L’administration Trump multiplie les incitations financières et propagande patriotique pour recruter de nouveaux agents de l’ICE, sa police anti-immigration. Une campagne de recrutement agressive semblable à celle utilisée durant les deux guerres mondiales.
Si elle fait moins de bruit qu’en juin dernier, lorsque Los Angeles était en proie à des manifestations citoyennes d’envergure, la politique anti-immigration du président américain Donald Trump n’en reste pas moins d’actualité. Son administration multiplie les efforts pour accroitre les rangs de son Service de l’Immigration et des Douanes (Immigration and Customs Enforcement – ICE), exploitant une communication qui rappelle celle utilisée durant les deux premières guerres mondiales.
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Durant son deuxième mandat, Donald Trump poursuit sa lutte contre l’immigration entamée lors de sa première présidence. L’occupant de la Maison-Blanche ne lésine pas sur les moyens pour mener à bien sa bataille, quitte à utiliser une rhétorique de temps de guerre, mais transposée à l’ère numérique. Exit les affiches collées sur les murs et diffusées au cinéma, place aux publications patriotiques sur les réseaux sociaux.
L’Oncle Sam, Superman et des billets verts
Le Département de la Sécurité intérieure est engagé dans une importante campagne de recrutement et multiplie les images fortes sur les réseaux sociaux pour attirer les nouvelles recrues. L’Oncle Sam, symbole emblématique des États-Unis, largement utilisé pour mobiliser des soldats et la population à l’effort de guerre, circule largement en ligne. Le parallèle avec les affiches de la Première Guerre mondiale est frappant : le doigt pointé vers le spectateur, l’injonction personnelle à « rejoindre la cause », l’idée que l’individu peut, et doit, répondre à un devoir national.
Et comme si le symbole historique de l’Oncle Sam ne suffisait pas, l’image de Superman sert également à la promotion de l’ICE. L’acteur Dean Cain, qui incarnait le superhéros dans la série éponyme des années 90, ne cesse de faire l’apologie du service. Lui-même assure qu’il rejoindra les équipes du département « dès que possible ». Il a cependant reconnu qu’il ne serait probablement pas en première ligne des opérations policières. Les collants, le slip et la cape ne font pas tout.
Outre la campagne visuelle et rhétorique, l’administration fédérale a également recours aux incitations financières pour attirer de nouvelles recrues : jusqu’à 50.000 dollars de primes à la signature et jusqu’à 60.000 dollars d’annulation de prêt étudiant. Soit des incitations qui dépassent ce que proposent les services de police locale traditionnels.
Tout le monde est le bienvenu
Preuve de l’ambition de l’administration Trump pour éradiquer l’immigration illégale, le Département de la Sécurité intérieure a levé la limite d’âge pour les fonctions de sa police. Elle a même créé des postes d’agent d’expulsion spécifiquement destinés aux Américains de plus de 40 ans et appelle les agents des forces de l’ordre à la retraite à reprendre « leur mission ».
Le recrutement de nouveaux agents du Service de l’Immigration et des Douanes met en avant trois grands parcours professionnels, souligne le Wall Street Journal ; les postes d’agents d’expulsion (les exécutants), les enquêteurs criminels (les protecteurs) et les procureurs généraux, chargés des poursuites.
Les deux premières fonctions présentent de nombreuses similitudes avec les forces de l’ordre locales. Elles impliquent d’ailleurs de porter une arme à feu et de réussir des tests d’aptitude et examens médicaux. L’ICE précise également que les agents pourraient être amenés à travailler dans des situations dangereuses et stressantes.
Une campagne de recrutement massive pour laquelle le gouvernementTrump s’était donné les moyens, puisque l’ICE profite de l’enveloppe de 150 milliards de dollars supplémentaires alloués à la défense et à la sécurité intérieure. Et les efforts ont été rapidement mis en place, avec une intensité inédite, pour atteindre l’objectif que s’est fixé le président : mener à bien la plus grande opération d’expulsion de l’histoire des États-Unis.
Le patriotisme poussé à fond
Il est rare de voir un État démocratique utiliser les codes des messages patriotiques en temps de guerre. On retrouve d’ailleurs les deux mêmes objectifs : gonfler les effectifs (de l’agence fédérale) et construire un récit politique où l’autre – l’immigrant, dans ce cas-ci – devient l’ennemi numéro un de la nation. De plus, ce recyclage rhétorique vient brouiller les frontières entre le service militaire et le combat civil et administratif, mais aussi entre sécurité intérieure et défense nationale.
Par ailleurs, les incitations financières, l’assouplissement des conditions de recrutement et l’ouverture de postes spécifiques laissent penser que la campagne s’adresse avant tout aux populations les plus vulnérables — moins éduquées, en quête de stabilité économique et plus sensibles aux promesses de sécurité et de reconnaissance. Ce type de stratégie rappelle, sous certains aspects, la manière dont le Parti dans “1984” de George Orwell s’adressait en priorité aux groupes les plus fragiles de la société pour consolider son emprise…