Une “stratégie de paix par le commerce” en Ukraine : comment la Russie a soigneusement contourné la diplomatie américaine

Zelensky, le 28 novembre; une séquence difficile. (Credit Image: © Pou/ROPI via ZUMA Press)
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Depuis octobre, des négociations ont lieu en coulisse pour séduire l’administration Trump, contourner les instances de sécurité et laisser entendre que la Russie est “une terre d’opportunités abondantes”. Des chefs d’entreprises sont également à la manoeuvre. Du jamais vu, qui explique les difficiles négociations en cours.

Les négociations ont été “constructives”, dimanche, entre délégations américaine et ukrainienne en Floride. Le président américain, Donald Trump, se dit “optimiste”, même si l’affaire de corruption en Ukraine “n’aide pas”, avec la démission du chef de cabinet du président Zelensky. Ce dernier est en visite à Paris, ce lundi.

Derrière cette intensité diplomatique, un incroyable jeu se trame en coulisse depuis le mois d’octobre, contournant les instances de sécurité et mettant en jeu des acteurs économiques.

“Faites de l’argent, pas la guerre: le vrai plan de Trump pour la paix en Ukraine“: voilà le titre d’un article publié par le Wall Street Journal qui permet de comprendre pourquoi les propositions initiales faites par Steve Witkoff, l’envoyé spécial américain, étaient à ce point favorables à Moscou.

Une stratégie économique

Depuis le mois d’octobre, des discussions ont lieu entre Steve Witkoff, rejoint par le gendre de Trump, Jared Kushner, et Kirill Dmitriev, négociateur de Vladimir Poutine, et président du Fonds d’investissement direct russe. Les trois hommes ont réfléchi “en secret [à] une stratégie pour sortir la Russie de l’isolement économique, avec des entreprises américaines prioritaires pour devancer leurs concurrentes européennes et ainsi bénéficier des dividendes”, écrit le Wall Street Journal.

La stratégie a clairement été dictée par Moscou, malicieusement, afin de tordre la réalité. Il s’agit de “l’aboutissement d’une stratégie, élaborée avant l’investiture de Trump, visant à contourner l’appareil de sécurité nationale américain traditionnel et à convaincre l’administration de considérer la Russie non comme une menace militaire, mais comme une terre d’opportunités abondantes“.

Très concrètement: “Dmitriev défendait un plan permettant aux entreprises américaines d’accéder aux quelque 300 milliards de dollars d’actifs de la Banque centrale russe, gelés en Europe, pour des projets d’investissement russo-américains et une reconstruction de l’Ukraine menée par les Etats-Unis. Les entreprises américaines et russes pourraient s’associer pour exploiter les vastes richesses minières de l’Arctique.”

Cette stratégie de “paix par le commerce” correspond pleinement à la vision de Donald Trump, qui l’a aisément soutenue.

Des CEO à la barre

Plus incroyable encore, des acteurs économiques ont pris la main diplomatique.

Des discussions entre oligarques russes proches de Vladimir Poutine – Guennadi Timtchenko, Iouri Kovaltchouk, Boris et Arkadi Rotenberg – et des entreprises américaines pour d’éventuels projets miniers et énergétiques ont eu lieu, ajoute The Wall Street Journal. “Par ailleurs, un groupe d’hommes d’affaires proches de l’administration Trump ont cherché à se positionner comme de nouveaux intermédiaires économiques entre les Etats-Unis et la Russie.”

Conclusion: “Le tableau qui se dessine est celui d’une histoire remarquable de chefs d’entreprise œuvrant en dehors des circuits diplomatiques traditionnels pour consolider un accord de paix par le biais d’opérations commerciales”.

Depuis, Ukrainiens et Européens sont intervenus pour tenter de rééquilibrer le plan russo-américain, mais cette incursion dans les coulisses montre combien on revient de loin. Et à quel point la vision des présidents russe et américain risque de prévaloir.

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