Après avoir menacé l’UE de lourdes taxes douanières, Donald Trump a finalement accordé un délai jusqu’au 9 juillet. Une volte-face qui souligne la stratégie prudente, mais peut-être plus efficace, adoptée par Bruxelles dans un contexte de tensions commerciales mondiales.
Nouvelle volte-face de Donald Trump vis-à-vis de l’Union européenne ce dimanche. Il aura suffi d’un simple appel d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, pour que le président américain reporte au 9 juillet une éventuelle hausse des taxes sur les produits importés aux États-Unis. Pourtant, vendredi encore, Donald Trump affirmait ne « pas chercher d’accord » commercial avec l’Union européenne, menaçant d’imposer des droits de douane de 50 % sur les importations en provenance des Vingt-Sept dès le 1er juin.
Ce rétropédalage constitue en réalité un retour à la situation initiale : après son « Liberation Day » début avril, Trump avait déjà accordé, le 9 avril, un délai de trois mois avant l’entrée en vigueur de ses « droits de douane réciproques ». En somme, beaucoup de bruit pour rien — comme souvent avec Trump.
La situation rappelle la confrontation avec la Chine, cible principale des surtaxes annoncées lors du Liberation Day. Pékin avait répliqué immédiatement, déclenchant une escalade des barrières douanières et une chute des marchés. Mais la tension sur la dette américaine aura poussé Trump à faire marche arrière. Ce bras de fer sino-américain a servi de leçon aux investisseurs — et aux gouvernements. Avant de paniquer, on attend désormais de voir si les mesures sont réellement mises en œuvre.
Les différentes stratégies
La dernière volte-face de Trump, cette fois envers l’Europe, met en lumière les différentes stratégies utilisées pour orienter le comportement a priori erratique du président américain. Contrairement à la Chine, qui a opté pour la manière forte, ou au Royaume-Uni, qui a préféré la précipitation, l’Europe semble miser sur l’attentisme. La Commission européenne, en charge des négociations commerciales pour l’UE, adopte pour l’instant une attitude prudente.
Depuis quelques mois, l’Union européenne a déjà été ciblée à trois reprises par des droits de douane de l’administration Trump : 25 % sur l’acier et l’aluminium annoncés mi-mars, 25 % sur les automobiles, puis 20 % sur tous les autres produits européens en avril. Cette dernière surtaxe a été suspendue jusqu’au 9 juillet pour permettre des négociations. Durant tout ce temps, l’Europe a évité la surenchère. Elle s’est contentée, début mai, de menacer de taxer pour 95 milliards d’euros d’importations américaines, notamment les voitures et les avions, en cas d’échec des discussions. La Commission a également annoncé qu’elle saisirait l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contre les mesures prises par les États-Unis.
Des meilleurs résultats ?
Cette stratégie, fondée sur la retenue, vise à obtenir de meilleurs résultats. Les alternatives se sont il est vrai révélées peu concluantes. La Chine a pu donner l’impression de gagner le bras de fer, sauf que les déséquilibres commerciaux persistent (30 % de droits américains contre 10 % côté chinois). Le Royaume-Uni, premier pays à signer un accord, n’a pas obtenu la suppression des barrières tarifaires de 10 % sur de nombreux produits, et le contenu de l’accord reste flou. En pariant sur la prudence, l’Europe espère que cette approche plus mesurée portera ses fruits.
Longtemps au point mort, les négociations commerciales entre l’UE et les États-Unis semblent donc avoir repris grâce à ce court répit accordé par Washington. Reste à voir si cette stratégie européenne s’avérera plus payante que celle de la Chine ou du Royaume-Uni. Le doute est permis, tant Donald Trump applique une conception personnelle et imprévisible des relations diplomatiques et commerciales. Et à force d’être trop attentiste, l’Europe a aussi provoqué l’irritation. La méthode européenne, fondée sur le droit, la rationalité économique et le respect des alliances, se heurte à la brutalité et à l’unilatéralisme de l’approche trumpienne.
Apaiser la colère de Trump
Les négociateurs de la Commission européenne ont donc intérêt à rapidement trouver un moyen d’apaiser la colère de Trump. Mais si Trump sait que l’Europe n’a ni les moyens économiques, ni l’adhésion politique pour se lancer dans une véritable guerre commerciale, il n’ignore pas non plus que les échanges entre l’Europe et les États-Unis sont bien plus importants que ceux que les Américains entretiennent avec le Mexique, le Canada ou… la Chine.
En gros, les deux parties sont contraintes de négocier. Néanmoins, l’enjeu pour l’Europe, à plus long terme, est ailleurs. Elle doit tirer les leçons de cette impuissance : renforcer la souveraineté économique, relancer l’industrie européenne, et préparer un sursaut stratégique face à un monde de plus en plus conflictuel.