Trump va comparaître en justice : que risque-t-il ?
Donald Trump a été inculpé dans une affaire d’achat du silence d’une star du porno en 2016 et devrait comparaître mardi devant la justice pénale de New York, un fait historique sans précédent pour un ancien président américain, qui a dénoncé jeudi une “persécution politique”.
L’ancien président Donald Trump a été inculpé au pénal jeudi par la justice de l’Etat de New York. Si c’est une première historique, ce n’est que la première étape d’un long chemin judiciaire.
Que s’est-il passé jeudi?
La justice new-yorkaise avait ouvert en 2018 une enquête sur un versement de 130.000 dollars effectué à l’actrice pornographique Stormy Daniels juste avant l’élection présidentielle de 2016 pour qu’elle taise une supposée relation extraconjugale avec Donald Trump. La somme n’avait pas été déclarée dans les comptes de campagne du candidat républicain en violation des lois électorales de l’Etat, et enregistrée comme “frais juridiques” dans les comptes de son entreprise, dont le siège est à New York. En janvier, le procureur démocrate de Manhattan Alvin Bragg avait confié ce dossier à un grand jury.
Aux Etats-Unis, un grand jury est composé de citoyens tirés au sort qui sont chargés d’enquêter en toute confidentialité afin de déterminer s’il existe suffisamment d’éléments pour lancer des accusations formelles contre un suspect. Après avoir entendu plusieurs témoins, le grand jury avait invité à la mi-mars Donald Trump à s’exprimer, ce qui avait indiqué qu’il s’apprêtait à boucler ses travaux. L’ex-président avait refusé, tout en appelant ses partisans à manifester contre sa prochaine “arrestation”.
Jeudi, le grand jury s’est retrouvé à 14H00 (18H00 GMT) en présence de trois procureurs en charge du dossier selon le New York Times. Après trois heures de discussions à huis clos, il a adopté un acte d’accusation dont les charges n’ont pas été rendues publiques.
Que va-t-il se passer dans les prochains jours?
Les procureurs ont pris contact jeudi soir avec les avocats de Donald Trump pour fixer la date à laquelle il se présentera devant la justice new-yorkaise afin de se voir formellement notifier son inculpation. S’il refusait, il pourrait être arrêté et il faudrait alors “l’extrader” de Floride, où il vit, vers New York, chaque Etat ayant son propre système judiciaire. Le gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis, a déclaré sur Twitter qu’il ne serait pas très coopératif, même si la Constitution lui interdit de s’opposer à son transfert. Selon les médias américains, Donald Trump devrait toutefois accepter de se présenter de lui-même devant la justice new-yorkaise, probablement en début de semaine prochaine. “Il sera photographié, ses empreintes digitales seront enregistrées et Trump sera présenté à un juge qui lui demandera ce qu’il compte plaider: c’est certain qu’il dira +non coupable+”, explique Carl Tobias, professeur de droit à l’Université de Richmond, en Virginie.
Et ensuite?
Il est probable que les avocats de Donald Trump engagent une guérilla judiciaire pour tenter de faire invalider son inculpation, peut-être en plaidant que l’enquête était à charge ou un vice de forme. S’ils n’y parviennent pas, le cours normal de la justice prévoit trois scénarios après une inculpation:
– les charges peuvent être abandonnées. C’est relativement fréquent et peut être notamment lié à l’arrivée d’un nouveau procureur, mais assez peu probable dans le dossier de Donald Trump, compte tenu de son retentissement.
– l’accusé peut passer un accord avec les procureurs et accepter de plaider coupable pour s’éviter un procès et obtenir une peine plus légère. C’est encore moins probable, Donald Trump répétant à l’envi qu’il n’a rien commis de mal.
– la justice organise un procès, mais doit auparavant respecter plusieurs procédures, avec diverses audiences préalables. Là encore, il est probable que les avocats de Donald Trump usent de tous les leviers possibles pour retarder cette échéance.
Est-ce que cela l’empêche de briguer un second mandat?
Absolument pas. Aux Etats-Unis, une personne accusée au pénal ou condamnée peut être candidate à n’importe quelle poste et élue. La Constitution prévoit une seule exception à l’exercice d’une fonction officielle: avoir participé à une “insurrection” ou à une “rébellion” contre les Etats-Unis. Donald Trump, qui s’est lancé dès novembre dernier dans la course à la présidentielle de 2024, fait l’objet d’une enquête de la justice fédérale pour son rôle dans l’assaut contre le Capitole le 6 janvier 2021, mais aucune charge n’a été retenue contre lui à ce stade.