous pourrions voir des résultats dans les mois et les années à venir avec la réalisation de projets d’infrastructure, mais je ne m’attends pas à des résultats significatifs cette fois-ci”, commente Alexander Gabuev, le directeur du centre de réflexion Carnegie Russia Eurasia Center. “C’est la Chine qui a toutes les cartes en main”, poursuit-il. “La Russie aimerait désespérément voir un accord annoncé, mais c’est la Chine qui dicte le rythme”.

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